Les upronistes sont appelés à voter «oui» au référendum constitutionnel. Décision prise samedi 21 avril à l’issue d’une session ordinaire du comité central. Olivier Nkurunziza, secrétaire général du parti, assure que cette consigne s’inscrit dans l’esprit d’Arusha. Faux, rétorque Tatien Sibomana.
« Le parti Uprona reste fidèle à l’esprit de l’Accord d’Arusha. Mais, l’esprit n’implique pas tout le contenu du texte », dixit Olivier Nkurunziza.
Les quotas ethniques dans le projet de Constitution à soumettre au référendum sont maintenus tels qu’ils ont été décidés à Arusha. 60% pour les Hutu et 40% pour les Tutsi à l’Assemblée nationale. Chacune de ces dernières est représentée au Sénat à raison de 50%, etc.
Il rassure quant au vote des lois à la majorité simple. Les blocages de tels textes au Parlement motivent cet amendement.
D’après le secrétaire général de l’Uprona, les minorités n’ont pas raison de s’inquiéter. Les garde-fous n’ont pas été levés dans le projet de Constitution. «Nous avons tenu au maintien des ¾ des voix pour le vote des lois organiques». Ce qui importe le plus, explique-t-il, c’est que le quorum pour la tenue d’une session a été maintenu au 2/3 des membres du Parlement. Et d’indiquer que le contexte diffère de celui des années 2000. Il évoque la mise en place du Conseil national de l’unité et de la réconciliation ainsi que l’Observatoire national pour la prévention et l’éradication du génocide, des crimes de guerre et des autres crimes contre l’humanité.
Par ailleurs, la composition du Sénat en charge de l’appréciation de la suppression ou non des quotas ethniques dans la Loi fondamentale est paritaire. Cette structure constitue également une garantie de protection des minorités ethniques. Et le conflit burundais, affirme-t-il, reste politico-ethnique. «Le danger pour les Tutsi de l’Uprona le sera aussi pour ceux du parti au pouvoir».
Limitation des mandats ?
Olivier Nkurunziza estime que la limitation des mandats est de mise dans le projet de la Constitution. «Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs», lit-on à l’article 97. Pour rappel, l’article 96 de la Constitution actuelle stipule que «le président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois».
Ce projet apporte une possibilité de revenir aux affaires. Il s’agit d’un encouragement à l’alternance. «Dans notre pays, l’on devient président jeune. Après 10 ans, l’on nourrit encore des ambitions présidentielles».
L’inéligibilité les tente à ne pas passer le flambeau. «Mais si un président a des possibilités de se faire élire, il pourra céder son fauteuil. L’alternance ne constituera plus un obstacle pour une possible candidature».
Olivier Nkurunziza balaie pour le moment du revers de la main l’hypothèse d’une candidature du président Nkurunziza. «S’il se représente, le parti s’exprimera. Si nous le faisions aujourd’hui, nous aurions anticipé». Et de lâcher aussitôt : «Ceux qui lui attribuent déjà une intention de briguer un autre mandat ont peur de lui. L’Uprona est prêt à affronter toute personne dont la candidature respectera la loi.»
Tatien Sibomana, membre de l’Uprona de la coalition Amizero y’Abarundi, se dit sidéré. La consigne donnée est aux antipodes de l’esprit de l’Accord d’Arusha. Le visa de celui-ci a été élagué dans le projet de Constitution.
Les caciques de Ku Mugumya (siège du l’Uprona) ont trahi les Badasigana. Leur décision montre qu’ils ne mesurent pas le rôle que le parti a joué pour la signature de l’Accord d’Arusha. «Mais aussi et surtout le rôle qui doit être sien dans sa mise en œuvre effective».
« Si Olivier Nkurunziza estime que leur instruction s’inscrit dans l’esprit de l’Accord, il ignore ce qu’est son esprit. Ce dernier se traduit notamment par l’obligation de faire participer des minorités ethniques, culturelles, etc., dans la gestion des affaires de l’Etat ».
Pour lui, une Constitution qui permettra à un parti qui aura gagné les législatives avec 51% de faire passer des lois comme bon lui semble au Parlement n’aura rien de l’esprit de l’Accord d’Arusha. «Est-ce que cela garantit le respect et la protection des minorités ethniques et politiques? Qu’en est-il du sort des 49% restants ?»
«Le SNR échappe au contrôle du Parlement»
Le projet de la Constitution à soumettre au vote populaire, poursuit-il, prive la chambre haute du Parlement d’une prérogative. L’article 289 l’oblige à évaluer dans un délai de cinq ans s’il faut mettre fin ou pas aux quotas ethniques dans l’exécutif, le législatif et le judiciaire. «C’est une obligation constitutionnelle de le faire après la mise en place des institutions issues de la nouvelle Constitution». Or, il rappelle que ce n’est pas stipulé comme tel dans l’Accord d’Arusha. « C’est le Sénat qui apprécie de son propre chef quand il faut faire cette appréciation. »
En outre, ce juriste relève une contradiction dans la considération des quotas. «Là où ils doivent être respectés d’une façon stricte, ils ne le sont pas». Par contre, les autorités les imposent pour des postes techniques. « La tendance est tant l’institutionnalisation qu’il est demandé même aux ONG d’en tenir compte dans le recrutement. N’est-ce pas une violation flagrante de l’esprit de l’Accord d’Arusha ?»
Au sujet de la limitation du nombre des mandats, Tatien Sibomana n’y va par quatre chemins : «L’esprit de l’Accord d’Arusha a été violé depuis 2015. C’est mentionné dans cet accord que nul ne peut dépasser deux mandats de 5 ans chacun.»
Il déplore que le projet de Constitution détache le Service national des renseignements (SNR) des autres corps de Défense et de Sécurité. Ainsi, il échappe au contrôle du Parlement.
M. Sibomana relève que les éléments contraires à l’esprit de l’Accord d’Arusha sont nombreux. Le vice-président de la République et les membres du gouvernement seront nommés et limogés selon le bon vouloir du chef de l’Etat. «Sans la concertation de leurs partis d’origine». Plus grave, souligne-t-il, le vice-président n’aura aucune attribution constitutionnelle, etc.
Signalons que chacun des deux vice-présidents de la République a un cahier de charge que lui reconnaît la Constitution.