Il y a moins d’engouement des lauréats du secondaire pour l’université du Burundi, réputée comme grenier du savoir. Les inscriptions initialement prévues du 24 août au 6 septembre ont été un fiasco. Sur plus de dix mille lauréats de l’examen d’Etat, édition 2021, environ mille étudiants ont pu se faire inscrire. Au départ, on pensait que c’était la note exigée, jugée trop élevée, qui était la cause cette désaffection. Lorsque le ministère de l’Education a annoncé le 12 octobre que les notes recommandées étaient revues à la baisse, la situation n’a pas beaucoup changé. Le report des inscriptions de la période allant du 17 au 27 octobre ne verra pas l’affluence espérée. Pourtant dans les universités privées, les auditoires sont saturés.
Il faut se rendre à l’évidence : Rumuri, « le flambeau » du Burundi, la seule université publique, n’attire plus. Avant d’opter pour un cursus, les étudiants, et leurs parents, demandent les filières qui garantissent relativement un emploi. Il semble que les universités privées proposent un large choix de filières intéressantes: ingénierie informatique, marketing, droit, commerce, architecture, kinésithérapie… Selon un professeur d’une université privée, le taux d’insertion professionnelle des lauréats des universités privées est actuellement élevé. Les universités privées développent de plus en plus des partenariats permettant à leurs étudiants de faire des stages dans des entreprises, de manière à s’ouvrir sur de nouveaux horizons et profiter des formations avancées de leur réseau de partenaires.
La mission d’une université est triple : l’enseignement, la recherche et les services à la communauté. Dans son ouvrage, L’Université du Burundi : 50 ans après, quel bilan ? , Libérat Ntibashirakandi, professeur à l’Université Libre de Bruxelles, rappelle que malgré la crise que traverse aujourd’hui cette institution, le bilan est largement positif quant à sa mission. L’Université du Burundi compte plusieurs facultés et Instituts qui ont formé beaucoup de cadres au service du pays. Elle compte beaucoup de centres de recherche des différentes facultés et instituts. Malgré le bilan positif qu’il brosse, il déplore néanmoins certaines faiblesses: « L’excellence qui devrait caractériser les missions de l’Université ne rime pas avec la politisation, l’ethnisation, le clientélisme ou la régionalisation dans la gestion d’une telle institution et plus particulièrement le recrutement des enseignants. »
D’autres observateurs dénoncent une formation généraliste, moins innovante, peu soucieux du marché du travail.
Les universités privées ne devraient pas voler la vedette à l’Université du Burundi, « Rumuru rumurikira Abarundi », littéralement : Le flambeau, lumière qui éclaire les Barundi, riche de ses 58 ans d’expérience. Il faudrait peut-être que tous les intervenants s’approprient les objectifs du plan stratégique 2013-2018: l’excellence et le professionnalisme, la compétitivité, la créativité et l’innovation, la probité, l’intégrité morale et intellectuelle, la transparence et l’ouverture. Bref, être cette lumière qui guide les étudiants vers un marché de l’emploi de plus en plus exigeant.
Que les meilleurs gagnent ou soient promus. Si la majorité des choix est basée sur l’excellence, vous verrez que cette histoire que nous trainons en voyant toujours le mal s’estompera d’elle même.
Même pour les enseignants , ce n’est plus intéressant d’enseigner dans les institutions publiques. c’est moins payant surtout pour les Assistants et maîtres Assistants. Ces derniers jours, on remarque même bcp d’enseignants qui partent pour l’étranger.
Signalons aussi qu’il est très difficile pour les assistants de bénéficier d’une bourse si vous ne correspondez pas à des critères politiques, ethniques et régionales de ceux qui les attribuent.
« L’excellence qui devrait caractériser les missions de l’Université ne rime pas avec la politisation, l’ethnisation, le clientélisme ou la régionalisation dans la gestion d’une telle institution et plus particulièrement le recrutement des enseignants. »
On dirait que sieur Ntibashirakandi parle des anciens régimes sous l’UPRONA. Les 2 seules différences :
– les privilégiés des anciens régimes ne sont plus les privilégiés du régime actuel ;
– les défavorisés des anciens régimes n’avaient même pas la possibilité de se rendre jusqu’à l’université, à l’exception de ceux qui passaient par les séminaires catholiques qui changeaient d’avis avant de devenir prêtres, pour s’inscrire à l’université ;
Le contexte est aussi important : il n’existait qu’une seule université pendant les régimes de l’UPRONA.
Quand je remarque cette critique de Ntibashirakandi, je ne m’empêche pas de me dire qu’une mémoire sélective, autant d’une partie que de l’autre, cause plus de ravages qu’elle n’apporte de solutions. Arrêtez!
Monsieur @Gacece,
On ne devrait pas parler ici de mémoire mais de faits. Dites plutôt ce qui est dit ici qui n’est pas vrai.
Les faiblesses d’hier ne doivent pas justifier les faiblesses d’aujourd’hui. Ce serait se complaire dans la médiocrité.
