Mercredi 07 août 2024

Santé

Variole du singe : Du laxisme dans la prévention

Variole du singe : Du laxisme dans la prévention
Une personne atteinte de la variole du singe

Après un communiqué de démenti et de mise au point sur l’existence de la variole du singe au Burundi, le ministère de la Santé publique a finalement reconnu des cas de cette maladie, le 25 juillet 2024. Il a tranquillisé la population et des mesures de prévention ont été annoncées. Cependant, force est de déplorer que le respect et l’application  de telles mesures de prévention contre cette maladie dangereuse laissent à désirer.  

Par Jérémie Misago et Félix Haburiyakira

Selon Polycarpe Ndayikeza, porte-parole du ministère de la Santé, jusque ce jeudi 1er août, 22 cas  de variole du singe sont déjà enregistrés et aucun décès n’est à déplorer. Il indique que  tous les patients sont sous traitement et leur vie n’est pas en danger.

En date du 25 juillet 2024, le ministère de la Santé publique et de la lutte contre le sida a annoncé la présence du virus de monkeypox, une maladie hautement contagieuse et qui touche à la fois les animaux et les humains.

C’est après l’analyse de trois échantillons de cas suspects enregistrés au Centre Hospitalo-Universitaire de Kamenge, à l’Hôpital militaire de Kamenge et au District sanitaire Isare survenu le 22 juillet 2024.

« L’équipe multidisciplinaire composée des membres du Centre des opérations d’urgence de Santé publique, du Laboratoire national de référence de l’Institut national de Santé publique (INSP) et de I’Organisation mondiale de la santé (OMS), s’est vite déployée sur le terrain pour mener une investigation et faire des prélèvements. Après analyse par le Laboratoire national de référence de l’INSP, les trois échantillons se sont révélés positifs au virus de Monkeypox ou variole du singe », a déclaré Lydwine Baradahana, ministre de la Santé publique et de lutte contre le sida.

Selon des sources internes à la clinique prince Louis Rwagasore, six cas de patients atteints par la variole du singe sont pris en charge à cet hôpital depuis le 1er août 2024.

D’après la ministre Lydwine Baradahana, cette maladie peut entraîner la mort si la prise en charge est amorcée tardivement.

« Elle se manifeste par de la fièvre, des céphalées, du mal de gorge, de la fatigue, une augmentation du volume des ganglions, des douleurs musculaires ou encore une éruption cutanée généralisée. Des complications pulmonaires, oculaires, digestives et cérébrales peuvent survenir ».

Selon elle, les principaux modes de transmission se font à travers toute forme de contact corporel avec une personne infectée ou les objets ayant été en contact avec le malade et/ou les sécrétions du malade ou de l’animal infecté, gouttelettes respiratoires ou aérosols à faible portée.

Des cas suspects même avant

Cette déclaration du ministère de la Santé publique est intervenue après des informations faisant état de la maladie non encore identifiée récemment apparue dans la commune Mugamba, en province de Bururi et qui a emporté une vie humaine. Les gens et les professionnels de la santé suspectaient la variole du singe. La ministre de la Santé publique et de lutte contre le sida avait annoncé le jeudi 18 juillet à Gitega que les résultats de laboratoire du Burundi étaient négatifs.

Une jeune fille de 9 ans est décédée à Mugamba le 7 juillet. Le cas a été suivi par d’autres cas aux symptômes similaires. Au total, cinq personnes prélevées. Une fille de 12 ans au centre de santé de Vyuya de la commune Mugamba, une fille de 2 ans et 3 mois et sa mère à l’hôpital d’Ijenda, un enfant de 13 ans à l’hôpital militaire de Kamenge et un homme de 26 ans à l’hôpital de police.

Lydwine Baradahana, ministre de la Santé publique et de lutte contre le sida, reconnaît que la Monkey pox est présente au Burundi et appelle à la vigilance

La ministre de la Santé publique et de lutte contre le sida avait tranquillisé. Dr Lydwine Baradahana avait indiqué que les analyses des échantillons par le Laboratoire national de référence de l’INSP se sont révélées négatives à la Mpox (Monkey Pox). « Provisoirement, nous annonçons donc sur base des résultats obtenus du laboratoire de l’INSP que les causes du décès de la fille de Mugamba et les cinq autres patients aujourd’hui en observation médicale ne sont pas liées à la Mpox».

Dans le même temps, la ministre de la Santé publique avait précisé que des équipes d’investigation sont occupées à effectuer des tests de diagnostic différentiel pour déterminer d’autres pathologies comme la varicelle, la rougeole, l’herpès, la syphilis ou des allergies médicamenteuses.

Elle a affirmé en outre que son ministère a vite dépêché des équipes multidisciplinaires avec l’appui de l’OMS pour mener des investigations approfondies et faire des prélèvements pour les analyser au laboratoire.

