Samedi 23 novembre 2024

Politique

Zone Musaga : flou autour d’une disparition

14/06/2017 10

Deux Imbonerakure sont portés disparus depuis le 25 mai 2017 dans la zone Musaga en commune Ntahangwa de la Mairie de Bujumbura. Pointés du doigt dans les disparitions forcées, assassinats et arrestations arbitraires des jeunes de Musaga, le flou plane autour de ce qui semble être un enlèvement.

Benjamin Ndagijimana : «Je ne suis pas au courant de cette disparition»

Une question taraude les familles : «Où est passé Aimé Arakaza alias Musaga et Eddy Nduwimana?» Depuis cette disparition, leurs proches vivent la peur au ventre. Ils s’attendent à tout moment à une mauvaise nouvelle. De plus, ils se lamentent du silence de la police.

D’après les informations recueillies, leur disparition serait liée à la mort de trois jeunes Imbonerakure dans la nuit du 17 mai 2017 à la 1ère avenue du quartier Gikoto Nord de la zone Musaga. Ce jour-là, Cédric Kwizera, Audifax Ndayizeye et Ligan Harerimana sont morts dans une attaque à la grenade. «Le matin de leur mort, ces trois jeunes s’étaient violemment chamaillés avec Musaga et Eddy à cause du partage de l’argent de la fraude du carburant. Nous ne savons pas si ce sont eux les auteurs de ce triple meurtre.»

Pierre Nkurikiye, porte-parole de la police, demande aux familles de le signaler à la police ou à l’administration. «C’est la procédure normale. Nous travaillons sur plainte.» Antoine Rumenyetso, chef de zone Musaga, indique qu’il n’est pas au courant de cette affaire. «Aucun chef de quartier n’est venu me signaler ces disparitions.» Benjamin Ndagijimana, secrétaire du parti Cndd-Fdd en Mairie de Bujumbura, fait savoir qu’il n’est pas au courant de ces disparitions. «Je ne peux pas connaître tous les militants du parti. Je connais seulement le cas des trois Imbonerakure qui ont été tués. Mais je vais me renseigner.» Iwacu a essayé, en vain, de joindre le chef du parti au pouvoir en commune Muha.

Elimination des témoins gênants?

A Musaga, d’autres sources parlent d’une élimination des témoins gênants d’autant plus que les deux disparus ont été souvent cités comme complices dans les disparitions et assassinats des jeunes dans la zone Musaga. Pour Armel Niyongere, activiste des droits humains, la disparition des deux Imbonerakure montre qu’il y a une tension au sein du système Cndd- Fdd. «Le fait qu’il n’y a eu aucune déclaration du parti au pouvoir ou celle du porte-parole de la police démontre la main du pouvoir dans ces exécutions.» On observe, poursuit l’activiste, que le pouvoir de Bujumbura commence à éliminer ceux qui auraient été utilisés dans les exécutions et disparitions des opposants ainsi que les témoins.

Onésime Nduwimana : «Tous les Bagumyabanga ne sont pas logés à la même enseigne.»

Onésime Nduwimana, ancien porte-parole du parti de l’aigle, abonde dans le même sens. «C’est une disparition de témoins qui devraient un jour témoigner sur les crimes commis en dénonçant les instigateurs et les commanditaires. Il s’agit d’un crime d’Etat. La cour pénale internationale doit s’en saisir sans délai pour mener des enquêtes y relatives.»

Onésime Nduwimana n’est pas étonné du silence du parti au pouvoir sur ce cas. Selon lui, tous les Bagumyabanga (militants du Cndd-Fdd) ne sont pas logés à la même enseigne. Et d’expliquer qu’au sein du parti Cndd-Fdd, les militants ont toujours été classés en plusieurs catégories : les premiers sont les propriétaires du parti dont le président Nkurunziza et quelques généraux en activité ou démobilisés ; puis les membres de droit dits fondateurs du parti ; ensuite, les adhérents qui sont des Hutu et Tutsi considérés souvent comme profiteurs utiles et enfin les sympathisants qui sont membres de nom sans aucune considération. «Vous comprendrez donc la place réservée à ces jeunes reconvertis qui ont rejoint la Ligue des jeunes Imbonerakure qui effectivement compte en son sein des démobilisés membres des ex FDD mais aussi d’autres recrutés, dans d’autres partis politiques, dans l’armée et dans la police. Je ne doute pas qu’ils seront éliminés un à un jusqu’à leur disparition totale.» Il conseille aux jeunes Imbonerakure de faire attention en refusant des ordres inhumains «puisqu’ ils ne défendent aucune cause.»

Benjamin Ndagijimana réfute cette catégorisation au sein du parti au pouvoir. «Nous considérons tous les Burundais au même rang. Ceux qui disent cela ont d’autres objectifs.» Iwacu a essayé de joindre Nancy Ninette Mutoni, chargée de la communication au sein du Cndd-Fdd, sans succès.


