Les étudiants se plaignent du retard dans le paiement de leur prêt-bourse. Faute de moyens, ils vivent dans des conditions précaires et dénoncent les services universitaires. Pour survivre, certains sont obligés de faire, en parallèle, de petits boulots.
Heureux sont les étudiants originaires de l’intérieur du pays qui ont des familles à Bujumbura. Ils peuvent commencer leur première année d’université en logeant dans des familles d’accueil. Malheur à ceux qui n’ont personne en ville. Eux doivent trouver des chambrettes miteuses à louer, se prendre en charge. Un défi pas toujours facile à relever. Face à ces mauvaises conditions de vie, certains se résignent, d’autres créent des solutions, innovent, se débrouillent.
J.M. est étudiant en Bac II, faculté des Lettres et Sciences Humaines. Il a raconté à Iwacu comment il survit avec la somme modique de « prêt-bourse » qu’il perçoit chaque mois, mais parfois en retard.
« Nous habitons une maison d’une chambre et un salon qu’on partage à quatre. Nous la louons à 60 mille francs, ce qui nous fait 15 mille à payer chacun à la fin du mois ».
Il poursuit son récit: « Le plus important, dans cette vie, est de minimiser toutes les dépenses. Ensuite nous achetons de la nourriture de base, le haricot, et la farine de manioc et de l’huile de palme, de quoi tenir quelques jours. Nous payons ensuite le papier, les copies de syllabus et autres besoins pour nos études. »
Avec ses colocataires, cet étudiant, qui vit sur les hauteurs de Musaga, à Gikoto, se rend à l’université à pied, sauf si quelqu’un les prend en stop. « Nous n’avons droit qu’à un seul repas par jour ».
Quand il y a des retards du prêt-bourse, regrette-t-il, nos familles nous envoient parfois de l’argent, mais certains d’entre nous ne peuvent pas se permettre de demander toujours de l’argent à leurs parents qui sont aussi pauvres. »Il arrive quelquefois que le propriétaire de la maison nous dépanne ».
Certains, par contre, faute de s’habituer à cette vie dure, créent des solutions et innovent. P.C. est originaire de Mwaro, il admet avoir découvert une vie à laquelle il ne s’attendait pas du tout.
« Manger une fois par jour, marcher sous ce soleil de plomb de Bujumbura auquel je n’étais pas aussi habitué était un calvaire pour moi. Je ne pouvais pas non plus aller chez mon oncle tous les jours. Parfois, j’y passais pour pouvoir manger à ma faim », relate-t-il.
Selon lui, après deux mois sans recevoir le prêt-bourse sur lequel les étudiants misent tant, « la situation est devenue infernale ». Et d’ajouter aussitôt : « Il fallait que je prenne ma vie en main. Je me suis alors rendu chez moi, j’ai vendu deux de mes chèvres que j’avais laissées là-bas.»
De retour à Bujumbura, raconte P.C., j’étais toujours inquiet, cette somme n’allait toujours pas suffire pour tout mon cursus académique, il me fallait une autre solution. « Je me suis alors lancé dans le service Lumicash (service financier numérique offert par une agence de téléphonie mobile), je pouvais avoir une petite commission à la fin du mois pour satisfaire certains besoins et attendre la bourse ».
Aujourd’hui, se réjouit-il, j’ai des clients, je peux éviter le soleil et prendre le bus au moins pour rentrer à défaut d’un « lift » (être pris en stop).
P.C. n’est pas le seul, il dit connaître un étudiant qui est serveur dans un bistrot à Kinanira. Contacté par téléphone, le concerné confirme. Il raconte, néanmoins, que certaines journées, surtout les lundis et les vendredis, sont difficiles du fait que les clients rentrent un peu tard la veille.
Où réside réellement le problème ?
Dans un long texte publié sur les réseaux sociaux, Jean Claude Karerwa Ndenzako, chef du bureau politique et socio-culturel à la présidence explique les causes de ces retards.
Il parle entre autres d’un budget insuffisant, des retards dans l’établissement des listes et des contrats entre les étudiants et le gouvernement régissant ces prêts, mais également de la Régie nationale des postes qui ne compte qu’un seul guichet pour l’ouverture des comptes.
Alors que le nombre d’étudiants percevant le prêt-bourse n’a cessé d’augmenter depuis l’année académique 2017-2018, année de l’instauration du système, le budget alloué à cette fin n’a été revu à la hausse qu’au cours de l’année académique en cours (2020-2021).
Le nombre de boursiers est passé de 2.500 à 4.900, mais le budget est resté à 11.979.199.032 BIF sauf pour cette année où il a été revu à la hausse (699.000.000.000 BIF).
Sur les retards dans le paiement du prêt- bourse, le directeur du Bureau des bourses et stages au sein du ministère de l’Education nationale et de la Recherche scientifique corrobore les explications de M. Karerwa. Selon lui, le ministère des Finances ne tient pas compte de l’effectif prévisionnel des étudiants dans l’octroi du budget.
« Nous faisons des prévisions du nombre d’étudiants pour demander les fonds lors de l’élaboration du budget de l’Etat au mois de juillet, mais le ministère des Finances ne nous donne pas toute la somme demandée. Nous devrons alors attendre le vote du prochain budget, ce qui cause des retards », fait savoir Alexandre Mfisumukiza.
Ce directeur du Bureau des bourses et stages regrette également que les listes définitives des étudiants et les contrats (accord entre les étudiants et le gouvernement régissant l’octroi des prêts-bourses) parviennent au ministère en retard après des mois d’attente.
« La période d’enregistrement pour les demandeurs du prêt-bourse coïncide souvent avec celle des recours et des débuts des cours. Les listes nous parviennent en retard et bonjour les retards dans le paiement ».
M.Mfisumukiza propose l’informatisation du système pour trouver solution à ce problème, mais tranquillise également les étudiants : « Le ministère est en train d’étudier à fond la question du prêt-bourse, ce problème sera bientôt réglé.»
Selon une source au ministère de l’Éducation nationale et de la Recherche scientifique, le président Evariste Ndayishimiye se serait levé lui-même pour la problématique du prêt-bourse. Une commission aurait d’ailleurs été mise sur pied sous l’ordre de la présidence, pour étudier cette question.
Servir dans les bistros, faire le taxi moto, vendeurs d’unités, etc nibacanganye ntayindi solution