Tandis que les cinéastes burundais engagent des moyens financiers importants pour réaliser leurs films, la contrefaçon mine ce secteur. Les artistes veulent une véritable protection de leurs produits.
La loi sur les droits d’auteur est en vigueur. Mais les cinéastes déplorent toujours que leurs produits sont toujours piratés, au vu et au su de tout le monde. Abdoul-Karim est encore jeune. Il vient de sortir ses deux longs métrages. Le premier nommé « Leila », en 2009. Et le dernier, « Life », en 2011. L’artiste ne cache pas son indignation : « J’ai engagé près d’un million de francs, ne fut-ce que pour le tournage. Mais, je n’ai même pas pu en retirer la moitié. Désormais, je préfère les vendre moi-même. Mais pas au Burundi, à l’étranger via mes connections amicales».
Dans les coulisses de la contrefaçon
Il s’appelle C.O., 19 ans. « Je suis le seul, dans la capitale, bien outillé pour copier, “professionnellement”, les films », confie C.O. La technologie utilisée, indique-t-il, vient de l’Ouganda. Le contrefacteur ne rate pas une occasion de se moquer de ces artistes qui se croient plus malins : « Ils avaient commencé à coder leurs dvd. Un instant après, j’avais déjà le mot de passe. A mon tour, je verrouille mes copies pour que je garde le monopole de production. »
Selon lui, l’affaire draine, dans la capitale, un réseau de plus de 100 distributeurs, connectés directement à la source. «Aucun d’entre eux n’a le souci de satisfaire ses besoins primaires : nourrir la famille, envoyer les enfants à l’école, s’acquitter du loyer,… », affirme C.O. Par semaine, dénombre-t-il, une centaine de copies burundaises s’écoule. «Qui peut acheter un dvd de 10.000F, alors qu’en parallèle, nous offrons le même produit à 2000F », se demande-t-il ?
Pour Léonce Ngabo, cinéaste professionnel, il est vraiment regrettable que, jusqu’ici, leurs produits ne soient toujours pas protégés. Il en arrive aux productions musicales : « Imaginez-vous, pour avoir une copie de mes propres chansons, je suis obligé de payer», s’indigne-t-il.
Le réalisateur de {« Gito l’ingrat »} s’en prend aussi aux médias : « Les télévisions qui diffusent nos films sans aucune contrepartie, sous prétexte de publicité, devraient également payer. » Innocent Muhozi, directeur de la télévision Renaissance, n’abonde pas dans le même sens : « Ce sont les réalisateurs qui viennent nous implorer, un dvd dans la main, pour que leurs films soient retransmis», rétorque-t-il. Par ailleurs, il n’est pas aisé de répondre favorablement, vu la qualité de ces images.
Quid de l’Office Burundais des Droits d’Auteur (OBDA) ?
Léonce Ngabo soutient que la difficulté réside dans l’application de cette loi sur les droits d’auteur : « Aussi longtemps que le fonctionnement de l’OBDA, tel qu’indiqué dans la législation, ne sera pas effectif, les contrefacteurs se frotteront toujours les mains. J’imagine mal un jeune artiste de Buyenzi, se présenter devant les juridictions pour intenter un procès de contrefaçon. C’est l’office qui devrait s’en charger», fait-il savoir. Pour que cet office soit efficace, conclut le cinéaste, il faut mettre en place la police spéciale des droits d’auteur, tant réclamée, pour traquer ces « bandits. »
« L’OBDA fonctionne. Il a un siège social et des employés», confirme J.M. Vianney Rugerinyange, directeur général de la culture. Pour plus d’assurance, annonce-t-il, un enregistrement de tous les artistes et des utilisateurs commerciaux de leurs produits – radios, télévisions, hôtels, studios, boite de nuit – aura bientôt lieu.
Quant à la police spéciale, il assure qu’elle n’est pas imminente : « C’est une question politique qu’il faut d’abord bien décrypter. »