Le congrès du 14 août a consacré l’exclusion définitive de Gaston Sindimwo, Isidore Mbayahaga et Anicet Niyongabo. La nouvelle direction de l’Uprona se veut rassurante, mais la fracture ne cesse de se creuser au sein du parti.
Dans son discours de circonstance après son élection, le nouveau président de l’Uprona, Olivier Nkurunziza, a vanté son expérience dans les instances dirigeantes du parti : « J’ai été secrétaire général et porte-parole du parti pendant cinq ans. Ce qui veut dire que je connais très bien la maison Uprona. J’en connais tous les coins et recoins, jusqu’aux moindres litiges entre des Badasigana.»
Et de définir « son credo » durant l’exercice de son mandat : « Un Uprona bâti sur l’amour et l’unité.» Le nouveau patron du parti a promis aux militants qu’il va œuvrer à une bonne gestion du patrimoine « pour l’intérêt des générations futures ». Le leader fraîchement élu a également indiqué qu’il s’engage à rembourser toutes les dettes du parti auprès de divers organismes.
Par ailleurs, Olivier Nkurunziza s’est dit prêt à engager un dialogue avec les badasigana « pour que les conflits qui éclatent toujours à l’approche de la mise en place de nouveaux organes dirigeants cessent ».
Comme programme, le nouveau leader a dit vouloir combattre le favoritisme et le clientélisme, lutter contre les groupuscules de nature à inciter à l’insurrection, faire front « contre ceux qui veulent passer outre les règles du parti ».
Tout en saluant ses efforts « pour que les Burundais connaissent l’histoire du pays », M. Nkurunziza a appelé la CVR à travailler sur tous les moments tragiques qu’a connus le Burundi. A l’endroit toujours de la CVR, le chef de l’Uprona a affirmé que son parti n’est coupable de rien dans les tragédies du passé, mais que seuls des individus, ayant certes appartenu à l’Uprona, doivent en être tenus responsables. « Nous ne nous opposerons pas à ce qu’un Mudasigana soit sanctionné pour ses méfaits », s’est prononcé M. Nkurunziza.
Par la suite, à travers le communiqué final lu par le nouveau secrétaire général du parti, Jean de Dieu Niyonkuru, le congrès réuni ce samedi a entériné l ’exclusion définitive du parti des personnalités suivantes : l’ancien premier vice-président de la République, Gaston Sindimwo, Isidore Mbayahaga (Ancien membre du bureau exécutif de l’Uprona et ancien chef du protocole de l’ancien premier vice-président de la République, Térence Sinunguruza) et Anicet Niyongabo (Ancien membre du Conseil des Sages de l’Uprona et ancien deuxième vice-président du Sénat). Il a été demandé aux nouveaux organes dirigeants de mettre en exécution cette décision avec effet « immédiat ».
En marge de ces cérémonies, à l’occasion d’une interview, interrogé sur la réunification, Olivier Nkurunziza a indiqué être en contact permanent avec les leaders des différentes ailes et qu’un dialogue « sans tabou » a été initié avec eux.
Quant à l’avenir du député Gaston Sindimwo à l’Assemblée nationale au regard de son exclusion du parti, le nouveau dirigeant de l’Uprona a précisé que c’est à la Cour constitutionnelle de trancher son cas.
Signalons qu’à l’instar d’Olivier Nkurunziza, David Mukanya et Jean de Dieu Niyongabo ont été élus respectivement vice-président et secrétaire général du parti. Tandis que le Vice-président de la République, Prosper Bazombanza et Abel Gashatsi, qui venait de lâcher les rênes de l’Uprona, ont été nommés respectivement président et vice-président du Conseil des Sages du parti. Les nouveaux organes du parti vont exercer un mandat de cinq ans.
En poste depuis le 14 août 2016, Abel Gashatsi venait de passer cinq ans à la tête du parti.
Pour des upronistes, l’espoir n’est pas perdu
Tatien Sibomana : « Le pari de la réunification est encore possible »
Ce ténor de l’Uprona indique que ce parti a beaucoup souffert d’un manque de leadership charismatique capable de militer non pas en faveur de ses intérêts égoïstes, mais des intérêts des Abadasigana. Selon lui, les crises successives de l’Uprona ont abouti à la déliquescence de la formation et ont vidé de toute substance l’idéologie, la vision et les valeurs qu’il incarnait.
D’après Tatien Sibomana, c’est dans le même ordre d’idées que beaucoup de personnalités ont été écartées des sphères dirigeantes du parti, ce qui a causé un énorme préjudice à l’Uprona et au pays. « L’Uprona n’a plus joué son rôle sur l’échiquier national aussi bien politiquement qu’économiquement, ce qui a causé un préjudice au pays dans les moments cruciaux de son histoire où la contribution de l’Uprona était indispensable».
