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Uprona : le sang a coulé

05/05/2013 Commentaires fermés sur Uprona : le sang a coulé

Dans la crise qui déchire l’Uprona, un palier a été franchi : l’usage de la violence. Il ya eu mort d’homme et les deux camps se rejettent la responsabilité. Iwacu a cherché à comprendre comment les deux camps en sont arrivés là.

<doc2378|left>La crise de l’Uprona va de mal en pis en cette année de la célébration du cinquantenaire de la victoire de ce parti, qui a conduit à l’indépendance du pays.
Depuis la réunion du comité central, le 20 mars 2011, a suivi une lutte médiatique qui ridiculise le parti. Après qu’un groupe ait contesté Bonaventure Niyoyankana comme président du parti, ce dernier a organisé les congrès communaux dans un climat de conflit ouvert, avec parfois l’intervention de la police. Ceci a poussé certaines directions provinciales du parti à prendre partie pour l’un ou l’autre camp.
Puis sont venues les radiations des organes dirigeants de l’Uprona de certains membres. Pourtant, un groupe de sages du parti n’avait cessé de proposer des solutions pour sortir de l’impasse. En vain.
Dimanche 11 novembre, en début d’après midi, cette rivalité entre les deux camps va dégénérer en une violence inouïe.

Un groupe d’une trentaine de personnes se rend à Kumugumya, la permanence nationale du parti Uprona. Parmi eux Jean Baptiste Manwangari, Poppon Mudugu et Evariste Ngayimpenda, des inconditionnels du camp dit « de la Réhabilitation du parti », un camp hostile à Bonaventure Niyoyankana.

Une sortie qui dégénère

Selon un témoin présent sur les lieux, gardien de l’immeuble qui se trouve en face de Kumugumya, ce groupe s’est installé dans une des paillotes, certains parmi eux sont restés près du portail : « Ils se sont bagarrés avec des jeunes appelés en renfort pour les empêcher d’y rester.
Dans la mêlée, un des jeunes du camp Niyoyankana a été blessé par un coup de pierre à la tête, et poignardé dans le dos alors qu’il lavait son visage baigné de sang à un robinet. » Ce gardien se souvient qu’un autre jeune, venu avec le groupe des Manwangari, Poppon Mudugu et Evariste Ngayimpenda, a été également poignardé dans le dos, et immédiatement conduit par Manwangari à l’hôpital.

Le gardien raconte que, avec le patron du bistrot, ils ont conduit l’autre blessé à l’hôpital Prince Régent Charles où il a succombé par après à sa blessure. La victime s’appelle Boris Nzeyimana. Il a été enterré le mercredi 14 décembre.

Les deux camps livrent des versions des faits, caractérisées surtout par une certaine amnésie quant aux victimes de l’affrontement. Tatien Sibomana, du camp de la Réhabilitation, mais qui était absent lors des faits, affirme que ses amis ont été victimes d’une agression organisée par Kumugumya, alors qu’ils venaient partager un verre au bistrot de la place, un endroit fréquenté par tout le monde, upronistes ou non : « Faustin Ndayishimiye, secrétaire permanent du parti, proche de Niyoyankana, a interdit au patron du bar de leur donner à boire, et ils sont allés en chercher ailleurs. »

D’après lui, par après, quatre jeunes gens à motos, appelés par Faustin Ndayishimiye, sont venus à la permanence et commencé à jeter des pierres au groupe.
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{Démentis}
{Gaston Sindimwo , chef de cabinet adjoint à la 1ère vice-présidence :}
« Tatien Sibomana n’a jamais fait de campagne lors des dernières élections, à part une campagne anti-Uprona. C’est pourquoi il ne connaît aucun Mudasigana, sinon il aurait su que beaucoup de jeunes upronistes nous ont suivis dans la campagne, dans l’espoir d’avoir un travail plus tard, et c’est ce qu’on fait aujourd’hui. Nous faisons appel à eux quand il y a du travail, et ils ont un salaire, qu’ils soient de Nyakabiga ou d’ailleurs », réagit Gaston Sindimwo.

{Faustin Ndayishimiye :} « J’étais avec deux jeunes venus faire leur travail, face à une trentaine de personnes. Le gérant du bistrot n’a pas voulu les servir parce qu’ils étaient agressifs, même Dieudonné m’a agressé, mais je n’ai pas vu comment il a été blessé. »

{Le patron du bar :} « Poppon est venu me demander de la bière, devant mon refus, parce que leur groupe était agressif, Manwangari a dit de laisser tomber, qu’on allait en chercher ailleurs. En entendant la bagarre, j’ai voulu cacher mes trois petits neveux et un des agresseurs a déchiré ma chemise. Mais personne ne s’est rendu dans ma cuisine où étaient rangés mes trois couteaux, et aucun d’eux n’a été utilisé dans cette bagarre. »
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<doc2377|left>« Il s’en est suivi un cafouillage, certains voulant se protéger ou mettre à l’abri leurs véhicules, les autres voulant empêcher les agresseurs de jeter les pierres. »

Un des quatre garçons, poursuit Tatien Sibomana, est alors allé prendre un couteau dans la cuisine du bar pour poignarder dans le dos Dieudonné Ndayikengurukiye, qui était venu avec le groupe.

