Usagés, téléphones portables, voitures, postes radios et téléviseurs, batteries deviennent des déchets encombrants et nuisibles pour la santé. Un seul centre de traitement de ces matériaux n’est pas suffisant.
10h 30 au quartier Buyenzi, à la septième avenue, des carcasses de toutes sortes de voitures jonchent la rue. Minibus, voitures, jeeps, des véhicules dénudés de toutes leurs pièces se retrouvent le long de cette avenue.
Amissi, mécanicien burundo-congolais rencontré sur place, nous explique la fin de vie de ces automobiles depuis leur arrivée pour réparation.
« Des gens viennent ici pour qu’on répare leurs voitures, parfois c’est pour de petites pannes, mais quelques fois, les problèmes sont plus graves. Il arrive que des véhicules soient carrément irréparables. C’est ainsi que s’amoncellent tous ces déchets que vous voyez ici », explique-t-il dans un français mélangé à du swahili.
Amissi travaille comme mécanicien depuis neuf ans à Buyenzi, il nous fait visiter les ruelles du quartier, il connaît presque toutes les histoires des vieilles voitures qui rouillent dans les rues.
« Celui-ci appartenait à un résident de Ngagara, on a vendu tout ce qu’on pouvait vendre du véhicule. Il nous reste cette vieille carcasse », dit-il en nous montrant un 4X4 dénudé et vidé de toutes ses pièces.
Lorsque les voitures ne sont plus utilisées, elles sont vendues pièce par pièce jusqu’à la dernière pièce réutilisable. Les restes sont abandonnés et finissent dans les ruelles de Buyenzi.
« A un certain moment, l’Etat est venu récupérer les carcasses des voitures usées dans les rues, on ne sait où elles ont été emmenées. Parfois on les utilise pour fabriquer quelques outils ménagers comme des braseros, mais ce n’est pas toujours évident pour les voitures fabriquées avec une carrosserie dure, difficile à découper et remodeler. »
Le même phénomène s’observe pour les téléphones portables usagés en Mairie de Bujumbura. Sur un des grands centres de vente des portables communément appelé « Bata », on y trouve des déchets de téléphone entreposés dans tous les coins. Dans certaines boutiques, ce sont des milliers de portables usagés rangés dehors.
« On les met ici en attendant un potentiel client qui pourrait les prendre, il y a des gens qui viennent des fois les prendre en échange d’une somme d’argent, ils nous disent qu’ils les exportent vers le Kenya pour le recyclage»,raconte A.N vendeur d’ordinateurs et téléphones portables sur place.
Ils procèdent de même pour les appareils photo et appareils d’optique dont les résidus sont moins volumineux par rapport aux autres appareils vendus sur place.
Les vendeurs disent qu’avec le covid-19, ils ne viennent plus souvent les récupérer et ils sont devenus encore plus importants.
Un centre de traitement inadapté
Les importations des produits électroniques n’ont cessé de croître au Burundi depuis 2010, selon les données fournies par la banque de la République du Burundi.
Pour la seule année de 2020, le Burundi a importé 2792,5 tonnes de piles et accumulateurs, 1131,4 tonnes d’appareils d’optique et appareils photo, 1014,2 tonnes de transformateurs électriques, 11999,8 tonnes de voitures automobiles, 523 tonnes de radios ainsi que d’autres produits.
Le phénomène inquiète Great Lakes Initiatives For Communities Empowerment, Glice en sigle, une entreprise spécialisée dans le traitement des DEEE. Elle attire l’attention de la population sur une gestion inappropriée de ces déchets par le secteur informel.
« Ils ne tiennent pas compte des composants de ces déchets lors du traitement, ce qui peut nuire à l’environnement et à la santé des habitants du milieu environnant les centres de traitement. Le processus utilisé libère des produits toxiques contenus dans les DEEE.» explique Ange Merveille Dushimirimana, chargée de la communication au sein de Glice.
Depuis 2014, Glice n’a pu collecter et traiter que 312,33 tonnes des déchets d’équipements électriques et électroniques, dites DEEE dont 25,33 pour l’année 2020, une quantité qui n’est pas suffisante selon l'ARCT.
« Cette quantité n’arrive même pas dans les 1/3 de ce qui entre comme matières électroniques au Burundi, et le reste est géré par le secteur informel, une gestion parfois inappropriée» ajoute Madame Ange Merveille Dushimirimana.
Les déchets collectés sont traités par catégorie comme le précise le rapport de l’ARCT sur le traitement des DEEE. En 2018, les ferrailles (déchets issus du fer et de l’acier) constituaient la plus grande partie des déchets traités au Burundi. A ceci s’ajoutent d’autres matériaux tels que le Cuivre, l’Aluminium, les équipements reconditionnés ainsi que les fractions complexes (batteries, piles, …).
Les substances comme les ferrailles, le cuivre et l’Aluminium sont valorisés, les plastiques sont stockés, les équipements reconditionnés peuvent servir dans leurs états. Les fractions pures sont stockées pour exportation, déclare l’ARCT.
L’ARCT s’inquiète…
L’Agence de Régulation de la Communication et de la Télécommunication s’inquiète sur la mise en application des lois établies pour limiter l’ampleur des conséquences environnementales des déchets électriques et électroniques.
Selon l’ARCT, l’importation d’équipements électriques et électroniques est un facteur de développement socio-économique, mais la destination de ce matériel une fois hors d’usage est problématique.
« Il existe des lois générales qui ont des liens directs avec la gestion de ces déchets, mais les ordonnances de mises en application de ces lois n’existent pas encore », peut-on lire dans le rapport de l’ARCT sur la gestion des DEEE.
Quant à savoir s’il y a un projet du gouvernement allant dans le sens de la gestion des déchets électroniques et électriques au Burundi, l’ARCT déclare qu’il n’y en a aucune. Ils affirment pourtant qu’ils appuient Glice, le seul centre qu’on a au Burundi dans la sensibilisation pour que les entreprises, la population et autres leur donnent leurs matériaux usés.
Pour Merveille Dushimirimana, la régulation du secteur informel et la réglementation des importations des matières électroniques seraient un atout pour faire face à cette problématique.