Pour M. Sibomana, si le nouveau président, Olivier Nkurunziza, est animé par la volonté de réussir le pari de la réunification là où ses prédécesseurs ont échoué, cette réunification est encore possible.
« Dire que cette réunification n’est pas possible parce qu’on vient d’exclure Sindimwo, Mbayahaga et Niyongabo serait ne pas connaître l’Uprona parce que ces derniers ont été les grands artisans de la réunification de 2009 qui n’a été qu’un mort-né. Ils ont été aux côtés de cette aile qui a cassé l’Uprona ».
Selon lui, le nouveau président devra approcher ceux qui sont emballés par le principe de réunification, mais qui se sont heurtés à une fin de non-recevoir des dirigeants de Kumugumya qui avaient pris l’option de torpiller l’idéologie, la vision, les valeurs et les textes qui régissent le fonctionnement des organes upronistes. « Seulement la question qui se pose est celle de savoir si les gens qui viennent d’exclure les autres ne sont pas coauteurs ou complices des actes qui leur sont reprochés », ajoute-t-il.
Anicet Niyongabo : « Les véritables Badasigana vont se soulever pour prendre la situation en main »
L’ancien député issu du parti Uprona considère son exclusion comme un non-évènement. Pour lui, les organes qui ont pris cette décision n’en avaient pas les prérogatives selon les statuts qui régissent le parti Uprona. « Les véritables Badasigana vont se soulever pour prendre la situation en main et dénoncer les usurpateurs des prérogatives réelles et reconnues du parti ».
Anicet Niyongabo se dit irréprochable et voudrait bien savoir les faits qui lui sont reprochés : « Ils ont dit que nous sommes exclus sans pointer du doigt ce qu’ils nous reprochent parce qu’en vérité c’est nous qui leur demandions des comptes quant à la gestion catastrophique de la politique et des biens du parti Uprona. En réponse à nos préoccupations, ils ont jugé bon de nous exclure. »
Néanmoins, il considère la réunification de toutes les tendances de l’Uprona possible pour renforcer le parti afin qu’il réponde aux défis politiques et aux prochaines échéances électorales. « Même ceux qui soi-disant nous ont exclus seront invités parce que nous voulons voir tous les Badasigana réunis, véhiculant les mêmes valeurs et la vision du prince Louis Rwagasore, fondateur de notre parti, conclut-il.
Interview exclusive | Gaston Sindimwo : « C’est un club de copains qui s’est réuni en congrès
Exclu définitivement de l’Uprona à l’issue du congrès du samedi 14 août, l’ancien Premier vice-président revient sur les multiples accusations dont il fait l’objet.
Le congrès de l’Uprona qui s’est tenu le week-end dernier a entériné votre exclusion définitive du parti. Votre réaction ?
Ce n’était pas un congrès ordinaire, contrairement à ce qui a été dit. On ne peut pas parler de congrès ordinaire sachant qu’il y a eu exclusion d’un bon nombre de membres du bureau exécutif et du comité central. C’était plutôt un club de copains qui s’est réuni en congrès. Et en suivant les statuts de l’Uprona, ce congrès devrait s’être tenu avant le 14 août 2020. Et je ne suis d’ailleurs pas le seul à avoir été écarté par ce club de copains. Il y a beaucoup de secrétaires provinciaux qui n’ont pas participé à ce congrès, sans parler d’élus.
Envisagez-vous des recours par rapport à cette exclusion ?
Nous avons adressé un recours gracieux (qui s’adresse à l’auteur de la décision que l’on conteste) auprès du ministère en charge de l’Intérieur. Nous attendons le temps qu’il faut pour avancer.
Combien de temps vous faut-il ?
Nous devons attendre 90 jours après le recours adressé au ministre de l’Intérieur.
Il vous est reproché de la part de la direction du parti d’avoir usé de votre statut de Premier vice-président de la République pour saboter l’action des hautes instances de l’Uprona.
C’est dommage que l’ancienne direction ait dit cela après l’expiration de son mandat, initialement programmée le 14 août 2019. Avant cette date, nous tenions le même langage. Quand j’étais candidat du parti pour la présidentielle de 2020, j’ai fait campagne dans tout le pays alors que la direction n’avait œuvré que dans cinq ou six provinces. Comment alors aurais-je pu saboter l’action du parti ? J’estime avoir rempli mon devoir au sein du parti et les responsables actuels devraient faire le leur.
Mais ces critiques n’émanent pas seulement de la direction du parti. Elles viennent également de votre successeur à la Vice-présidence.