Jean Baptiste Manwangari, accompagné d’autres, dont un certain Pie Baribwegure, l’a alors amené à l’hôpital, son état nécessitant une intervention chirurgicale. Il est aujourd’hui en réanimation à la Clinique Médico-Chirurgicale de Kinindo (CMCK).

De l’autre blessé, il n’en a pas entendu parler et n’en sait rien. Pour lui, si une personne a été poignardée, elle était dans leur camp : « Il a été blessé par des Imbonerakure voisins de Gaston Sindimwo de la 1ère vice-présidence, recrutés et payés par Kumugumya (la permanence du parti). Et ce n’est pas la première fois qu’ils nous agressent, parfois avec l’aide des policiers ! »

Dans une conférence de presse animée le 13 décembre dernier, Bonaventure Niyoyankana a déclaré qu’ « un des employés de Kumugumya avait été assassiné de sang froid, à coups de pierres et de poignard, par des gens sans foi ni loi qui ont investi ces lieux. Parmi ces gens figuraient certains militants qui ont été suspendus des organes du parti, et cette tentative d’investir de force la permanence nationale du parti n’était pas la première. Ils étaient accompagnés de jeunes qui se sont attaqués au secrétaire permanent du parti et aux travailleurs de la permanence, dont Boris Nzeyimana, qui sera sauvagement poignardé par derrière, alors qu’il lavait le sang sur son visage blessé par un coup de pierre. »
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{La police a arrêté cinq personnes qui sont allées voir Dieudonné Ndayikengurukiye dans la soirée du dimanche 11 décembre. Le lendemain elle a effectué une foule perquisition au domicile de Jean Baptiste Manwangari, qui était absent, avant d’embarquer deux de ses fils, pour les relâcher plus tard le jour même. Jean-Baptiste Manwangari s’est rendu à la police le mercredi suivant et y a passé la nuit. Ce jeudi 15 décembre, le procureur général en Mairie de Bujumbura a convoqué, pour les interroger, plusieurs personnes des deux camps qui étaient présentes à Kumugumya le jour de l’affrontement. }
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Dans sa déclaration, il a ajouté que le groupe a alors quitté les lieux en amenant les bourreaux, mais sans sauver la victime, gravement blessé. Celle-ci sera transportée plus tard par le gérant du bistrot et deux travailleurs de la permanence à l’HPRC où elle succombera à ses blessures. Il reconnaît que Dieudonné Ndayikengurukiye était présent, mais n’affirme pas qu’il ait été blessé sur place, même s’il sait qu’il se trouve au CMCK.

<doc2376|right>M. Niyoyankana a également affirmé que ce groupe avait prémédité cette sale besogne au bar dit « Cercle Universitaire », le jour même, et qu’il était venu tenir une réunion non autorisée pour faire de la provocation.

« Le mauvais, c’est l’autre ! »

Les deux adversaires s’accusent mutuellement de cette montée de violence, avec une franchise qui déroute. Presque la main sur le cœur, chacun rappelle la tradition pacifique des upronistes de résoudre les problèmes par le dialogue et le respect des textes, mais traite l’autre de mauvais. « A l’Uprona, on n’use jamais de la violence, ce n’est pas un comportement d’un mudasigana. C’est un comportement qui s’achemine vers un monde, non pas politique, mais violemment sauvage, vu qu’ils étaient venus armés. Ce ne sont pas des Badasigana qui sont venus pour en tuer d’autres, mais des assassins », a déclaré Bonaventure Niyoyankana.
Quant à Tatien Sibomana, « jamais des Badasigana ne se sont affrontés physiquement, à part ces agressions de ces jeunes drogués utilisés par Niyoyankana et les siens. Contrairement à Niyoyankana, nous avons toujours été pour la résolution des problèmes par les lois qui régissent le parti, ou avec l’aide des sages, si nécessaire.

Une radicalisation irresponsable

Et justement, au lendemain de cette tragédie, un groupe de Bashingantahe de l’Uprona a proposé, une énième fois, son aide de médiateur dans un cadre de dialogue, qu’il est prêt à organiser afin que les parties en conflit puissent trouver ensemble une solution à la crise.
La réponse de Niyoyankana à cette invitation a été sans équivoque : « Le parti Uprona n’est pas le CNDD-FDD où il y a un comité des sages. Tous les problèmes qui surgissent à l’intérieur du parti se résolvent dans une des cases de KUMUGUMYA. »

Pour l’autre camp, c’est une offre très importante : « Nous la saluons de tous nos vœux », indique Evariste Ngayimpenda.

Cette crise de l’Uprona, qui a d’abord divisé des membres du bureau exécutif du comité central de ce parti, a plus tard gagné les directions provinciales et communales, divisant de plus en plus les Badasigana. Mais s’il est vrai que chaque organisation connaît des problèmes internes, il est déplorable que la mésentente des dirigeants fasse des victimes innocentes, militants ou non. Les deux camps ont raison sur un point : jamais ils n’en étaient venus aux mains, vu que même parfois ils partagent un verre. Mais en arriver à utiliser des jeunes, jusqu’à s’entretuer, constitue une pire lâcheté, surtout lorsque les deux camps radicalisent leur division en ne reconnaissant même pas les victimes.

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