Près de 3000 enfants violés durant ces trois dernières années, d’après le Centre Seruka. La vigilance parentale est le maître-mot d’une psychologue.
Plus de 700 cas de viols sur les enfants depuis le début de cette année, plus de 800 en 2015 et plus de 1000 cas en 2014. La majorité des victimes du Centre Seruka proviennent des quartiers populaires et périphériques de la capitale (Kamenge, Cibitoke, Kanyosha, Musaga, etc.), selon Joselyne Kwizera, coordinatrice du centre. La plupart sont violés par des membres de leurs familles : un oncle, un cousin, etc.
La psychologue Estella Iyakaduhaye dresse les causes probables de ce phénomène : « Les enfants sont plus vulnérables car facilement abordables et manipulables. » Laissés à la maison, les plus petits sont exposés au viol par les domestiques ou autres membres de la famille. « Ces derniers, ne pouvant pas contrôler leurs pulsions sexuelles, s’attaquent directement à ceux qu’ils voient. »
Immatures et naïfs, explique la psychologue, les enfants sont attirés par le moindre cadeau et considèrent le donneur comme une bonne personne, ignorant complètement son intention. « Ils tombent ainsi dans le piège du malfaiteur. »
Pour la psychologue, un enfant ne dévoile pas facilement ce qui lui est arrivé. Le plus petit ne réalise même pas qu’il a été violé, il sait juste que quelqu’un lui a fait du mal.
Parents, soyez vigilants !
Les enfants violés sont accueillis tardivement au Centre Seruka par ignorance des parents, selon Estella Iyakaduhaye, également psychothérapeute à ce centre. « Un facteur dangereux pour la santé physique et mentale de l’enfant car la victime d’un viol a besoin de soins urgents. »
Ayant du mal à raconter ce qui lui est arrivé, explique-t-elle, l’enfant change plutôt de comportement. Un parent doit contrôler tous les mouvements et comportements de son enfant, conseille la psychologue. S’il trouve que l’enfant a changé, adopte un comportement anormal, qu’il n’a plus les mêmes passions qu’avant… il faut qu’il découvre rapidement la raison. « S’il s’avère que l’enfant a été violé, le parent doit le comprendre, l’accompagner, le faire suivre par des centres de prise en charge… »
Cette psychologue met en garde les parents qui battent ou punissent l’enfant analysant son changement de comportement comme de simples caprices. Selon elle, le degré de gravité du traumatisme dépend de la manière dont les parents gèrent le viol. Le traumatisme des enfants qui sont compris et accompagnés par leurs parents est facilement réparable.
La prise en charge des victimes, un casse-tête
Des centres spécialisés font état d’une prise en charge des victimes de viol qui laisse à désirer par manque de moyens financiers.
Le Centre Seruka assure, depuis bien des années, la prise en charge médicale, psychosociale et juridique des victimes de violences sexuelles. Mais depuis cette crise, confie la coordinatrice, le centre fait face à de sérieux problèmes financiers.
Les projets, naguère financés par l’ambassade de la Belgique, des Pays-Bas, l’Union Européenne… n’ont pas été renouvelés. La coordinatrice affirme que le centre a donc dû diminuer son personnel : six infirmiers licenciés.
Le centre a du mal à atteindre son objectif d’offrir les soins d’urgence. « Des fois, par manque de moyens, les victimes sont soignées après 72h, la durée au-delà de laquelle la prévention n’est plus efficace. Ils sont victimes deux fois », déplore Joselyne Kwizera.
Avant la crise, confie Mme Kwizera, le centre Seruka faisait plusieurs décentes un peu partout dans le pays pour la sensibilisation sur les violences sexuelles. « Mais aujourd’hui, ce n’est plus possible à cause de l’insécurité. »
« Un secteur négligé »
Le Centre de développement familial et communautaire (CDFC) de la province Cibitoke, qui prend en charge les victimes des violences sexuelles basées sur le genre (VSBG), subit le même sort. Son coordinateur adjoint, Richard Nkurunziza, assure que ce centre n’a pratiquement plus de financement. «Nous nous débrouillons tant bien que mal.»
Très peu de partenaires sont engagés en matière de lutte contre les VSBG dans la province Cibitoke, d’après le coordinateur adjoint. « Depuis deux ans, l’on nous parlait d’un projet d’urgence relatif aux VSBG, mais… »
L’expertise médicale et les soins de santé, selon lui, sont des problèmes majeurs. « 12.000 Fbu par expertise ». Or, les victimes sont issues de familles modestes d’agriculteurs.
Des problèmes de prise en charge psychosociale. « Beaucoup de cas de viols et peu de personnel pour mener l’accueil, l’écoute et l’accompagnement. »
La prise en charge juridique fait aussi défaut : l’absence d’avocats pour l’assistance judiciaire, le paiement des frais de justice, de ticket, pour les victimes, etc.
« Nous sommes en face d’un secteur qui manque vraiment de moyens financiers », déplore Richard Nkurunziza, avant de conclure : « Les cas de corruption, d’impunité et des arrangements à l’amiable encouragent davantage le viol. »
« Les projets, naguère financés par l’ambassade de la Belgique, des Pays-Bas, l’Union Européenne… n’ont pas été renouvelés. La coordinatrice affirme que le centre a donc dû diminuer son personnel : six infirmiers licenciés. ». L’une des innombrables conséquences de la politique étrangère catastrophique de Bujumbura. L’école, les familles, la santé, le développement rural, tous ces secteurs sont aujourd’hui sinistrés. Voilà le véritable visage de la politique menée par le Cndd.