Samedi 23 novembre 2024

Société

Vieux, reviens-nous !

07/08/2015 16

Je n’aime pas les nécrologies. Dieu me garde d’en rédiger une pour notre icône. Célébrons-le, il est encore en vie !

Sur son lit,  torse nu,  allongé sur le côté, le vieux paraît encore plus fragile.
Sur son lit, torse nu, allongé sur le côté, le vieux paraît encore plus fragile.

Mardi matin, en pénétrant dans cette chambre d’hôpital, j’avais mal. Mal pour lui, Pierre Claver, mon vieux, notre vieux à nous tous. Cet homme qui a passé sa vie à défendre la vie des autres, le droit de ses semblables. Les plus fragiles d’entre nous, les prisonniers et autres oubliés broyés par l’injustice.

Pierre-Claver, une vie dédiée à ce que nous avons de plus cher : la liberté.

La nuit, j’ai mal dormi. On a tiré sur le Vieux. Le matin, à 8 heures, j’étais à l’entrée de sa chambre. J’ai attendu que les infirmières finissent les premiers soins. Je suis entré. Lentement. Le cœur battant. Dans la chambre régnait le silence. Une odeur d’alcool médical flottait.

Allongé sur un lit, la joue gonflée, le vieux râlait doucement. Honteux, j’ai rangé mon magnétophone. Je pensais pouvoir l’interviewer ! J’ai trouvé un homme incapable de parler. Il a agité faiblement une main. Zygène, une de ses filles, a accouru. Le vieux voulait qu’on lui change un peu sa position.

Il ne peut pas parler. « Il souffre beaucoup », a murmuré Amandine, triste mais digne ». Ce matin-là, personne ne savait pas si la balle était ressortie ou si elle était encore logée quelque part dans son cou. Plus tard, la radiographie révélera que la balle n’était plus dans son corps.

Des perfusions fichées dans le bras, M. Mbonimpa a tressailli de douleur, la joue est gonflée. Ses filles et son épouse ont veillé toute la nuit. Tous ont les yeux bouffis de fatigue. La nuit a été longue.

Sur son lit, torse nue, allongé sur le côté, le vieux paraissait encore plus fragile. Carina Tertsakian, son amie de HRW m’a écrit qu’elle a pleuré à la vue des images sur Iwacu Web TV. – Les images d’Iwacu ont été reprises par presque toutes les grandes chaînes du monde, préoccupées par l’état de santé du militant.

J’ai trouvé une famille traumatisée par l’attentat, une famille dans la peur. « Le soir après l’attentat nous étions terrorisés, il semble que les tueurs rôdaient et voulaient l’achever à l’hôpital. Heureusement, des diplomates sont venus, notamment les Ambassadeurs de France, USA, des diplomates de l’Union Africaine, tous ont veillé avec nous. »

Finalement, six policiers ont été affectés à la sécurité du vieux.
Au moment où nous mettons sous presse, le Procureur de la République en Mairie de Bujumbura a levé l’interdiction de sortie qui frappe M. Mbonimpa. Désormais, il peut aller se faire soigner à l’étranger. Dans la famille, un grand soulagement. J’ai appelé Amandine, sa fille. Dans sa voix, la vie, la joie : « Oui, la procédure pour l’envoyer à l’étranger est en cours. »

Il ne nous reste qu’à souhaiter un bon voyage à notre vieux. Soigne-toi, Mutama, et reviens-nous. Nous avons encore besoin de toi.

Vieux, je ne suis pas superstitieux, mais je te dis que cette balle qui n’a pas voulu atteindre un organe vital est un signe : des forces supérieures veillent sur toi…

Alors… Je te dis bon voyage et à très bientôt pour d’autres combats.

Forum des lecteurs d'Iwacu

16 réactions
  1. Gertrude

    Rendons grâce au Seigneur car il est bon!!!. Quand on considère de multiples vies sauvées par Dieu via ce brave infatigable MBONIMPA!!!
    J’interpelle tous les burundais à se respecter mutuellement car, qui peut indiquer la marque de ces armes utilisées pour s’entretuer? Aucune ne porte la mention  » Made in Burundi », Qui en profite? Bien sûr, c’est le pays et l’usine qui en fabriquent. Alors pourquoi on vous apprend comment manier l’arme sans vous apprendre à en fabriquer?

    En d’autres termes : INGWANO Y’IBIHORI ITERA AKAMWEMWE IBISIGA!!! ou, LE COMBAT DES SAUTERELLES ENCHANTENT …… . A vous de compléter.

