7 mois après la mesure du ministère de l’Intérieur du Développement communautaire et de la Sécurité publique réduisant le champ d’action des deux-roues et des tricycles, leurs conducteurs et les usagers n’ont qu’un souhait : que le gouvernement revienne sur sa décision.
L’impatience avec un brin de révolte des conducteurs de taxi-vélos, de tuk-tuk et de taxi-motos a notamment été manifestée lundi 17 octobre vers 11 heures dans les quartiers du nord de la capitale économique, Bujumbura.
Pendant une demie heure des taxi-motos, quelques taxi-vélos et des tuk-tuk ont franchi les zones interdites, laissant les policiers sans voix. Ils ont été observés se faufilant entre les véhicules à la recherche de clients, de longues minutes de joie, de liberté voire de libertinage avec leurs slaloms. Mais cela n’a été qu’un feu de paille.
La police n’a pas tardé à mettre un terme à cette situation qui a surpris pas mal de gens du côté du marché communément appelé « Kwa Siyoni » en zone de Ngagara, ou à la gare du nord vers Kamenge.
Un grand nombre de conducteurs des taxi-motos a été observé en dehors de leurs zones autorisées. Des informations relayées sur les réseaux sociaux disaient que la mesure interdisant les tuk-tuk, les taxi-motos et les taxi-vélos de circuler dans certaines zones, a été levée.
Certains taxi-motos ont bravé la mesure et ont traversé la ville jusqu’en zone Rohero, dans la commune de Mukaza avant d’être traqués par la police. Des vélos et des motos ont été saisis dans une opération de rafle.
Sur son compte Twitter, le ministère de l’Intérieur a expliqué que le périmètre interdit aux motos, aux vélos et aux tricycles reste maintenu. Néanmoins, le président de l’Associations des Motards du Burundi, (Amotabu) déplore que des motards se soient retrouvés dans des situations intenables ne leur permettant pas de travailler.
« Certains ont regagné les collines d’origine, d’autres ont abandonné leur métier faute de versement suffisant à leurs patrons alors que d’autres sont allés commencer la vie ailleurs », déplore Jadot Nzitunga.
Selon lui, la mesure de réduction du champ d’action de ces deux roues et tricycles ne leur a pas facilité la tâche, elle n’a fait qu’empirer la situation. « Nous pensons que le moment viendra où le gouvernement ’’responsable et laborieux’’, va alléger notre fardeau et rendre meilleur notre situation déplorable ».
Malgré son espoir, il regrette que jusqu’à maintenant, il n’y a pas encore eu une évolution dans ce sens. « La mesure reste en vigueur. » Selon lui, les conducteurs de taxi-motos qui se font remarquer de temps en temps dans les zones interdites n’ont aucune autorisation. « Ils y vont à leurs risques et périls. »
L’association Amotabu demande que la mesure soit levée car, estime-t-il, elle a même déstabilisé le transport au centre-ville. « Maintenant ceux qui vivent dans les quartiers interdits aux vélos, motos et tricycles sont obligés de passer par le centre-ville, ce qui est à l’origine des longues files d’attente dans les parkings de bus ».
Plaidoyer
Jadot Nzitunga plaide pour la révision de la mesure qui d’après lui, a été à la source de la précarité dans les ménages. Il demande au gouvernement d’écouter les usagers des deux-roues et tricycles : « S’il y a des choses à renforcer pour que le transport soit bien organisé, on va en parler.»
Le président de l’Amotabu pense que s’il arrive que la mesure soit suspendue ou annulée les motards travailleront de façon plus responsable pour ne plus être chassés de certains quartiers de la ville.
Même demande pour les habitants des quartiers où les taxi-vélos et les taxi-motos et les tuk-tuk sont interdits d’accès. « Difficile de déplacer quelque chose de lourd aujourd’hui », s’est lamentée une maman du quartier Kinanira, vendeuse de légumes.
