Des fils et un morceau de pneu pour donner une jolie sandale… C’est la créativité de Viola Niyongere, jeune licenciée en Génie mécanique, qui s’est lancée dans l’art de fabriquer des chaussures et autres accessoires. Découverte.
C’est à son domicile, dans la zone Kamenge, que Viola passe tout son temps à manier des fils avec un crochet et tailler des pneus pour créer des chaussures sandales pour hommes, femmes et enfants.
Mardi 26 avril, 16h, Viola a déjà l’air épuisé, dans son pagne et T-shirt, assise dans son petit salon en train de crocheter des fils de pêche. Des sandales à moitié finies éparpillées par terre, des fils çà et là sur la table… la maison ressemble à un atelier de cordonnerie. Viola est en compagnie d’une autre jeune femme en train de crocheter des fils également.
A l’extérieur, près de la porte d’entrée de la maison, un jeune homme frôlant la trentaine taille un pneu à l’aide d’une machine pour lui donner la forme d’un pied. « C’est mon mari et ma sœur à qui j’ai appris le métier », clarifie-t-elle. L’équipe s’active pour donner la forme d’une sandale à un morceau de pneu qui constitue le talon, un simili cuir fait office de semelle et des fils au crochet, aux différents modèles, couvrent la partie postérieure du pied.
Elle fait des modèles différents selon les commandes des clients, des particuliers ou des commerçants qui s’approvisionnent chez elle. Par mois, elle écoule 30 à 80 paires de chaussures. Elle gagne en moyenne 500 mille BIF par mois. Alors qu’elle a commencé avec un capital de moins de 10 mille BIF.
Le marché dont elle est le plus fière jusque-là, c’est la commande de 500 paires de sandales qu’elle a eu d’un entrepreneur qui devait les exposer dans une foire en Belgique. 5 millions de BIF qu’elle venait d’empocher d’un coup.
Le fruit d’une simple imagination
Viola Niyongere, 29 ans, a monté son affaire en 2016 alors qu’elle allait finir son cursus universitaire à l’Ecole normale supérieur (ENS) en Génie mécanique.
L’idée n’avait jamais effleuré son esprit auparavant. Un beau jour, alors qu’elle se balade au marché, elle aperçoit des fils de pêche de toutes les couleurs, qui l’impressionne : « Ils étaient beaux à voir. C’était la première fois que je voyais des fils de toutes les couleurs. Je croyais qu’il n’y avait que du noir et du blanc. » Elle se dit qu’elle pourrait en faire de jolis objets. Durant son enfance, elle avait appris à crocheter depuis l’âge de 10 ans et se livrait souvent aux jeux de tissage avec ses camarades de classe.
Elle s’amuse à fabriquer d’abord de petits bijoux avec ces fils, qui ne lui rapportaient pas grand-chose. C’est ainsi qu’elle développe l’idée des chaussures qui pourraient lui rapporter plus, mais sans aucune idée de comment faire. Après avoir visité des ateliers de cordonnerie pour ‘’voler’’ un peu d’expérience, elle s’aventure à fabriquer sa première chaussure dont elle partagera les photos avec sa famille et ses amies proches. Ces dernières admirent son œuvre et c’était parti pour les commandes.
A cette époque, en 2016, elle vendait une paire à 5.000 BIF. Aujourd’hui, le prix varie entre 12 et 15 mille BIF.
Son rêve est d’ouvrir un grand magasin de chaussures et d’approvisionner tous les commerçants de la capitale.
Un couple uni par l’art
Son histoire d’amour avec son mari, Thiery Ndayishimiye, remonte à leurs années estudiantines. « Lorsqu’elle m’a envoyé la photo de sa toute première œuvre, j’ai été séduit par son talent et l’ai encouragée à continuer », se rappelle Thiery, alors étudiant à l’Université Polytechnique de Gitega.
Les cadeaux de sandales qu’il recevait de sa fiancée plaisaient à ses camarades de cours qui voulaient la même chose. C’est ainsi que l’artiste commence à recevoir des commandes de Gitega. Thiery remarque que ‘’l’aventure’’ de sa fiancée est en train de devenir une bonne affaire. Il demande à sa future femme de lui apprendre. Il ne tarde pas à maîtriser cet art et commence à fabriquer ces chaussures depuis Gitega pour les vendre aux étudiants, surtout. Le couple commence ainsi à gagner de l’argent jusqu’à ce qu’il ait les moyens pour préparer son mariage.
Electricien de formation, Thiery jonglait entre art et électricité, au début du mariage en 2020. Mais il décide de se consacrer entièrement à ce métier d’art qui rapporte plus. Jusqu’aujourd’hui, ce jeune couple, parent d’un bébé de six mois, ne gagne sa vie qu’avec ce métier qui fait bien vivre leur petite famille. « Nous pouvons payer le loyer, la ration alimentaire… », se félicite Viola, non sans fierté.
La jeune artiste vient de remporter un prix de 1,2 million de BIF dans le concours Light award de l’art créatif organisé par l’Université Lumière de Bujumbura.