Après deux appels à l’inscription des lauréats de l’examen d’Etat édition 2021, pour l’année académique 2022-2023, ceux qui ont répondu à l’appel n’ont pas pu couvrir les places disponibles. Aujourd’hui, l’Université du Burundi est à une troisième baisse des notes exigées pour accéder à son offre de formation.
Lundi 7 novembre au Campus Rohero de l’Université du Burundi (UB) vers 10h20, un groupe de lauréats de l’examen d’Etat édition 2021 remplissent des fiches d’identification des filières choisies pour leur cursus universitaire.
Ces étudiants ont répondu au troisième appel à l’inscription de la direction académique après la revue à la baisse des notes exigées à l’examen d’Etat pour accéder à l’Université du Burundi.
Certains d’entre eux sont en en train d’écrire des lettres de demande de recours. Mais en tout cas depuis le premier appel à l’inscription en août 2022, les lauréats ne se bousculent pas pour se faire s’inscrire. « D’où la reprise des appels à l’inscription », pensent les lauréats et étudiants rencontrés au campus.
Les notes d’accès très élevées, une entrave
Pour eux, les notes exigées pour accéder à l’enseignement universitaire public sont très élevés. A l’instar d’I.N, ce lauréat de l’ITABU Karusi qui indique que dans sa section personne n’avait eu la note exigée pour entrer à l’Université du Burundi avant qu’elle soit revue à la baisse.
« Mais nous avions eu une note comprise entre 92% et 78%, est ce que vous trouvez cela normale ? », commente le jeune lauréat. Ayant eu note de plus de 85% à l’examen d’Etat, il ne comprend pas pourquoi dans un premier temps il ne pouvait pas accéder à l’Université du Burundi.
Il indique qu’après la révision à la baisse des points exigés, au moins 14 lauréats ont eu le droit d’accéder à l’UB. Mais, a-t-il fait savoir, tout le monde ne viendra pas se faire s’inscrire. « Il y a un qui sera là pour se faire inscrire après demain mercredi, mais je connais deux autres qui se sont déjà faits inscrire à l’Université de Ngozi, d’autres à Gitega ».
G.N. elle, est lauréate du Lycée de Kayanza. Elle raconte aussi que personne ne pouvait accéder à l’Université du Burundi dans sa section d’informatique de maintenance. « Après la révision à la baisse des points exigés, 5 lauréats ont eu le droit de suivre une formation à l’UB », confie la jeune lauréate native de Giteranyi.
Elle regrette néanmoins qu’elle ait été orientée à l’institut d’Education physique et des Sports alors qu’elle souhaitait être formée en TIC, les technologies de l’information et de télécommunication. « Je suis en train demander une réorientation, si la réponse n’est pas favorable, je rentrerai chez moi. Je ne resterai pas ici pour faire du sport ».
S.A, lauréate de la section biochimie a eu accès à l’Université du Burundi après la troisième révision à la baisse des points exigés. Elle raconte qu’avec la première note exigée, un seul lauréat de son lycée de Bururi avait droit à l’inscription.
« Maintenant nous sommes 27 qui peuvent s’inscrire à l’Université du Burundi dans la seule section de Biochimie ». Elle fait savoir qu’à la section Maths-physique, tout le monde (14 lauréats) a eu droit d’accès à l’UB après la baisse des points exigés.
D.K, est originaire de Gishubi en province de Gitega. Elle regrette que malgré la baisse des points exigés, elle soit la seule qui a pu accéder à l’Université du Burundi pour cette année. « Nous sommes deux sur toute notre colline ».
Les lauréates et lauréats interrogés aux campus Rohero estiment que même jusqu’à maintenant les 0notes exigées restent très élevées. « Ceux qui ont 50% à l’examen d’Etat devraient tous avoir accès aux universités publiques », souhaitent quelques lauréats interrogés sur différents lieux d’inscription.
UB, un souvenir qui tend à s’évoquer au passé…
Il est très loin ce temps où les parents étaient très fiers de voir leurs enfants entrer à l’Université du Burundi. Aujourd’hui, la seule évocation de de cette institution provoque des moqueries.
Depuis quelque temps, les étudiants portent leur choix sur les universités privées. Il y a une dizaine d’années les universités privées ne faisaient pas le poids face à la brillante « Rumuri », le porte-flambeau.
