Ce 28 novembre, la Commission nationale indépendante des Droits de l’Homme (CNIDH) a présenté un rapport sur les conditions de détention au Burundi, mettant en lumière des violations persistantes des droits humains. Ces documents dénoncent des irrégularités majeures, allant de la surpopulation carcérale aux détentions arbitraires et bien d’autres.
Ce rapport a été présenté lors d’un atelier dédié à la publication des résultats du monitoring des droits humains dans les lieux de privation de liberté. Ces rapports, couvrant une période de trois mois, ont analysé la situation dans les provinces de Mwaro, Karusi, Gitega, Bururi et Makamba.
Des visites ont permis d’inspecter les conditions de vie de 992 détenus, parmi lesquels 221 ont été libérés grâce au plaidoyer de la CNIDH, soit 22,28 % des retenus concernés. Ces libérations incluent 176 hommes, 31 femmes, 12 garçons mineurs et deux filles mineures.
Les irrégularités relevées sont multiples. Selon Chantal Bakamiriza, secrétaire de la CNIDH, elles concernent principalement le non-enregistrement des détenus dans les registres officiels ou des données manquantes, des retards dans la transmission des dossiers aux parquets, le dépassement des délais de garde à vue et la détention pour dettes civiles, qualifiées d’abus de confiance.
Elle a également évoqué l’absence de qualification des faits reprochés, l’ingérence d’autorités administratives dans la gestion des données des détenus et la détention arbitraire pour des délits mineurs.
Il y a aussi des cas de non-séparation des mineurs et des adultes, faute d’infrastructures adéquates, ou encore des cas de rétention avec menottes, ce qui est inacceptable.
Sixte-Vigny Nimuraba, président de la CNIDH, a insisté sur les irrégularités constatées lors des visites. Parmi les principales, il a relevé des détentions pour des faits qui ne devraient pas occasionner d’incarcération.
Il a déclaré que « des faits non infractionnels sont à l’origine de nombreuses détentions, alors qu’ils devraient seulement donner lieu à des réparations civiles ».
Cette situation met en lumière un recours excessif à l’emprisonnement, souvent initié par des personnes dépourvues de compétences légales pour ordonner de telles mesures.
Ce manque de respect des procédures légales a également conduit à des dépassements des délais de garde à vue et à une surpopulation carcérale inquiétante.
Il a également relevé des conditions d’incarcération, précisant que « les infrastructures actuelles ne répondent pas aux standards établis, notamment les principes Mandela ».
Cela se manifeste par une surpopulation, un manque d’aération, une insuffisance d’eau potable et des installations sanitaires inadéquates.
Dr Nimuraba a insisté pour améliorer la gestion des lieux de détention en respectant les droits fondamentaux des personnes retenues. « On ne recommande pas qu’on reconstruise beaucoup de prisons, mais on recommande d’abord qu’on voit la nécessité d’emprisonner les personnes, parce que si on continue à emprisonner, même demain, les chiffres vont dépasser là où ils sont aujourd’hui », a-t-il averti.
Le président de la CNIDH en appelle à une révision des critères d’emprisonnement et à un renforcement des efforts pour garantir des conditions dignes aux détenus.
Des violations des règles de procédure dénoncées par la CNIDH
Suite aux questions des intervenants, Isaac Kubwayo, substitut du procureur de la République, a mis en lumière de graves irrégularités dans la gestion des lieux de privation de liberté au Burundi.
Il a dénoncé des pratiques contraires à la loi, affirmant que normalement, « il est strictement interdit qu’un officier du ministère public dresse un mandat d’arrêt pour une personne qui doit être conduite dans un cachot. Ce n’est pas normal. Toutes les personnes qui se trouvent dans des cachots ne devraient pas être sous le contrôle d’un officier du ministère public, ni sous celui d’un juge ». Il a précisé que la garde à vue relève exclusivement de la police, mais a reconnu que ce principe est fréquemment bafoué.
Isaac Kubwayo, a signalé que cette violation des règles de procédure est particulièrement courante dans les provinces de Kirundo, Mwaro et Cibitoke. « On trouve dans un cachot de police des personnes sous garde à vue et d’autres sous mandat d’arrêt ensemble. Ce n’est pas acceptable. Ce sont des catégories de personnes qui ne relèvent pas les mêmes administrations : ceux qui sont sous garde à vue relèvent du ministère de la Sécurité, tandis que ceux sous mandat d’arrêt relèvent du ministère de la Justice ».
Il a également expliqué un autre problème grave : la non-exécution des décisions judiciaires. « L’exécution des décisions de justice rendues revient au ministère public, même au responsable des établissements pénitentiaires, suivant que c’est un acquittement ou selon qu’il agit de la purge de la peine ».
Selon lui, « c’est alors, une fois qu’une personne est acquittée et que le ministère public ne procède pas à son devoir contenu au niveau des articles 262, 326 et 327 du Code de procédure pénale, qu’il a failli à son devoir ».
Pour ce substitut du procureur de la République, « le plaidoyer de CNIDH joue un grand rôle : au moment où une personne a purgé sa peine et que le directeur de l’établissement pénitentiaire ne procède pas à son élargissement, il a failli au règlement d’ordre intérieur des prisons ».
Face à cette situation, les participants à l’atelier ont plaidé pour des réformes urgentes, notamment la digitalisation de la chaîne pénale et l’augmentation du budget alloué au secteur judiciaire.
Ils ont également insisté sur la nécessité de sensibiliser les acteurs de la Justice à l’individualisation des peines.
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