  2. Human

    Bon retablissement, ejo mu misa abasenga muze mumusabire, musabira n’abo bose bapfuye hamwe nigihugu cacu. Merci Antoine

  3. kwizera

    En lisant et en regardant le reportage d iwacu par antoine kaburahe, j etais allongé sur le lit et les larmes de l emotion m innondait le visage,mon epouse m’a trouvé bizarre en voyant les larmes mouller ma barbe,quand je lui montré l article et le reportage,elle, elle a sangloté.tant pour les mechants et les bons quand quelque chose de mal leur arrive la joie ou la tristesse arrive naturellement,ainsi est fait l humain

  4. Kirinyoya

    Je lui souhaite un bon rétablissement et bon courage à sa famille. Le Seigneur le protégera toujours. Que ces diables le sachent. Ahubwo bihane ubwicanyi

  5. Stan Siyomana

    1. Je voudrais me joindre a la multitude de gens (au BEAU PAYS DE MWEZI GISABO et au-dela de ses frontieres) pour souhaiter BONNE GUERISON a ce vaillant militant des droits de l’homme au Burundi.
    2. « …Sur les armes des guerriers
    Sur la couronne des rois
    J’ecris ton nom…
    Je suis ne pour te connaitre
    Pour te nommer
    LIBERTE »
    (Liberte, poeme de Paul Eluard (1945), http://www.poetica.fr).
    3. Les defenseurs des droits de l’homme aujourd’hui sont comme le Moise de l’antiquite.
    « Exode 10:3
    Moise et Aaron allerent vers Pharaon et lui dirent: Ainsi parle l’Eternel, le Dieu des Hebreux: Jusqu’a quand refuseras-tu de t’humilier devant moi? LAISSE ALLER MON PEUPLE, afin qu’il me serve ».
    (http://saintebible.com).
    ux autres fideleser

  6. karin

    Félicitation! Un message qui reflète bien les efforts entamés par PC, et très touchant! Merci Antoine

  7. Yegeyege

    Super and encouraging message for the old man and the struggle for liberty and peoples rights.
    Dear Antoine and the whole IWACU team keep up the good job of telling it as it is.
    A luta continua a Victoria é certa (Portuguese)

  8. MAYUGI

    Merci pour ce reportage M. Antoine et bon rétablissement à notre vieux!

  9. Karundi

    Description touchante,
    Mais je ne suis pas d’accord avec vous quand vous dites: « … ce que nous avons de plus cher : la liberté. »
    Pour moi « ce que nous avons de plus cher: c’est la vie ». En effet quand on a perdu la liberté, on peut se battre et la recouvrer, mais la vie perdue, ce n’est pas recouvrable. Antoine, merci de ne pas me sensurer

    • Améde

      Moi je d’accord avec Antoine. Je pense qu’il voulait dire que la liberté est ce que nous avons de plus cher que nous sommes vivants. Quand on est mort on est libre car délivré de toutes souffrance.

      • Karundi

        Améde, quand nous sommes vivants, ce que nous avons de plus CHER c’est bien la VIE, quand on est mort on n’ a rien, dis-donc. Il n’ y a rien de plus cher sur cette terre. Antoine karamuciyemwo vyemere, il est humain, non?

        • Amédé

          Quand nous sommes vivant, la vie nous l’avons déjà. Il nous faut la liberté pour nous sentir vivant. N’est ce pas mon frere?

          • Karundi

            Améde, supposons que la VIE et la LIBERTÉ sont toutes les deux « en danger de mort ». Et tu es un sauveteur, où mettrais-tu la priorité, sur la vie ou sur la liberté?
            N’allez pas me dire que vous sauveriez la liberté avant la vie. Ce serait con de ta part.

      • DD-DD

        Améde!!! « tu pense qu’il voulait dire… » , mais il n’a pas « dit », il a « écrit ». Ah bon !!!
        Je souhaite prompt rétablissement à PC Mbonimpa, Dieu fasse qu’il ne perde pas ce qu’il a de plus cher: la vie.

  10. Marie Claire

    Que Dieu soit avec notre mutama, heros de la liberté d’expression et des sans voix!!
    Je lui souhaite un bon voyage et un bon retablissement. Courage à ses proches et ses collegues qui vivent dans l’insecurité et qui pourront aussi subir le même sort que Mbonimpa Pierre Claver!!

  11. loreline

    Magnifique et touchant hommage à un grand homme.

A nos chers lecteurs

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, mais une information rigoureuse, vérifiée et de qualité n'est pas gratuite. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à vous proposer un journalisme ouvert, pluraliste et indépendant.

Chaque contribution, grande ou petite, permet de nous assurer notre avenir à long terme.

Soutenez Iwacu à partir de seulement 1 euro ou 1 dollar, cela ne prend qu'une minute. Vous pouvez aussi devenir membre du Club des amis d'Iwacu, ce qui vous ouvre un accès illimité à toutes nos archives ainsi qu'à notre magazine dès sa parution au Burundi.

Editorial de la semaine

Question à un million

Quelle est cette personne aux airs minables, mal habillée, toujours en tongs, les fameux ’’Kambambili-Umoja ’’ ou en crocs, les célèbres ’’Yebo-Yebo’’, mais respectée dans nos quartiers par tous les fonctionnaires ? Quand d’aventure, ces dignes serviteurs de l’Etat, d’un (…)

Online Users

Total 2 126 users online