Vendredi 22 novembre 2024

#JeSuisIWACU

« Vous payez aujourd’hui l’injuste prix fort »

JOUR 30

20/11/2019 Commentaires fermés sur « Vous payez aujourd’hui l’injuste prix fort »
#JeSuisIWACU

Alors que le sort des quatre journalistes et de leur chauffeur doit se jouer aujourd’hui, la rédaction a reçu depuis Paris une lettre émouvante de Sylvaine et Jean Legastelois. Ces formateurs en journalisme sont venus plusieurs fois au Burundi pour former les journalistes d’Iwacu. Ils se souviennent et espèrent…

Chères Christine et Agnès, chers Térence, Egide et Adolphe

Je n’ai pas encore eu la chance de vous connaître, mais je voudrais vous dire aujourd’hui à quel point vous m’êtes proches, du fond de cette prison où l’on vous vous a jetés.

Proches parce que, ma femme Sylvaine et moi, sommes liés à Iwacu par tant de liens forts et anciens que toute atteinte à ceux qui font ce journal nous touche profondément.

Vous savoir emprisonnés nous révolte. Emprisonnés alors que vous faisiez votre travail de journalistes avec la rigueur qui a toujours fait d’Iwacu un exemple pour notre profession !

Mon épouse et moi nous sommes formateurs en journalisme. Nous avons vu naître votre journal, avec Antoine, nous avons recruté et formé la première équipe. Sylvaine et moi avons accompagné la croissance au cours de nombreux stages au Burundi mais aussi à Paris car nous avons eu le bonheur d’accueillir en France plusieurs membres de la rédaction venus en formation dans les médias à Paris., A telle enseigne que l’une des chambres de l’appartement a été baptisée « la chambre des Burundais » !

Au fil des ans, nous avons constaté avec admiration l’extraordinaire développement d’Iwacu, à l’origine petit bimensuel, devenu groupe multimédia employant une trentaine de personnes. Vous pouvez être fiers de faire partie d’une telle entreprise de presse : elle doit son développement et son rayonnement à la rigueur professionnelle de ceux qui l’animent.

Avant-hier, avec les amis d’Iwacu-Europe nous envisagions les actions possibles pour qu’ici, à Paris, votre sort soit encore plus connu, qu’on ne vous oublie pas. Parce qu’en faisant votre métier de journalistes vous défendez un droit fondamental ; parce qu’en travaillant à Iwacu vous permettez qu’une parole libre continue d’informer les burundais, d’éclairer leur jugement, hors de toute idéologie partisane.

De ce combat pour une presse libre vous payez aujourd’hui l’injuste prix fort.

J’imagine votre détresse, privés de la plus élémentaire des libertés, celle d’aller et venir, celle d’être avec les siens. Sachez au moins que vous n’êtes pas seuls et qu’au Burundi et bien au-delà, des amis, des confrères, se soucient de vous.

Aujourd’hui nous sommes dans l’incertitude, mais je veux croire que le droit finira par triompher et que nous aurons, un jour le bonheur d’accueillir tel ou telle d’entre vous dans la chambre des Burundais ! Car nous sommes de la famille d’Iwacu !

Jean Legastelois

Le mardi 22 octobre, vers midi, une équipe du journal Iwacu dépêchée pour couvrir des affrontements dans la région de Bubanza est arrêtée. Christine Kamikazi, Agnès Ndirubusa, Térence Mpozenzi, Egide Harerimana et leur chauffeur Adolphe Masabarakiza voient leur matériel et leurs téléphones portables saisis. Ils passeront une première nuit au cachot, jusqu'au samedi 26 octobre. Jusqu'alors, aucune charge n'était retenue contre eux. Mais le couperet est tombé : "complicité d'atteinte à la sécurité de l'Etat". Depuis l'arrestation de notre équipe, plusieurs organisations internationales ont réclamé leur libération. Ces quatre journalistes et leur chauffeur n'ont rien fait de plus que remplir leur mission d'informer. Des lecteurs et amis d'Iwacu ont lancé une pétition, réclamant également leur libération. Suite à une décision de la Cour d'appel de Bubanza, notre chauffeur Adolphe a retrouvé sa liberté. Ces événements nous rappellent une autre période sombre d'Iwacu, celle de la disparition de Jean Bigirimana, dont vous pouvez suivre ici le déroulement du dossier, qui a, lui aussi, profondément affecté notre rédaction.