Pour le cas du Vice-président Bazombanza, il prenait part aux réunions du Conseil des Sages (dont j’avais la charge) que je tenais souvent à mon domicile. Du coup, il se trompe peut-être à mon avis. D’ailleurs, en ce qui le concerne, je me rappelle qu’à la fin des congrès, il invitait des membres de sa province natale (Mwaro) chez lui pour partager des moments conviviaux. Alors, est-ce à dire qu’il usait de son pouvoir pour renverser le siège du parti ? Mais je crois savoir pourquoi il tient ce langage. Car quand on décide d’appuyer l’équipe dirigeante, on y met les moyens. Donc, sûrement qu’il agit dans l’optique que les choses soient gérées à Kumugumya (Siège du parti). En ce qui me concerne, quand le président du parti était en mission, je devais occuper son bureau pour faire fonctionner le parti Uprona. Chaque chef a sa façon de diriger et nous attendons le résultat de l’action du Vice-président d’ici cinq ans.
Vous rejetez donc les accusations d’ingérence à l’endroit de la direction du parti ?
En usant de mon statut de Premier vice-président de la République, j’ai plutôt renforcé le parti. Je l’ai habillé et lui ai offert une visibilité plus que jamais. Parler d’interférence de ma part est un mensonge grossier. J’ai mené l’encadrement du parti en recrutant de nombreux militants. Et c’était mon devoir en tant que Premier vice-président de la République issu de l’Uprona. Tandis que le rôle de la direction était de mener l’encadrement des organes statutaires. En plus, même en tant que président du Conseil des Sages, je ne pouvais poser aucun acte sans l’accord de la direction. C’est la direction qui est responsable de la bonne marche du parti auprès du bureau exécutif et du comité central.
Votre lettre du 23 mars 2021, adressée au ministre en charge de l’Intérieur et où vous remettez en cause le comité central, vous est aussi reprochée.
Au niveau du comité central, notre voix n’a pas été entendue. Il y avait une commission chargée d’organiser les élections au sein du parti qui avait été mise sur pied. Sauf que les doléances exprimées par les membres de cette commission n’ont pas été respectées et de surcroît, ceux-ci se sont vus exclus des organes du parti. Donc, la seule issue pour nous, ce fut de solliciter l’intervention du ministère chargé de l’Intérieur. La loi régissant les partis politiques nous le permettait. Et le ministre, dans sa lettre du 23 avril, nous avait plutôt donné raison en s’appuyant sur les statuts issus du congrès du 14 août 2016.
Aujourd’hui, qu’est-ce qui a changé ? Est-ce le temps qui a changé ou est-ce les articles qui ont changé ?
Justement, comment expliquez-vous le revirement du ministre qui, dans sa lettre du 20 mai, a autorisé à nouveau la tenue des congrès communaux ?
Je tiens d’abord à signaler que la 1ère lettre du 23 avril rappelait les règles du jeu instaurées par les statuts du parti Uprona. La tenue des congrès communaux violait un certain nombre de statuts, ce qui est d’ailleurs mentionné dans cette lettre. A l’instar de cela, il était aussi question de la mise en place d’un mécanisme de dialogue inclusif. Donc, autant vous dire que la deuxième lettre ministérielle nous a fort surpris. Mais bon, si le ministre en a décidé ainsi, nous n’avions d’autre choix que nous courber.
Était-il judicieux de recourir à l’arbitrage du ministre pour un litige interne au parti, alors même que le ministre lui-même est membre d’une autre formation politique ?
Quand on est ministre, on est au-dessus des partis politiques. On doit lire la loi et rien que la loi. Et selon la loi régissant les partis politiques, c’est le ministre de l’Intérieur qui a la prérogative d’interpréter les statuts des partis politiques et des associations.
Des sources au sein de l’Uprona dénoncent une dilapidation du patrimoine du parti de votre part…
C’est une accusation qui me fait sourire d’autant plus que je n’ai jamais été gérant du parti. Et cela même à l’époque où je faisais partie de ses organes. La gestion quotidienne incombe à la direction du parti. Même les contrats se font entre la direction et les tiers. Toutefois, en tant que président du Conseil des Sages, j’ai parfois donné mon feu vert à la direction pour exécuter des projets que je jugeais utiles. Par la suite, la direction devait obtenir la validation du bureau exécutif.
Votre alliance avec Isidore Mbayahaga et Anicet Niyongabo dont, semble-t-il, vous aviez cautionné l’exclusion des organes du parti, a provoqué une indignation.
A partir de janvier 2019, il y a une équipe de Badasigana qui a exigé la démission du président accusé de dilapidation du patrimoine du parti. En tant que président du Conseil des Sages, j’ai joué la médiation entre le groupe mené par Anicet Niyongabo et celui représentant la direction menée par Abel Gashatsi. Cette médiation a porté ses fruits puisque le 14 août 2019, ces deux camps se sont réconciliés. Ainsi, ai-je agi pour éviter que n’éclate une crise majeure au sein du parti à la veille des élections.
