Zénon Nicayenzi, un des anciens de l’Uprona (depuis 1959), estime que Louis Rwagasore ne reconnaîtrait ni son parti ni son pays. Il avoue que ce qui se passe à l’Uprona est une honte. Toutefois, il garde l’espoir de voir se réconcilier les différents protagonistes et appelle au dialogue.
<doc2386|left>{Concrètement, quel est le problème qui se pose à l’Uprona ?}
C’est une honte. En 2005, l’Uprona va aux élections et entre au gouvernement constitutionnellement et non par arrangement avec son partenaire le CNDD-FDD. Celui-ci n’a pas le droit de choisir qui il veut à l’Uprona, c’est au nom de la loi que l’Uprona désigne son candidat et en exigeant sa part de responsabilité réelle au gouvernement. Cela n’étant pas le cas, ça été la première divergence entre le président Bonaventure Niyoyankana et l’actuel courant de réhabilitation de l’Uprona.
Deuxième couac, c’est le rôle de l’Uprona dans la gestion des affaires de l’Etat. La situation est telle que le Burundi est classé parmi les pays les plus corrompus. Personne ne peut fermer les yeux devant face aux problèmes de sécurité, de mauvaise gouvernance, de l’impunité, etc. L’Etat n’a pas l’air de se manifester pour protéger ses citoyens alors que la police et la justice sont là.
{Selon vous, le courant de réhabilitation ne voudrait pas cautionner les erreurs du gouvernement dont l’Uprona est membre ?}
Exactement. D’autant que les problèmes de sécurité sont sur la responsabilité du 1er vice-président de la République qui assure la coordination des ministères régaliens comme ceux de la sécurité publique, de la défense, de la justice, etc.
{Les divergences au sein de l’Uprona ne datent pas d’aujourd’hui. Comment justifiez-vous la violence actuelle ?}
La violence, elle n’est pas nouvelle à l’Uprona. Cela nous rappelle les époques de Casablanca et Monrovia en 1965 qui nous ont conduits aux cycles de violences que le pays a connus. Pour le cas présent, attendons les enquêtes pour savoir qui a commandité un tel acte (Un homme a été tué à la permanence du parti) . Mais d’ores et déjà, deux anomalies sont à signaler : l’ arrestation des enfants de Jean Baptiste Manwangari ! Sur le plan légal, la responsabilité pénale est individuelle. Quand à Tatien Sibomana, membre très actif du mouvement de réhabilitation, il a été inculpé alors qu’il n’était pas là le jour du crime. Cela dénote un mauvais départ de l’enquête. Ceci ressemble déjà à d’autres affaires en cours qui n’aboutissent jamais parce qu’elles ont mal débuté.
{Vous pensez à un montage pour arrêter les opposants de Niyoyankana. Pourquoi et par qui ?}
Je n’affirme rien d’autant que nous sommes au début de cette déplorable situation. Mais cette affaire risque de tourner comme d’autres où on ne traque que des innocents. C’est mon pressentiment.
{Selon vous, à qui profite la division de l’Uprona ?}
Elle ne profite à personne : ni à ces Badasigana en conflits, ni à n’importe quel Burundais, ni au parti au pouvoir qui pourrait s’illusionner. Plutôt, la division de l’Uprona affaiblit les institutions, son partenaire le CNDD-FDD dans la gestion de ce pays.
{Estimez-vous que le départ de Niyoyankana puisse débloquer la situation ?}
Qu’il parte ou qu’il reste, qu’il démissionne ou pas, pourvu que la décision vienne du consensus.
{Au moment où une opinion propose qu’il y ait une médiation assurée par le conseil des Bashingantahe, M. Niyoyankana s’y oppose. Selon vous, que faut-il faire pour sortir de l’impasse ?}
Le parti Uprona n’est pas l’affaire d’un homme, d’un groupe ou d’un organe aussi puissant soit-il. Ce sont les Badasigana eux-mêmes qui vont redresser les défaillances actuelles, j’insiste sans recourir à la violence, dans le strict respect du statut du parti et de son règlement d’ordre intérieur. En outre, un Mushingantahe reste un Mushingantahe. Il ne peut pas être remis en cause par l’une des parties surtout quand il agit collégialement car il ne tranche jamais seul. Le mouvement de réhabilitation a exclu Bonaventure Niyoyankana et à son tour, il vient de les exclure. Nous leur demandons de revenir à la normale, qu’ils cessent de s’exclure mutuellement et qu’ils privilégient le dialogue. A M.Niyoyankana, qu’il revienne sur sa décision et au mouvement de réhabilitation qu’il arrête les recours à la justice. La voie sera ouverte pour la médiation. Et à ce moment là, qui dira non ?