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Vers une CVR, mécanisme de Justice de Transition, sans justice …

04/12/2012 Commentaires fermés sur Vers une CVR, mécanisme de Justice de Transition, sans justice …

Le projet de loi sur la mise en place de la Commission Vérité et Réconciliation, adopté par le conseil des ministres, ne fait pas mention du recours à la Justice. Ce retrait, qui manifeste l’intention du pouvoir d’imposer le pardon, laisse sceptiques plusieurs observateurs et acteurs.

<doc6232|left>Ce projet de loi, portant création, mandat, composition, organisation et fonctionnement de la CVR, ne prend pas en compte les victimes. C’est du moins l’avis d’Aloys Barutwanayo, secrétaire général et porte-parole de l’AMEPCI-Girubuntu (Association pour la Mémoire et la Protection de l’Humanité contre les crimes Internationaux). En effet, d’après ce projet de loi, les crimes ne seront pas qualifiés ainsi que leurs auteurs, qui ne seront pas non plus écartés des institutions. « Comment dénoncer quelqu’un qui reste dans ses fonctions, alors qu’on sait qu’on peut avoir recours à lui à tout moment ? », se demande-t-il. Pour M. Batungwanayo, si le projet est maintenu comme tel, la commission qui en résultera mettra en avant l’impunité.

Jean Pierre Havyarimana, président du Fonarec (Forum National des Relais Communautaires pour la mise en place de la JT), se demande pourquoi le gouvernement s’empresse pour ne prendre en compte que l’aspect non judiciaire de la CVR : « Les acteurs politiques burundais ont déjà tracé une orientation judiciaire et non judiciaire de la CVR, l’Accord d’Arusha, la constitution, le rapport Kalomoh, les consultations nationales, le rapport Kavakure, tous contiennent ces deux approches. »

Silvère Ntakarutimana, expert chargé du programme Justice transitionnelle au FORSC, ne cache pas sa déception : «Une justice transitionnelle, en théorie et en pratique, ne peut être viable sans l’aspect judiciaire. » Pour lui, le projet est un costume taillé sur mesure pour les dirigeants actuels, une sorte d’autoprotection. Pourtant, souligne-t-il, dans les consultations nationales, la population avait exprimé son désaccord face à une provenance politique des commissaires.

Une CVR “made in Cndd-Fdd”…

<doc6230|right>M. Havyarimana estime que « ce projet de loi est un décret du pardon forcé, une amnistie exigée. »  Pour lui, on reconnaît dans ce projet une orientation du mémorandum du Cndd-Fdd qui exclut la justice des recommandations de la CVR. En effet, le 2 février 2006, le gouvernement a rendu public un  Mémorandum indiquant que l’orientation du mandat de la CVR doit être la recherche de la vérité et la réconciliation et non la justice qui n’interviendrait que si le pardon s’avérait impossible. Mieux, la disposition 70 stipule qu’un mécanisme de réconciliation proposé par la commission, et accepté par le coupable, prend force de jugement et devient exécutoire.

« Il est vrai que la CVR n’est pas censé avoir un aspect juridique, mais elle a, d’habitude, le droit de recommander des mécanismes pour traiter les crimes du passé, surtout les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre ou les crimes de génocide », indique Selim Mawad, chef de mission de Impunity Watch au Burundi. Pour rappel, le 19 décembre 2011, le Haut Commissariat des Nations unies aux Droits de l’Homme écrit à Laurent Kavakure, ministre des Relations Extérieures, pour lui présenter ses commentaires sur l’avant-projet de loi fixant la CVR. Dans cette correspondance, le HCDR insiste sur le fait que les NU sont contre toute amnistie pour les crimes de génocide, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, les crimes de violence sexuelle ou les violations graves des droits humains.

L’erreur que le pouvoir ne pourrait jamais commettre …

C’est un non dit mais la réalité est que le pouvoir Cndd-Fdd ne peut pas livrer ses propres fils. En effet, d’après l’Accord d’Arusha, la CVR se penchera sur des crimes commis depuis 1962 jusqu’à sa mise en place. Les crises (1965, 1972, 1988, 1993) sont intervenues sous différents régimes et des responsabilités se trouvent partagés chez les Hutu que chez les Tutsi. D’après des sources dignes de foi, la plupart des responsables tutsi incriminés ne sont plus de ce monde. Ainsi, le pouvoir Cndd-Fdd craindrait de se retrouver seul avec quelques éléments des Forces Nationales de Libération. |

… quelles que soient les conséquences !