@O.K.
Les faiblesses d’aujourd’hui ne doivent pas non plus servir de repoussoir absolu pour balayer sous le tapis les turpitudes du passé, qui devraient au contraire nous apprendre à ne pas avoir une mémoire ni courte ni sélective. Il faut dénoncer le mal quelle que soit la main qui le commet. J’aime reprendre le dramaturge allemand Berthold Brecht quand il dit qu »’en tout temps, il faut chercher à donner au mal un nom et une adresse postale »
@OK
Les faits du passé sont aussi vrais que ceux d’aujourd’hui, parce que ce sont exactement les mêmes. L’ironie est qu’on veut implicitement faire croire que les gestionnaires d’avant étaient meilleurs que les actuels. Je ne suis pas d’accord.
Le recrutement par exemple : supposons que le critère principal soit d’avoir obtenu un doctorat relié à la matière qu’on veut enseigner. En quoi un enseignant d’avant était-il plus méritant que celui d’aujourd’hui s’ils ont la même qualification? Comment peut-on politiser un doctorat?
Comment pourrait-on ne pas politiser ou régionaliser la sélection d’un seul candidat parmi plusieurs d’ethnies différentes et ayant la même qualification et provenant parfois de mêmes régions?
Le problème est que même avec un tirage au sort, les candidats non choisis peuvent toujours accuser le recruteur d’au moins une des accusations citées dans la phrase de sieur Ntibashirakandi.
La citation ci-dessus était vraie dans le passé, elle est vraie dans le présent et elle le sera tout autant dans le futur. Il suffit que quelqu’un la lance (comme cela, gratuitement) pour qu’on se rende compte à quel point elle est vraie. C’est cela l’ironie : la globalisation n’a pas de date de péremption. Seule la cible change.
L’excellence, c’est subjectif : un candidat peut avoir obtenu de meilleurs notes et avoir des problèmes de comportement (alcoolisme, absentéisme, retards, violence, etc.) qui peuvent le disqualifier, peut importe son ethnie ou sa région d’origine… un autre peut avoir obtenu de moins bonnes notes et avoir fait preuve d’un comportement (assiduité en classe, entraide, respect des horaires, etc.) qui cadre mieux avec les exigences du poste à combler. Donc, on devrait préciser : « Excellence en quoi? »
Personne n’est excellent en tout. On doit dresser une liste de critères, choisir un candidat qui en remplit le plus (excellent candidat!),… et espérer qu’il ne devienne pas le contraire de celui qu’il était prévu qu’il devienne. L’excellence se perd aussi parfois!… s’il n’y a aucun suivi ni support soutenus!
Je demande qu’on parle de solutions à la place d’accusations gratuites.
Rien à redire; une fois n’est pas coutume!
@O.K.
Vous voulez des faits, rien que des faits? Je vais vous en donner. Suite aux événements en cours au Rwanda, des enseignants chercheurs burundais travaillant à l’université du Rwanda ont quitté ce pays en 1994 pour revenir dans leur pays natal. Des noms? Daniel Nahimana(?) docteur en chimie, Rusuku, docteur ingénieur en sciences agronomiques, Nicodème Nyandwi, docteur en sciences économiques, Prosper Mpawenayo, docteur en physique(et futur ministre de l’éducation du Burundi)et j’en passe…Ils espéraient une intégration automatique au sein de l’université du Burundi d’autant plus que l’institution avait besoin d’enseignants qualifiés. Ils avaient fait leurs études dans les mêmes universités européennes ou américaines que leurs collègues burundais, comme eux, ils pouvaient se prévaloir d’une riche carrière d’enseignants et de chercheurs avec des publications à la clé. Mal leur en prit.
Comme un seul homme, les enseignants de l’université du Burundi se sont opposés à leur intégration arguant notamment que ces nouveaux venus n’avaient pas été d’abord assistants puis envoyés en formation doctorale par l’université du Burundi et ne pouvaient donc pas y revenir. Tous ceux qui se gargarisent de lieux communs et de poncifs passablement éculés sur l’ethnisation, la régionalisation, la politisation et autres coquecigrues s’en souviennent (Libérat Ntibashirakandi était assistant à l’université du Burundi à l’époque et, d’un certain point de vue, il n’a pas tout à fait tort de tenir les propos qui sont les siens). C’est suite à un forcing politique(déjà à cette époque) que ces enseignants finiront par être admis à l’université du Burundi (las d’attendre Godot, certains avaient laissé tomber) Se souvient-on que les statuts de l’université du Burundi stipulaient clairement à l’époque que tout diplômé de niveau de docteur qui voulait entrer à l’université du Burundi comme enseignant pouvait être recruté au grade de chargé d’enseignement (il y avait beaucoup d’appelés mais peu d’élus, je peux vous le garantir!), alors que l’assistant qui rentrait au pays après ses études doctorales était automatiquement réintégré au grade de chargé de cours, ce qui signifiait ds conditions salariales nettement plus avantageuses? Tâchons d’être honnêtes.