Qui sont ces deux Imbonerakure?

Aimé Arakaza alias Musaga est porté disparu depuis plus de deux semaines.

Aimé Arakaza dit Musaga est originaire de la commune Rutovu en province Bururi. Il rejoint les Forces armées burundaises (FAB) dans les années 1996 et il sera démobilisé avec la création de la FDN. Il se lança alors dans la contrebande des médicaments avant d’entrer dans la Ligue des jeunes Imbonerakure. Pendant les manifestations de 2015, d’après les habitants de Musaga, il s’est illustré en dénonçant les jeunes contestataires aux agents du Service national de renseignement (SNR). «Je le connais bien, car il est responsable de la mort de mon frère», confie B.K. «Il a vendu beaucoup de nos jeunes et jusqu’à aujourd’hui c’était son passe-temps favori», indique une maman. Rabatteur au parking des bus à Musaga, il faisait la pluie et le beau temps d’après ses collègues.

Contrairement à son acolyte, selon toujours les habitants de Musaga, Eddy Nduwimana était un virulent contestataire du 3ème mandat de Pierre Nkurunziza. «Il était toujours devant», se souviennent les habitants. Après le coup d’Etat manqué, il entre dans la guérilla urbaine qui a suivi. «Après l’échec de cette guérilla, il s’est rendu à la police. Et là commence le calvaire pour ses anciens compagnons», assurent les habitants de Musaga. Rabatteur lui aussi au parking de Musaga, il travaillait pour le SNR comme Aimé Arakaza, selon différentes sources.

Forum des lecteurs d'Iwacu

10 réactions
  1. Ces deux étaient de la dernière catégorie signalée par Nduwimana. A vrai dire, seuls les leurs les pleurent. Et quand toute la hiérarchie du parti au pouvoir dit qu’elle n’est pas au courant de ces disparitions, c’est plus qu’éloquent. « Babakaravye. » Personne ne les reverra. Que la terre leur soit légère mais j’ose espérer qu’ils répondront de leurs crimes.

  2. Minott

    il ne faut pas pleurer ces disparus car la trahison a eu toujours un prix. Leur sort etait deja connu, pour ce genre de personnes sans foi ni principes moraux qui trahissent leurs camarades, leurs vies se conjuguent rarement au futur…la trahison a toujours coute cher!!

    • LANGA SOURCE

      @Minnot :Etrange situation!Les loups ne se mangent pas entre -eux.Tout se paye ici -bas.

    • Mutama Yohane

      Tres bien dit Minott.Jajoute rien etrien du tout.

  3. Rurihose

    Souvenez vous du député Ntasano,du journaliste Bigirimana, etc….
    Le 2ème principe Universel au Burundi stipule : « Tout citoyen porté disparu pendant plus 2 jours, si il n’est pas dans les cachots du SNR peut être considéré mort et enterré quelque part dans une fosse commune ou flottant dans une rivière. Toute tentative de recherche est alors vaine »???

  4. Jean Bigirimana.

    Vous vous saisiriez d’une affaire dont presonne n’est au courant???Monsieur Pilate…

  5. MURANTUNGA

    Si tous ces monuments s’érigent partout, j’en conclus que le Burundi est une propriété du CNDD-FDD
    « …Pour le porte-parole du ministère de l’Intérieur Thérence Ntahiraja, tout le monde peut construire un monument à son effigie dans sa propriété, même les autres formations politiques de l’opposition. »
    « …Le vice-président du parti Front Pour la Démocratie au Burundi estime, pour sa part, qu’un autre parti de l’opposition qui tenterait de le faire aujourd’hui serait rayé de la liste des formations politiques et les responsables, mis en prison. » Conclusion : le monopartisme est revenu de fait au Burundi. Ce qui veut dire coup d’Etat constitutionnel.

  6. MASO

    « ….Pierre Nkurikiye, porte-parole de la police, demande aux familles de le signaler à la police ou à l’administration. «C’est la procédure normale. Nous travaillons sur plainte.» Antoine Rumenyetso, chef de zone Musaga, indique qu’il n’est pas au courant de cette affaire. «Aucun chef de quartier n’est venu me signaler ces disparitions.» Benjamin Ndagijimana, secrétaire du parti Cndd-Fdd en Mairie de Bujumbura, fait savoir qu’il n’est pas au courant de ces disparitions. «Je ne peux pas connaître tous les militants du parti.. »
    Monsieur le Procureur de la République, personne n’est au courant !!! Saisissez-vous de l’affaire et diligentez les enquêtes ? Votre autorité vous le permet !

    • GEZAHO Démisficateur

      Je doute que Aimé ARAKAZA ne soit qu’un pseudonyme lui attribué dans la ligue Imbonerakure pour que l’on ne le retrouve pas pour un jugement par rapport à ses actes pour le compte du pouvoir en place. En effet, à l’armée où il est entré justement en 1996 (« les 6 mois » comme on les appelait), il répondait au nom de Sindaye.

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