Comme elle l’a indiqué, des échantillons ont été envoyés aussi au laboratoire spécialisé dans les recherches des maladies virales UVRI en Ouganda pour rechercher et déterminer tout autre type de Mpox non détectable par le kit utilisé au Burundi.

Après la confirmation des cas de cette maladie qui fait rage à l’Est de la République démocratique du Congo, RDC, le ministère de la Santé publique a exhorté la population à faire recours aux services de santé les plus proches devant tout cas suspect.

Laxisme dans l’application des mesures préventives

Des mesures ont été annoncées pour contrer la propagation de cette variole du singe. « Se laver régulièrement les mains à l’eau propre et au savon ou en utilisant une solution hydroalcoolique en évitant le contact avec une personne présentant les signes de la variole du singe ». Ce sont des mesures préventives données par le ministère de la Santé publique après la confirmation de ce virus au Burundi.

Depuis ce jour, des alertes se multiplient sur les réseaux sociaux. En zone urbaine de Ngagara, un numéro d’un professionnel de santé a été également donné pour annoncer tout cas suspect.

Malgré la panique provoquée par cette maladie hautement contagieuse, la communication autour d’elle n’est pas intense.  « Je ne comprends pas de quoi il s’agit. C’est la première fois que j’entends cette maladie. On doit circuler avec des haut-parleurs pour alerter les gens sinon on va mourir », fait savoir une mère d’une quarantaine d’années rencontrée devant l’ancien marché central de Bujumbura.

Beaucoup de gens jugent les responsables habilités à lutter contre la propagation de la variole du singe d’être trop laxistes ces derniers temps alors que l’ennemi invisible, insaisissable, rôde et progresse. « Moins on est rigoureux, plus le risque est grand de voir la pandémie se propager à une très grande vitesse », fait observer un infirmier.

Une situation aggravée par la pénurie d’eau et de carburant

Les habitants de la ville de Bujumbura font face à un manque criant d’eau potable. Certains quartiers viennent de passer plus d’une ou de deux semaines sans une gouttelette d’eau dans les robinets. Rares sont les personnes qui respectent encore les mesures d’hygiène. Devant plusieurs magasins, marchés, hôpitaux et bureaux des institutions publiques, il n’y a pas de dispositifs de lavage des mains depuis l’annonce de la maladie.

Des rassemblements continuent. Au centre-ville, dans cette pénurie de carburant et le manque de bus, des gens sont serrés sur les files indiennes. Dans les bus de transport en commun, les passagers s’agglutinent. Cela sape les efforts de distanciation physique pour se prévenir de cette maladie.

On ne peut pas le cacher, les Burundais se lassent. Les mesures de sécurité sanitaire ne sont pas respectées. Il se remarque une négligence malgré la dangerosité de la maladie. Que dire de la distanciation sociale ou le fait de ne pas se saluer avec les mains ou s’embrasser… ? Des gens manifestent une indifférence totale. Accolades, bises, etc., restent à la mode.  « C’est l’expression d’un sentiment de proximité et de bien-être mutuel. On ne peut pas s’en passer. Même du temps de la Covid-19, on se saluait chaleureusement », réagit un jeune homme dans un bar au quartier Muyaga, en zone urbaine de Gihosha.

D’autres prennent heureusement au sérieux cette épidémie de variole du singe.  « Chaque personne, où qu’elle se trouve, peut jouer un rôle en prenant des précautions afin de prévenir la transmission », disent-ils. Et d’interpeller le gouvernement pour serrer la vis. Sinon, ce laxisme risque de coûter cher à la population.

Ne pas laisser le ministère agir seul

Un habitant du quartier Kigobe sud considère qu’il est indispensable de mettre en place un comité de contingence pour une riposte multisectorielle. « Toutes les institutions publiques doivent se mobiliser pour contrer la propagation de cette maladie dangereuse. Il ne faut pas laisser le ministère de la Santé public agir seul ».

D’après Polycarpe Ndayikeza, porte-parole du ministère de la Santé publique, l’épidémie de variole du singe a une ampleur nationale et les mesures de prévention sont à respecter dans tout le pays. « Les cas sont éparpillés dans beaucoup de localités du pays avec une prédominance en mairie de Bujumbura ». Et de conseiller qu’« En cas de suspicion  de Mpox, le 1er recours est la formation sanitaire (le CDS ou l’hôpital de District) la plus proche. La suite est gérée par le personnel de santé ». 

En marge d’une réunion avec les responsables administratifs et sanitaires en mairie de Bujumbura le 31 juillet, Jimmy Hatungimana, maire de la ville, a appelé les citadins à la vigilance.  Il a rappelé que des gens doivent se laver, se saluer sans se toucher et éviter tout contact avec une personne présentant les signes de la variole du singe.

Toujours dans ce contexte, il a annoncé que chaque ménage doit avoir un dispositif de lavage des mains à l’entrée afin de permettre à se laver les mains régulièrement.