Il y a une dizaine d’années, c’était impensable pour ce vivier de futurs cadres. Les lauréats des autres universités, naissantes, étaient taxés de moins brillants par rapport aux étudiants de Rumuri. D’aucuns se souviennent des mots moqueurs souvent utilisés par leurs condisciples de la ’’prestigieuse’’ UB pour se démarquer d’eux : « Kwiga mu mwonga ». Littéralement : « Etudier dans les marais ».
C’était une façon, à peine voilée, pour signifier qu’ils pataugent dans la boue, pour ne pas dire dans l’ignorance. « Un lointain souvenir », laisse entendre Marc*, encadreur à l’Université des Grands Lacs.
« Ce n’est plus une question de citadins et de fils ou filles de paysans, originaires de l’intérieur du pays. Dorénavant, la seule préoccupation pour tout parent, c’est l’épanouissement intellectuel de ses protégés. Et cela ne demande pas nécessairement être riche ».
Avec les récentes mesures de l’UB privant les étudiants de certains avantages, tels que les droits de loger dans les homes universitaires et la restauration, l’université publique n’attire plus. « Finalement fréquenter une université privée n’est pas tant cher que cela paraît, puisque l’université publique n’offre presque plus aucun avantage aux étudiants ».
Cerise sur le gâteau, la flexibilité, notamment en termes de gestion des temps libres qu’offrent certaines de ces universités privées, à en croire les témoignages de certains étudiants permettent de jongler entre petits boulots et études.
Un modèle qui a pris du pas, principalement à l’université des Grands Lacs. En 1er baccalauréat dans la faculté de psychologie clinique, Hassan*, natif de la commune Kabarore, province Kayanza, raconte que l’idée de fréquenter l’Université du Burundi, ne l’a jamais tenté. « Au bout du compte, les dépenses sont presque les mêmes. Plus embêtant, toute l’année que tu passes à attendre que débute une nouvelle année académique ».
Vendeur de chaussures durant ses temps libres, il ne cache pas qu’il lui serait difficile d’exercer son métier s’il étudiait à l’Université du Burundi. « Ce n’est pas qu’il n’y a pas de rigueur ici. Mais, les responsables comprennent que c’est possible de marier petits jobs et études ».
Le coût du déplacement qui ne cesse de s’envoler serait l’autre facteur derrière cet engouement pour les universités privées. En témoigne, le cas d’Anita*, étudiant les statiques à l’Université du Lumière de Bujumbura. Elle confie qu’après avoir réussi à l’examen d’Etat avec 80%, elle avait jeté son dévolu sur la faculté des Sciences Economiques de l’UB.
Un dilemme pour la jeune lauréate de la section économique au lycée du lac Tanganyika. « Comme j’habite à Kinindo, mes parents ont été très clairs : soit tu choisis la faculté des sciences économiques et tu te débrouilles pour les frais de transport. Ou bien tu fais les statiques à l’ULB et on te paiera le minerval comme tu y vas à pied ».
Avec les pénuries de carburant, indique-t-elle, j’ai choisi les statistiques à l’ULB. Ainsi, pour pallier ce problème, nombreuses sont les universités privées qui ont ouvert des campus dans toutes les provinces du pays.
« Tous les partenaires devraient être informés »
Désiré Nisubire, président du Syndicat du Personnel Enseignant de de l’Université du Burundi trouve que ce ne sont pas les étudiants qui ne veulent pas venir s’inscrire. « L’Université du Burundi a généralement pris un petit nombre ».
Il révèle qu’une classe qui devrait accueillir 400 étudiants s’est vue avec un effectif de 40. Il se demande alors pourquoi l’Université du Burundi diminue les effectifs. « On n’en sait rien, nous autres », regrette le syndicaliste, en même temps enseignant.
Il juge que s’il y a un problème, le ministère de tutelle devrait l’annoncer pour trouver des solutions ensemble. « Il y a des enseignants, il y a des étudiants, il y a des parents, c’est une université publique qui doit normalement être gérée de manière consensuelle entre ces principales partenaires ».
Pour lui, voir les effectifs réduits de moitié ou d’un tiers est une aberration. De plus, il explique que le ministère devrait normalement informer pourquoi les effectifs sont réduits.