Elle raconte que maintenant quand elle va au marché pour remplir son stock, elle doit faire recours aux portefaix ou aux taxis, ce qui est, selon lui énormément cher. « Au moins 2.000 BIF pour le portefaix ou 3.000 pour le taxi alors que quand il y avait des vélos ou des tuk-tuk, je ne dépassais jamais 500 BIF pour déplacer mes marchandises ».
Pendant la période de pénurie du carburant, elle affirme qu’un seul déplacement pouvait lui coûter 5.000 BIF alors qu’avant la mesure une somme de 1.000 BIF suffisait pour un déplacement aller et retour avec une moto.
« Actuellement, nos parents, qui sont à l’intérieur du pays, ont peur de descendre avec des cadeaux comme les pommes de terre, un sac de haricot ou un régime de banane, car ils savent que le déplacement est cher », a ajouté un homme rencontré à Kinanira de la zone Musaga.
Ce fonctionnaire fait savoir que lui aussi quand il va en mission à l’intérieur du pays, il n’achète plus de la pomme de terre ou un régime de banane qu’il avait l’habitude d’amener pour sa famille. « Avec les déplacements qui sont devenus chers, il vaut mieux descendre à Bujumbura et les acheter au marché ».
Nos sources indiquent néanmoins que la mesure aurait diminué des accidents comme le souhaitait le gouvernement du Burundi. Mais ils estiment aussi qu’elle peut être levée puisqu’elle déstabilise des familles au niveau des moyens financiers.
Contacté le porte-parole de la Police nationale du Burundi, Désiré Nduwimana, a indiqué qu’il n’a pas d’informations concernant les zones interdites aux deux-roues et aux tricycles. Seulement, il soutient que même s’il n’a pas des statistiques sur lui, le bilan est positif : « Les accidents ont sensiblement diminué.»
« Chasser les usagers n’est pas une meilleure solution »
« Probablement que le nombre d’accidents a diminué dans les zones interdites », commente Pacifique Nsabimbona, directeur général du Bureau d’Etude, Expertise et Conseil en Automobile, BECA.
Mais il juge qu’il faut aussi se demander si dans les zones où les taxi-vélos, les taxi-motos et les conducteurs de tricycles sont autorisés de travailler, les accidents n’ont pas augmenté.
Pour lui, c’est normal que chasser les usagers des vélos, des motos et des tuk-tuk fait diminuer le nombre d’accidents. Pourtant, techniquement, fait-il remarquer, la sécurité routière ne peut pas être à l’origine de l’interdiction d’accès aux vélos et motos dans différentes zones. « A moins que les autorités aient d’autres données qui ne sont pas à notre disposition ».
Il explique que les villes les plus développées privilégient les vélos qui sont moins pollueurs tandis que les villes des pays en voie de développement privilégient les motos et les tricycles qui sont des moyens de déplacement plus accessibles à la population.
Cet expert propose au gouvernement d’étudier plutôt les causes réelles qui sont à l’origine des accidents. «Il faudrait voir si la voirie est praticable, si les conducteurs ont été formés suffisamment pour utiliser la voie publique, connaissent les signaux routiers, etc. ».
Pacifique Nsabimbona estime que tous les transporteurs qui ont été chassés n’ont pas causé des accidents. « Si l’orteil est malade, faut-il couper tout le membre inferieur ? », se demande-t-il.
Cet expert propose au gouvernement de mettre en place une agence nationale routière pour coordonner et suivre au quotidien toutes les activités de la sécurité routière. « Elle peut faire des investigations pour savoir les causes réelles des accidents ».
Au cours d’une réunion du maire de la ville de Bujumbura avec les habitants de la commune de Ntahangwa, lundi 17 octobre 22, les habitants lui ont présenté des doléances allant dans le sens de laisser les vélos, les motos et tuk-tuk circuler dans le périmètre qui n’était pas interdit auparavant. Jimmy Hatungimana a juste promis d’en parler avec d’autres institutions concernées.