Des gestes de bonne volonté de la part de Kigali tendant vers le réchauffement des relations entre Kigali et Gitega se multiplient. Selon Gitega, l’extradition des présumés putschistes hébergés par le Rwanda était au menu des échanges entre le président Ndayishimiye et Huang Xi. Retour sur la chronologie des faits.
Mardi 24 novembre, la présidence de la République du Burundi sort un communiqué qui fait état d’une rencontre entre le président Ndayishimiye et Huang Xi, l’envoyé spécial de l’ONU dans la région des Grands Lacs.
Selon ce communiqué, Kigali a la ferme volonté de remettre les présumés putschistes aux autorités burundaises. Il précise que Kigali voudrait le faire par l’entremise d’un mécanisme ou d’un pays médiateur.
Le même communiqué indique que le président Ndayishimiye fait savoir qu’entre le Burundi et le Rwanda il n’y a nul besoin de médiateur étranger. D’après le numéro Un burundais, les deux peuples sont très proches et peuvent s’entendre de par leurs langues presque similaires. D’après lui, le plus grand point de discorde entre le Burundi et le Rwanda étant que ce dernier héberge ces présumés putschistes.
Par ailleurs, ajoute le communiqué, les contacts visant la normalisation des relations bilatérales sont déjà en cours entre les autorités rwandaises et burundaises.
A ce titre, précise le même communiqué, le président Ndayishimiye annonce qu’il est prévu une rencontre des ministres respectifs en charge de la Justice, pour parler des modalités pratiques en rapport avec ces présumés putschistes.
Retour sur d’’autres rencontres entre les deux pays
Mardi 20 octobre 2020, le ministre burundais des Affaires étrangères et de la Coopération au développement, Albert Shingiro effectue une visite de travail au Rwanda. Il est accueilli par son homologue rwandais, Vincent Biruta, sur la frontière commune de Gasenyi-Nemba. Les échanges portent sur les relations bilatérales entre les deux voisins. Les deux autorités analysent ensemble les modalités de normaliser ces relations.
Le chef de la diplomatie rwandaise affirme que son pays est prêt à normaliser ces relations. Il parle d’un bon pas marqué pour que les deux pays puissent renouer leurs relations de bon voisinage.
Son homologue burundais affirme que le Burundi soutient tous les efforts visant à normaliser les relations entre les deux pays.
Samedi 26 août, les chefs du renseignement militaire du Rwanda et du Burundi se réunissent au poste-frontière de Nemba pour discuter des questions de sécurité le long de leur frontière commune. Les discussions se déroulent sous l’égide du Mécanisme Conjoint de Vérification Elargi (MCVE) de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL). La délégation du Rwanda est dirigée par le général de brigade Vincent Nyakarundi.
Du côté burundais, le chef de la délégation est le Colonel Ernest Musaba, chef du renseignement militaire. Les deux pays s’engagent à résoudre les problèmes de sécurité à la frontière commune. Ils se déclarent prêts à partager des informations, à ouvrir un dialogue entre leurs dirigeants de la défense et à coopérer pour restaurer la sécurité à leur frontière commune dans l’intérêt de la paix et de la sécurité dans la région.
Mercredi 23 septembre, le général de brigade Vincent Nyakarundi, chef du renseignement militaire rwandais informe le MCVE de la capture, dans la forêt de Nyungwe, secteur Ruheru, district Nyaruguru, de 19 combattants burundais qui s’identifient comme membres du groupe armé RED-Tabara (Mouvement de la Résistance pour un État de Droit). Il demande au MCVE de faire des enquêtes approfondies.
Dans un communiqué sorti vendredi 2 octobre, le ministère de l’Intérieur, du Développement communautaire et de la Sécurité publique demande au Rwanda de remettre au Burundi les criminels qu’il a appréhendés sans passer par d’autres mécanismes, comme le Burundi l’a toujours fait en cas de criminels rwandais arrêtés au Burundi.
Lundi 5 octobre 2020, l’armée rwandaise opte pour présenter les combattants au MCVE afin qu’il enquête sur l’incident.
Le rapatriement des réfugiés, une des conditionnalités
Le 13 août, un accord tripartite entre le Burundi, le Rwanda et le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) définissant les modalités de rapatriement des réfugiés burundais se trouvant sur le sol rwandais a finalement voit le jour. Il a fallu deux semaines d’âpres discussions pour parvenir à un tel compromis.
Ainsi, jeudi 27 août 2020, un premier convoi de 493 réfugiés est du camp de Mahama au Rwanda par le HCR en collaboration avec le Burundi et le Rwanda.
Jeudi 10 septembre, un 2e convoi de 507 réfugiés burundais en provenance du camp de Mahama au Rwanda est arrivé à la frontière burundo-rwandaise de Gasenyi-Nemba en province Kirundo.
Jeudi 24 septembre, un troisième convoi de 511 réfugiés burundais a été rapatrié du camp de Mahama au Rwanda.
Jeudi 15 octobre, plus de 400 réfugiés burundais en provenance du camp de Mahama au Rwanda sont rentrés dans leur pays.
Rappelons que Gitega avait posé deux conditions sine qua non pour le réchauffement des relations entre le Rwanda et le Burundi : extrader les présumés auteurs du coup d’Etat manqué de 2015 et faciliter le retour des réfugiés se trouvant au Rwanda.
>>Réactions
« Il s’agit d’un pas en avant »
Kefa Nibizi, président du Frodebu Nyakuri, salue la volonté manifestée par le Rwanda d’extrader les présumés putschistes. « Le Rwanda reconnaît qu’il héberge des putschistes qui ont tenté de renverser le pouvoir à Bujumbura en 2015 ». M. Kefa n’apprécie pas la manière dont Kigali va procéder en extradant ces présumés putschistes par l’intermédiaire d’un pays médiateur. « Nous proposons que le Rwanda les remettent directement au Burundi ».
Par ailleurs, fait observer Kefa Nibizi, si le Rwanda a des inquiétudes quant à leur sécurité ou au respect de leurs droits ou leur sécurité, il faudra qu’il cherche des témoins la CIRGL ou l’EAC. Et de rassurer : « Leur sécurité et leurs droits pourront être sauvegardés d’autant plus que les putschistes arrêtés au Burundi ont été jugés légalement dans le respect du droit à la défense ».
« A un problème politique, il faut une solution politique»
« Leur extradition revêt à la fois un caractère politique et diplomatique », fait savoir Phénias Nigaba, porte-parole du Frodebu. Selon lui, il faut privilégier la voie diplomatique dans le traitement du contentieux existant entre Gitega et Kigali au sujet des présumés putschistes qui seraient au Rwanda.
Interrogé sur la nécessité d’un médiateur, M. Nigaba estime qu’il faut une personnalité qui aide vider la question. « Nous voulons des résultats concrets, c’est-à-dire le réchauffement des relations entre les deux pays voisins », avant de marteler : « A un problème politique, il faut une solution politique».