Des personnalités comme Anicet Niyongabo et Concilie Nibigira faisaient partie du Conseil des Sages. En tant que président dudit conseil, ce n’était pas de mon ressort de les en exclure. Et c’est cela qui a peut-être amené la direction à penser que j’étais de mèche avec ceux qui réclamaient sa démission.
Quel est l’avenir de votre siège de député à l’Assemblée nationale compte tenu de votre exclusion de l’Uprona ?
Ceux qui nous ont chassés du parti croient sans doute qu’en perdant notre siège de parlementaire par la même occasion, cela va nous affecter. Nous ne sommes pas nés parlementaires et nous le sommes devenus par le fruit de nos efforts. En outre, le Code électoral dans son article 112 et le règlement intérieur de l’Assemblée nationale énumèrent les conditions pouvant mener à la perte de son siège de député. Lorsqu’il y a décès, le président de l’Assemblée nationale fait appel à la Cour constitutionnelle et la Ceni prend ensuite le relais pour assurer le remplacement. Quand le départ est volontaire, le remplacement est immédiat. Et quand vous êtes exclu du parti, vous avez le droit d’effectuer tous les recours possibles avant que n’intervienne votre radiation au niveau de l’Assemblée nationale. Et nous disposons encore du temps nécessaire pour mener ces recours.
Concrètement, sera-ce la voie que vous allez suivre ?
Si on nous impose de le faire, nous allons passer à l’action. Aujourd’hui, nous en sommes à la 1ère phase et là-dessus, je parle du recours gracieux que nous avons introduit auprès du ministère en charge de l’Intérieur. Ce recours prendra fin dans quelques jours (18 août).
Avec l’entérinement de votre exclusion définitive, pensez-vous que la réunification au sein de l’Uprona soit toujours possible ?
C’est la seule voie possible. Le parti doit faire son introspection. Au fil des années, il y a eu beaucoup de défections. Qu’a gagné le parti suite à cela ? Que ce soit ceux qui ont quitté le navire ou ceux qui y sont restés, nous devons cheminer ensemble pour mener le peuple burundais au développement au lieu de le rendre victime de nos différends. Nous restons disposés à servir le pays et le parti et notre souhait est que l’Uprona arrive à opérer le rassemblement.
Vous êtes vu comme un acteur majeur du rapprochement entre l’Uprona et le Cndd-Fdd.
Était-ce dans l’intérêt du parti de privilégier cette tactique-là ?
Nous n’avions pas le choix. Face à un parti qui avait gagné les élections, nous devions collaborer tout en gardant notre identité. L’Uprona est un parti qui doit œuvrer pour la bonne marche du pays. Et en agissant ainsi, on aide le parti vainqueur des élections qui, à son tour, doit respecter son partenaire, quel que soit son poids. L’Uprona n’est pas un parti comme les autres et il doit jouer un rôle d’équilibrage du jeu politique. De plus, il était hors de question de renoncer à ce que nous sommes et soutenir tel ou tel autre parti politique lors des élections. Ça aurait signé la mort de l’Uprona. Donc, l’Uprona doit collaborer avec le parti au pouvoir dans le cadre d’un partenariat mutuel.
Pourtant, certains estiment que cette stratégie a affaibli l’Uprona
Pas du tout ! En optant pour cette stratégie-là, nous avons rétabli la paix dans le pays. Peut-être l’histoire nous jugera-t-elle, mais de ma part, j’assume le pari que nous avons fait et qui a abouti à la cohabitation pacifique des Burundais, malgré quelques défis qui subsistent. A un certain moment, on a failli avoir un vide institutionnel et c’est parce que nous avons pris les choses en main que la République reste debout.
Considérez-vous l’Uprona comme un parti d’opposition ou pas ?
C’est un parti d’opposition positive.
Qu’entendez-vous par là ?
Une opposition positive peut saluer les actions positives posées par le Gouvernement tout en désignant aussi les failles de ce dernier. C’est tout le contraire d’une opposition ‘’radicale’’ qui ne voit que du négatif dans l’action gouvernementale.
Comment envisagez-vous votre avenir en politique au regard de vos déboires actuels au sein de l’Uprona ?
C’est encore tôt de se poser cette question-là. Toutefois, en tant que patriote, nous restons à la disposition du pays et du parti.
Ngo » les vrais Badasigana vont se soulever pour prendre la situation en main » muzanye akajagari le Ministre de l’intérieur azobafunga akuna mucezo ivi!!