Maintenant, rappelle-t-il, les cours ont été suspendus pour appeler encore à l’inscription et jusqu’à présent les enseignants ne savent rien de ce qui s’est passé.
Il demande alors que des décisions comme celles-là naissent de l’université. « Ce n’est pas au ministère d’imposer directement une loi. Elle devrait venir de la base. » Or, affirme M. Nisubire, une décision tombe, on ne sait pas d’où elle vient.
Et c’est comme cela qu’à chaque fois, des décisions sont appelées à être revues. Si l’Université du Burundi connaît des problèmes d’accueillir les étudiants, propose le syndicaliste, vaut mieux promouvoir l’excellence. « Dire par exemple qu’un certain nombre aura une bourse et logé dans les campus tandis que d’autres auront qu’un seul avantage d’étudier à l’université du Burundi mais peut-être sans bourse, est un problème ».
La position du Syndicat, clarifie Désiré Nisubire, est que les étudiants aient la chance d’étudier. S’il y a un problème de bourse, que la bourse soit réservée aux étudiants qui ont excellé, qui ont eu une meilleure note en laissant les étudiants qui ont réussi à l’examen d’Etat s’inscrire.
« Pas d’avantages à l’UB, pas d’engouement »
Jean Samandari, président de la Coalition « Education pour tous » juge qu’en plus des points qui étaient exigés, il y a d’autres causes qui sont à l’origine du peu d’engouement des étudiants pour les inscriptions à l’UB.
« Si l’appel à l’inscription est lancé alors qu’un lauréat s’est inscrit dans une université privée, il est difficile qu’il réponde à l’appel », commente Jean Samandari.
Il rappelle aussi que les universités privées sont actuellement implantées dans différents quartiers à Bujumbura et à l’intérieur du pays. « Un étudiant qui vit à Kanyosha ou à Kibenga ou à Kinanira préfère se faire inscrire à l’Université Lumière de Bujumbura qui est dans les parages par exemple ».
Il rappelle aussi qu’avant les lauréats allaient à l’Université du Burundi parce qu’il y avait beaucoup des avantages. « Ils étaient notamment hébergés, nourris gratuitement avec une bourse ».
Mais observe, le président de la coalition, ce n’est plus le cas. Néanmoins, l’éducation étant un droit fondamental, il considère que le gouvernement a l’obligation de tout faire pour qu’il n’y ait plus d’étudiants qui restent à la maison. « Il est là pour chercher les moyens afin que ces étudiants aient accès à l’enseignement supérieur, à l’université du Burundi ».
Pour rappel, dans une séance de questions orales du 20 octobre 2022 à l’Assemblée nationale, le ministre de l’Education a fait savoir que les notes exigées donnent accès à l’enseignement supérieur public sont fixées sur base des places disponibles, du prêt-bourse disponible et du taux de réussite.
« Si le taux de réussite est élevé, nous nous trouvons obligé de fixer une note aussi élevée », a expliqué le ministre François Havyarimana. Il reconnaît qu’au départ l’Université du Burundi et l’Ecole normale supérieure avaient accueilli des lauréats sur base du prêt-bourse disponible mais que des places étaient disponibles.
« C’est à ce moment que nous nous sommes confiés à l’autorité hiérarchique pour lui montrer que nous avons accueillis peu d’étudiants alors que les places sont disponibles ».
Le ministre de l’Education signale alors que maintenant les moyens par le prêt-bourse ont été augmentés pour permettre à l’Université du Burundi et à l’Ecole normale supérieure de pouvoir accueillir d’autres étudiants. « Cette années toutes les places seront occupées à l’Université comme à l’ENS ».
Il soutient par ailleurs l’idée que les étudiants non boursiers peuvent s’inscrire si les places sont disponibles. « C’est une bonne vision, nous sommes en train de voir comment y travailler. Demain ou après-demain, cela sera aussi sur la bonne voie ».
