Que ce soient dans les établissements hospitaliers publics ou privés, les services des urgences fonctionnent mal. Les bénéficiaires grognent. La responsabilité de résoudre ce problème incombe au ministère de la Santé. Et il semble en être incapable, pour l’instant.
<img4980|right>N.G. est souffrant. Il doit urgemment être hospitalisé aux soins intensifs. Aux urgences de la Polyclinique Centrale de Bujumbura (Polyceb, hôpital privé), le seul réanimateur est en congé. Difficilement, le malade prend la direction de Bumerec (privé). Rien ne peut être fait pour lui puisque le seul réanimateur est en voyage. Toutefois, le médecin de garde appelle aux urgences de l’hôpital Roi Khaled pour avertir qu’il doit être admis à la réanimation. Il est 18 heures 15, lorsque N.G. arrive au centre hospitalo-universitaire de Kamenge (CHUK), communément appelé Roi Khaled. Un interne, comme seul médecin de garde au service de la médecine interne. Une longue file de malades attendent pour être traités.
Trois heures après, il consulte enfin le patient. Pour l’interne, le cas de N.G. ne nécessite pas qu’on l’amène aux soins intensifs. Le frère de N.G. appelle un autre médecin, proche de la famille, et lui explique la situation. Ce dernier contacte celui qui leur avait été référé à cet hôpital. Une heure après, l’interne revient vers le malade et lui pose des questions sur son état de santé. Il lui informe qu’un lit est disponible, mais qu’il doit attendre qu’un planton apporte une chaise roulante. Les proches de N.G., n’en peuvent plus car il est introuvable durant une heure. Il est le seul cette nuit là. C’est lui qui a le droit d’amener un patient vers les chambres d’hospitalisation. C’est à 23 heures et demi que N.G. est admis aux soins intensifs. Pour comble de malheur, malgré l’urgence de son cas, il doit y passer la nuit sans être traité. Pas de médecin. Rien que des calmants pour tenir jusqu’au matin.
Un problème plutôt habituel
C’est aussi le cas de F. B. Selon lui, c’est par la grâce de Dieu qu’il a survécu. Une douleur aigue au niveau du cœur l’a amené aux urgences. Un généraliste est de garde. Il fait un examen appelé Electro Cardiogramme « ECG. » Mais son cas nécessite le diagnostique d’un cardiologue. Impossible car ce dernier n’est pas disponible. On conseille au malade de renter pour revenir le lendemain matin. C’est un dimanche, après midi. La mort dans l’âme, il rentre. « Nous sommes rentrés désespérés. Nous avons alors décidé de continuer à chercher un cardiologue », raconte sa femme. Ils essaient de décrocher un rendez-vous par téléphone. C’est vers 22 heures du soir, qu’ils ont pu l’avoir. Le rendez-vous est fixé le lendemain à dix heures du matin. Le cardiologue ne s’est pas présenté à l’heure convenue, mais avec 6 heures de retard. Ces cas résument un problème habituel au service des urgences.
Les spécialistes sont très peu nombreux
Pour Dr Pontien Ndabashinze, directeur de l’hôpital Roi Khaled, cette situation est accentuée par la rareté de médecins spécialistes qui doivent prester dans plusieurs hôpitaux. «Ils sont très surchargés. », explique-t-il. Cela affecte, de surcroît, le service des urgences. Ainsi, les week-ends, ils assurent des gardes, mais ils sont appelés seulement lors d’une urgence.
Il affirme que le manque de spécialistes est un problème connu et qui date de longtemps. Faute de moyens, l’Etat ne peut pas octroyer des bourses d’études à tous les généralistes. Malheureusement, la plupart de ceux qui ont eu la chance de faire leur spécialisation, ne reviennent pas au pays. Pour M. Ndabashinze, le ministère de la Santé publique et de la lutte contre le Sida devrait revoir cette question.
Des manquements existent
Le président de l’ordre des médecins, Dr Gordien Ngendakuriyo, ne nie pas que des manquements existent. Néanmoins, il trouve que la rapidité dans l’administration des soins dans les urgences, n’est pas ressentie de la même manière des deux parties : « Il arrive qu’un patient veuille être traité immédiatement, alors que le médecin estime qu’un autre cas est plus urgent que le sien. » Néanmoins, reconnaît-il, il arrive que le personnel disponible soit débordé. En outre, d’autres problèmes se posent, notamment le manque de lits et de matériels, ce qui explique en partie la lenteur dans ce service. « Tous ces éléments peuvent être une source de frustration au niveau des bénéficiaires », avance-t-il.
Pour le président de l’ordre des médecins, la responsabilité incombe au ministère de la santé de vérifier que chaque structure sanitaire dispose de tous les moyens nécessaires pour l’accueil et le traitement des malades. Il a, par ailleurs, délégué les médecins de district pour constater les difficultés que rencontrent les hôpitaux.
Le manque de spécialistes affecte les services d’urgence
Le dysfonctionnement observé dans les services d’urgences est différent selon qu’un établissement hospitalier soit public ou privé, selon Moise Ntiburuburyo, président de l’Association Burundaise pour la Défense des Droits des Malades (ABDDM). Les cabinets privés mettent en avant l’argent en exigeant une caution avant tout traitement du malade en urgence. Il arrive qu’un patient soit référé vers un hôpital public. Quand aux établissements hospitaliers publics, c’est le manque de médecins et de matériels médicaux qui handicape les services des urgences. En outre, il parle des médecins spécialistes qui peuvent passer 1 mois à 3 mois sans se présenter au travail (hôpital public), ce qui affecte tous les services y compris celui des urgences. « Un patient se voit alors obligé d’attendre des jours pour être traité », indique-t-il. Pour lui, l’incapacité dudit ministère pour résoudre ce problème s’explique par le fait que ce dernier n’a pas d’autorité sur les médecins, surtout les spécialistes : « Il ne les gère pas. C’est par volontariat que certains prestent dans les hôpitaux publics. »
Ce défenseur des droits des malades évoque aussi l’accueil réservé aux malades dans les urgences : « C’est devenu une habitude de traiter les gens d’une façon dédaigneuse comme s’ils sont là pour les importuner. C’est contre la déontologie de leur travail. » Pour en finir avec ce genre d’attitude, souligne-t-il, l’association est entrain de conscientiser les malades sur leurs droits en matière de santé car ils sont ignorants.
Ces questions seront bientôt réglées
Dr Thaddée Ndikumana, secrétaire permanent a.i. au ministère de la Santé publique et de la lutte contre le Sida tranquillise sur le problème de la rareté des spécialistes : « Plus de deux cent spécialistes burundais sont en Europe et dans les autres pays africains. » Cependant, il regrette que ceux qui rentrent n’exercent pas leur métier correctement, à cause de mauvaises conditions techniques de travail.
Concernant le problème dans les urgences, il le situe ailleurs. D’après lui, la majorité des patients préfèrent des spécialistes privés bien équipés, même pour des maladies qui devraient être traitées dans les centres de santé. M. Ndikumana rassure toutefois que ce problème fait partie des questions en discussion avec les partenaires. Il espère qu’il sera bientôt réglé.