La correspondance propose également que soit inclus dans la loi régissant la CVR que la commission n’a pas le droit de recommander le pardon au profit des présumés auteurs de ces crimes. Elle précise que le pardon des victimes n’absout pas les auteurs, et ne peut empêcher les poursuites judiciaires, encore moins par les éventuels regrets et pardons accordés devant la commission.

Les Nations unies ainsi que certains partenaires internationaux, souligne M. Mawad, risquent de se retirer du processus si les normes internationales ne sont pas respectées : « Avec le risque d’un manque de financement et, surtout, la perte d’une assistance technique compétente et expérimentée. Le rapport de la CVR risque également de perdre la crédibilité aux yeux de la communauté internationale, à laquelle le Burundi a souvent recours. »

M. Mawad reconnaît que le gouvernement burundais est souverain d’accepter ou pas les conditions de partenariat, et il ne nie pas que la CVR puisse atteindre l’objectif voulu par le gouvernement, s’il vise le pardon. Mais, pour lui, il ne faut pas sacrifier tout le processus de Justice de Transition pour un seul mécanisme. Du reste, les CVRs ne se font pas deux fois. Et d’ajouter : « Afin de changer le projet de loi actuel, la société civile doit s’engager dans un dialogue avec le gouvernement, sous l’auspice des NU et d’autres partenaires internationaux. » Si ce dialogue n’aboutit pas, indique M. Mawad, le seul recours sera le plaidoyer et l’élaboration des stratégies pertinentes pour satisfaire les droits des victimes.

Qu’en pensent les partis au pouvoir ?

Charles Nditije, président de l’Uprona, constate également l’absence du rôle des Nations unies ? Qui financera la bagatelle de 20 millions de dollars allouée à son fonctionnement ? » Cependant, son espoir se fonde sur le fait que ce texte est un projet de loi et ose  espérer que les députés et sénateurs comprendront l’importance d’une CVR définitivement réconciliante. « Ce n’est pas pour la première fois que nous accueillons des textes si lacunaires. Une vraie réconciliation passe par la connaissance de la vérité, le pardon, la réparation pour les victimes et des peines judiciaires », fait-il remarquer. L’Uprona, insiste-t-il, est contre une amnistie générale, car les responsabilités sont individuelles.

Pascal Nyabenda, président du parti au pouvoir, tranquillise : « Pourquoi les gens se précipitent-ils ? Le projet n’est pas encore arrivé à l’Assemblée nationale. » Il rappelle que le Burundi a ses réalités spécifiques.
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| Les dix conséquences politiques, selon Frédéric Bamvuginyumvira, vice-président du parti Sahwanya Frodebu
– C’est donner des lettres de noblesse à l’impunité du crime
– C’est vider de sa substance l’approche de la politique réconciliatrice prôné par l’Accord d’Arusha
– C’est l’absence de réconciliation entre divers groupes ethniques, la société restera divisée, ce qui constitue une menace permanente au développement du Burundi ;
– Des criminels resteront au pouvoir, ils vont s’imposer et prendront en otage tout le peuple, ce qui est une négation de l’essence de la démocratie
– Il va y avoir des conflits interminables entre les tenants du pouvoir et la société civile qui croyait en l’alliance entre le besoin de réconciliation, de la vérité et de la justice
– Ce sont des conflits interminables entre Bujumbura et la Communauté internationale qui a le souci de la justice comme base de la vérité et de la réconciliation
– Le Burundi est condamné à ne jamais connaître la vérité, des gens ne vont pas s’exprimer de peur d’accuser quelqu’un qui ne sera pas puni
– Le Burundi est également condamné à ne jamais avoir des institutions réformées pour garantir la non répétition des crimes : des militaires, policiers, fonctionnaires, politiciens… vont rester à leur place
– Un pays dont les chances de développement s’éloignent de plus en plus, un pays sans liberté : des gens seront maintenus dans la psychose, ils vont fuir le pays de peur d’être tuées, des répétitions de crises de sang dans ce pays
– La mise en place de la CVR sera un processus biaisé, génératrice de conflits |

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