Ministre ministre, sur la base de votre politique consistant à imposer des notes élevées aux examens d’État afin que l’étudiant puisse accéder à l’université publique, cela entraînera la discrimination pour les enfants de parents pauvres. Si un étudiant a 80/100 et n’a pas le droit d’entrer l’université publique. Les parents de l’étudiant sont très pauvres, comme nous le savons, la plupart des habitants des campagnes, ils ne pourront pas payer les frais de scolarité dans les universités privées. Ce sera la fin de l’éducation des étudiants vulnérables. aucun enfant des familles pauvres n’ira à l’université. Aux États-Unis, le gouvernement aide les étudiants pauvres à payer les frais de scolarité et les étudiants riches se paient eux-mêmes. Mais, au Burundi, les étudiants pauvres sont empêchés de suivre des études universitaires. S’il vous plaît, changez cette politique qui opprime l’étudiant des familles pauvres.
Cher John, ce n’est pas seulement aux USA qu’on aide les étudiants les plus pauvres pendant que les plus riches n’ont aucun souci de financer leurs études. C’est dans tous les pays qui essaient d’appliquer une bonne gouvernance. C’est comme l’impôt: les plus riches devraient payer plus que les plus pauvres même si ce n’est pas toujours le cas.
@John
1. Pourriez-vous expliquer comment « Mais, au Burundi, les étudiants pauvres sont empêchés de suivre des études universitaires. »? (alors qu’il y a RETA MVYEYI avec le système de prêt-bourse?).
2. Aujourd’hui aux Etats-Unis il y a encore beaucoup de familles qui se réjouissent quand elles parviennent à avoir enfin l’un des leurs finir les études universitaires.
@John
1. Vous écrivez:« Ministre ministre, sur la base de votre politique consistant à imposer des notes élevées aux examens d’État afin que l’étudiant puisse accéder à l’université publique, cela entraînera la discrimination pour les enfants de parents pauvres… »
2. Mon commentaire
a). Le 4 novembre, le Lycée Don Bosco de Ngozi célébrait son jubilé de 60 ans.
Quand je suis arrivé à l’internat pour commencer la 7 ème préparatoireen 1964, nous étions aux environs de 105 élèves (7 ème prép., 6 ème et 5 ème modernes).
Quand j’ai terminé en juin 1971, nous étions aux environs de 360 élèves (cycle inférieur, section scientifique B et école normale).
PRESQUE TOUT LE MONDE VENAIT DES FAMILLES PAYSANNES.
b). Je m’imagine que parmi les élèves qui sont aujourd’hui à l’internat de ce lycée (comme dans d’autres internats du pays) PRESQUE TOUT LE MONDE VIENT DES FAMILLES PAYSANNES (et même twa).
c). Quand RETA MVYEYI essaie d’accepter le plus grand nombre possible d’élèves à l’internat POUR QUE TOUT LE MONDE ETUDIE DANS LES MEMES CONDITIONS, je ne vois pas de discrimination des enfants des pauvres.
Comment étudier dans un pays où ce n’est pas celui qui a plus de compétences qui occupe un poste X , Y ?
Comment avoir le courage d’étudier dans une université laissée à l’abandon, sans aucune organisation… ?
Comment avoir du courage dans un pays où les responsables ne cessent de faire comprendre aux jeunes que étudier n’a pas de de sens?…
Pour certains jeunes qui terminent les humanités sachant à peine à lire et à écrire, aller à l’université, c’est une perte de temps; ils ont raison.
S’il y a une chose que le régime actuel, entre autres, a détruit c’est bien l’éducation des jeunes.
Quelque chose qu’on oublie souvent c’est que l’enseignement des années 70/80 était ultra élitiste sans parler de son caractère ségrégationniste. A l’époque 90% des jeunes étaient analphabètes. Actuellement non seulement leur nombre a été multiplié par 5 mais aussi la grosse majorité entre à l’école. Je me rappelle que je faisais 15km pour aller à l’école primaire, 120km pour aller à l’école secondaire. Actuellement je vois des étudiants qui refusent d’aller à l’école secondaire à 15km de chez eux. C’est plutôt du progrès. Par contre la qualité de l’enseignement en a pris un coup car les moyens n’ont pas suivi ; probablement à cause de la guerre qui chambarde beaucoup de choses. En commençant par l’économie et l’organisation du pays.
Je n’exonère pas les responsables qui ne font pas ce qu’il faut pour que les choses se fassent comme il faut. Ils doivent se rappeler bien qu’ils risquent de terminer dans les poubelles de l’histoire du pays.