La vente de matériaux de construction qui ne remplissent pas les normes est une réalité. Les professionnels en bâtiments estiment que cette situation est à la base de l’écroulement de certaines maisons, surtout celles à plusieurs niveaux.
<doc5805|left>Toutes sortes de saletés peut se trouver à Bujumbura, sauf les déchets en fer. De jeunes gens ratissent des quartiers entiers pour ramasser le moindre objet en fer, avec des coins bien aménagés pour leur commerce. C’est tout un cocktail métallique : boîtes vides de sauce tomate, de lait en poudre Nido, de déodorants, de peintures, des restes des véhicules déclassés, d’ordinateurs etc. Une balance est toujours là pour mesurer les kilos des déchets métalliques. Et c’est lucratif : 1kg est acheté à 200 Fbu pour être vendu à 230 Fbu. « A quoi servent ces déchets ? »
Narquois, le vendeur rétorque : « Vos maisons sont construites à partir de ces matériaux ». Fier, il explique : « Une fois la semaine, nos clients passent avec leur camion les acheter pour les revendre au quartier industriel. C’est là où il y a Burundi Iron Steel, une usine qui les transforme pour devenir des fers à béton et étriers utilisés dans la construction. » Nous voici fixé. Nous fabriquons donc au Burundi du fer à béton ! Oui, on avance… Mais à quel prix ?
Pirate ou original. Tout y est. Quartier asiatique. On y vend toute sorte de matériaux de construction. « Combien coûtent les fers à béton ? » La réponse est la même dans trois magasins visités : «Pirate ou original ? » Quoi répondre ? Une astuce : « Les deux. » Comme ça, je vais vérifier le prix de l’un et l’autre, me dis-je.
<img5806|right>Le fer à béton original avec un diamètre de12 mm coûte 22.000 Fbu et le pirate est à 18.000 Fbu. La liste est longue. Une précision : les fers à béton pirates se limitent au diamètre de 10 mm alors que l’on peut trouver du 8 mm ou du 6 mm pour les originaux !
D’où viennent les originaux et les pirates ? « Original signifie made in Zambia, pirate veut dire made in Burundi », expliquent nos vendeurs. Cette différence des prix se répercute même chez les ouvriers qui plient ces fers à béton pour le transport (150 F pour un original, 100 F pour un pirate) et chez les ferrailleurs le coût varie selon la qualité des fers à béton.
Pas de laboratoire pour les matériaux de construction
M.D. est ingénieur en construction depuis 25 ans. Il affirme qu’il y a effectivement des matériaux de construction pirates. Selon lui, il est interdit de construire des maisons à plusieurs niveaux avec les fers à béton pirates : « C’est pourquoi certaines maisons s’écroulent », souligne-t-il, car ils ont une faible capacité de résistance.
D’autant plus que la qualité du ciment influe sur la résistance de la maison. M.D. précise qu’il y a des ingénieurs malhonnêtes qui ne signalent pas à leurs clients la qualité des matériaux : « Surtout quand ce sont les premiers qui font les achats », indique-t-il. Et de faire un clin d’œil à ceux qui veulent construire : « Ils doivent superviser les travaux dès l’achat des matériaux ou le confier à quelqu’un de confiance. »
<doc5804|right>Célestin Ntahomvukiye le directeur technique adjoint au service de normalisation de la qualité des produits indique qu’ils sont au courant de l’existence des matériaux de construction qui ne remplissent pas les normes. Cependant, ils se heurtent à deux
problèmes majeurs : leurs services ne possèdent pas de laboratoire des matériaux de construction et ils ne sont pas présents sur tous les points d’entrée aux frontières pour décourager l’entrée des produits pirates.
Avec une lueur d’espoir : le laboratoire en question serait disponible en 2013. Concernant les fers à béton pirates qui seraient fabriqués au Burundi, il n’y va pas par quatre chemins : « Si tel est le cas, nous allons incessamment utiliser le laboratoire de la faculté des sciences appliquées de l’Université du Burundi, et aviser le public. »
En attendant l’avis, quelques écroulements de plus à prévoir …
