Des mineures violées, des femmes battues et expulsées ou encore privées de leurs droits. Ce sont là les quelques cas de violences basées sur le genre recensées à Gitega, au centre du pays. Ces VBG paralysent la vie de plus d’un comme le témoignent les victimes.
N.A est une fillette âgée de 13 ans. Avec sa mère et ses deux frères, elle habite un quartier populaire appelé Nyamugari dans la province de Gitega.
Sa vie vire au cauchemar le 27 juin 2018. Il est 18 h du soir et sa mère l’envoie puiser de l’eau dans un ruisseau tout proche de chez elle. A mi-chemin, un vieil homme âgé de 64 ans l’arrête. Il lui propose de coucher avec elle.
Âpre négociation sans succès, l’homme opte pour l’usage de la force. La fillette tentera de se débattre pour empêcher cet homme de la violer, mais en vain. Elle sera retrouvée vers 21h près du sentier menant au ruisseau à moitié morte.
Elle est tout de suite évacuée dans un centre de santé du quartier et puis transférée dans un centre de lutte contre les violences faites aux femmes pour les soins.
Sa mère déplore que la vie de sa fille ait changé depuis ce viol. « Elle a désormais un comportement bizarre. Des fois, elle pleure sans raison et nous dit qu’elle nous déteste tous, qu’elle aimerait mourir pour enfin retrouver la paix ». Cette mère de trois enfants atteste que depuis, toute la famille a été affectée par cet acte ignoble. « Je suis obligée de laisser tomber mes activités pour être à ses côtés. Pourtant, je suis veuve c’est moi qui pourvois aux besoins de toute ma famille».
La jeune fille ne parle presque pas. Elle parle très rarement à sa maman. Elle a aussi dû abandonner l’école temporairement parce qu’elle est sous traitement antirétroviral et son organisme a du mal à s’adapter à ce traitement.
Des violences domestiques aussi…
H. une jeune femme de 30 ans assise dans une chambrette un peu obscure, son sourire forcé révèle une vie pas très rose. Dans ses bras, elle porte une petite fille d’à peu près cinq ans. Cette dernière pleure à chaudes larmes réclamant quelque chose que sa mère ne semble pas vouloir lui donner. Pour toute réponse, la maman la gronde.
Mère de trois enfants, H. se débrouillait avec le petit commerce dans une boutique du quartier jusqu’à ce que son mari lui interdise son activité « Il a dit que désormais je dois rester à la maison. Il m’accusait de profiter de mon petit commerce pour le tromper».
H. dit que depuis lors, sa vie et celle de sa petite famille a tourné au calvaire, car elle n’avait plus rien à mettre sous la dent ni de quoi nourrir sa famille. «Mon mari ne me donne presque rien comme ration. Il rentre le soir ivre et quand je lui demande de l’argent, il menace de me tuer», lance-t-elle en pleurs.
La jeune femme ne sait plus à quel saint se vouer. Elle se dit désemparée. Ses enfants parviennent à survivre grâce aux âmes charitables du quartier. «Ils mangent partout où ils trouvent de la nourriture». Et d’ajouter qu’elle a tenté de désobéir à la décision de son mari, mais que ce dernier l’a battu à mort. «Du coup, j’ai cédé pour mener cette vie de misère».
Des conséquences lourdes sur toute la communauté
Selon Frédence Ntibashirakandi, psychologue point focal de la Plateforme des Intervenants en Prise en Charge Psychosociale et en Santé mentale(PPSM) à Gitega, les conséquences des VBG agissent non seulement sur les victimes de ces violences, mais aussi sur toute la communauté.
Le repli sur soi, l’isolement et le manque d’estime de soi sont quelques-unes des conséquences d’un viol. Ces derniers peuvent entraîner la victime au suicide si elle ne bénéficie pas d’une écoute. « C’est un comportement qui la pousse à se haïr, à détester son corps. Elle ne se valorise plus».
Pour elle, si la victime n’est pas assistée, elle peut aussi développer une dépression. «On a déjà reçu des cas des personnes qui ont développé des troubles de comportement suite à un viol qu’elles ont essayé de cacher».
Ce psychologue indique qu’en plus des violences sexuelles que subissent beaucoup de femmes, surtout des filles mineures, il y a aussi des femmes qui développent des dépressions suite aux violences domestiques. Celles-ci affectent les victimes à long terme.
Avec la tradition qui privilégie l’attitude de «Nikozubakwa» (se soumettre, accepter), des femmes finissent par déprimer suite à des violences sexuelles, physiques et économiques qu’elles subissent chaque jour, mais qu’elles n’osent pas dénoncer.
Beaucoup de femmes subissent donc des rapports sexuels forcés qu’elles n’osent pas dénoncer. Elle parle du cas d’une femme qui était déjà habituée à des rapports sexuels forcés. «Elle a dû signaler cet acte quand son mari lui a enfoncé des sachets dans le vagin après des rapports sexuels sans consentement».
Mme Ntibashirakandi souligne que ce genre de violence est un frein au développement de la famille et de toute la communauté en général. «Une femme qui subit des violences essaie de se montrer normale, mais en réalité, elle ne l’est pas. Au fil du temps, elle se sent nulle et se dévalorise et finit par développer des troubles de comportement».
Des soins de premiers secours et après ?
Il y a des centres de prise en charge psychosociale pour l’écoute et les premiers soins des femmes victimes des coups et blessures. Mais comme le souligne la psychologue Ntibashirakandi, cela est loin d’être suffisant. «Il faut un suivi de ces victimes pour les aider à se rétablir et à être rétablies dans leurs droits».
Même si les associations militant pour les droits de la femme essaient de collaborer avec les organes judiciaires et les structures médicales, il y a toujours des défis. «Des fois, je reçois des victimes qui ont déjà développé des troubles dépressifs et qui ont besoin de prendre des médicaments avant de procéder à la prise en charge psychosociale».
La psychologue les envoie au centre des soins mentaux, mais ce dernier les accueille moyennant une somme un peu corsée. «Certaines manquent d’argent et rebroussent chemin».
Mme Ntibashirakandi évoque aussi le besoin criant de la sensibilisation de toute la population pour éviter le pire. «Les victimes de VBG sont souvent humiliées et marginalisées par la société. Du coup, beaucoup n’osent pas dénoncer leurs bourreaux pour se mettre à l’abri des critiques».