Signalons que selon l’Alliance mondiale pour le vaccin, GAVI, la variole du singe a été découverte pour la première fois en 1958, lorsque des foyers d’une maladie provoquant des symptômes semblables à ceux de la variole ont été découverts chez des singes détenus en captivité à des fins de recherche.

Réaction

Mélance Hakizimana : « La communication n’est pas du tout efficace »

 

« Les mesures prises par le ministère de la Santé publique pour lutter contre la propagation de la variole du singe ne sont pas respectées par la population », déplore Mélance Hakizimana, président de la Fédération nationale des syndicats du secteur de la santé (FNDSS).

Il fait remarquer que les gens continuent à se serrer la main, à s’embrasser et qu’il n’y a pas non plus de distanciation physique ou sociale.

Par ailleurs, épingle-t-il, la communication n’est pas du tout efficace dans la mesure où on n’a pas doté de moyens aux agents de santé pour mener des sensibilisations au niveau communautaire.

« Encore plus, je ne pense pas que la question concernant la variole du singe ait été déjà débattue au niveau des différentes réunions tenues par l’administration », fait observer ce syndicaliste.

Dans certains quartiers populaires, déplore M. Hakizimana, certains ménages versent les contenus de leurs toilettes ou d’autres saletés dans les caniveaux. Et cela, alerte-t-il, constitue un danger grave pour la continuation de la contamination de la variole du singe, mais aussi les autres pathologies infectieuses.

Pour éviter la propagation de cette maladie, recommande-t-il, il n’y a pas d’autres solutions que d’exécuter les mesures qui ont été arrêtées par le ministère de la Santé publique.

Il estime que le ministère devrait rendre disponible le matériel, notamment les désinfectants, à tous les niveaux pour pouvoir se désinfecter. « Il faut aussi communiquer suffisamment, doter de moyens à la communauté, aux agents de santé communautaire pour pouvoir sensibiliser la population sur comment se prévenir contre cette maladie », propose-t-il. Et d’ajouter que l’administration locale ne devrait pas rester en arrière dans la dissémination des mesures de prévention contre la variole du singe.

« Il faut le port des masques dans certaines circonstances, la distanciation physique et sociale dans tous les endroits », insiste-t-il.

Qu’est-ce que la mpox (variole du singe) ?
Selon l’Organisation mondiale de la santé, OMS, il s’agit d’une zoonose virale causée par le virus de la mpox (variole simienne), qui appartient au genre Orthopoxvirus, lequel comprend le virus de la variole (qui cause la variole). La variole se caractérise par une éruption ou des lésions cutanées généralement concentrées sur le visage, la paume des mains et la plante des pieds.Il existe deux souches génétiquement distinctes du virus de la mpox (variole du singe): la souche du bassin du Congo (Afrique centrale) et la souche ouest-africaine. Les infections humaines par la souche ouest-africaine semblent causer une maladie moins grave que la souche du bassin du Congo.Transmission

Traditionnellement, la variole se transmet principalement par contact direct ou indirect avec du sang, des liquides organiques, des lésions cutanées ou des muqueuses d’animaux infectés. La transmission secondaire ou de personne à personne peut se produire par contact étroit avec des sécrétions infectées des voies respiratoires ou des lésions cutanées d’une personne infectée, ou avec des objets récemment contaminés par les fluides ou le matériel des lésions du patient. La transmission se fait principalement par les gouttelettes respiratoires. L’infection est également transmise par inoculation ou à travers le placenta (variole congénitale). Il n’existe aucune preuve de transmission sexuelle du virus de la mpox

Traitement

Il n’existe pas de traitement spécifique pour l’infection par le virus du mpox. Les symptômes de la mpox disparaissent généralement spontanément. Les soins cliniques de la variole du singe doivent être optimisés autant que possible pour soulager les symptômes, gérer les complications et prévenir les séquelles à long terme. Il est important de soigner l’éruption en la laissant sécher si possible ou en la recouvrant d’un pansement humide pour protéger la zone si nécessaire. Il faut éviter de toucher les plaies de la bouche ou des yeux. Les bains de bouche et les gouttes pour les yeux peuvent être utilisés à condition d’éviter les produits contenant de la cortisone. Un antiviral développé pour traiter la variole (le tecovirimat, commercialisé sous le nom de TPOXX) a également été approuvé pour le traitement de la variole du singe en janvier 2022.

Principaux faits

Il a été démontré que la vaccination antivariolique permet de prévenir ou d’atténuer la variole, avec une efficacité de 85 %. Il convient toutefois de noter que la vaccination contre la variole a pris fin en 1980, après que la maladie a été déclarée éradiquée. Par conséquent, à l’heure actuelle, les personnes âgées de moins de 40 à 50 ans (selon le pays) peuvent être plus sensibles à la variole du singe en raison de l’arrêt des campagnes de vaccination contre la variole dans le monde entier après l’éradication de cette maladie.

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