21 ans après la signature de la Charte de l’Unité nationale, la classe politique burundaise affirme qu’il y a eu des améliorations mais redoute de nouveaux clivages qui sont aussi dévastateurs que les divisions ethniques. <doc2917|left>Selon le président de la République du Burundi, Pierre Nkurunziza qui a préféré célébrer cette fête de l’Unité nationale au Stade de Gatwaro à Kayanza, sans unité, il n’y a ni de paix, ni de sécurité encore moins de développement durable possible. « L’unité est une valeur à sauvegarder jalousement, il faut jeter un regard rétrospectif pour savoir si cette unité était réellement vécue au cours des 50 dernières années et si elle sera au programme pour cette année-ci », a souligne le président Nkurunziza. « Renforcer l’unité passe par le patriotisme, le partage et l’entraide. Renforcer l’unité, c’est renforcer la paix, ensemble, sans exclusion. Renforcer l’unité, c’est accepter la volonté du peuple. Toute personne qui se dressera contre les décisions d’un peuple uni dans sa diversité sera considérée comme un ennemi de l’unité et de la démocratie, et sera combattue par tous les Burundais », a averti le chef de l’Exécutif au Stade de Gatwaro. Le premier vice-président de la République, Térence Sinunguruza était quant à lui à Vugizo, colline surplombant la ville de Bujumbura où a été érigé le Monument de l’Unité. D’après lui, la commémoration de la Charte de l’unité nationale arrive lors d’une année spéciale. « C’est au cours de l’année 2012 qu’on va célébrer 50ème anniversaire de l’indépendance du Burundi et la mise sur pied de la Commission Vérité et Réconciliation (CVR) », a indiqué le 1er vice-président. Selon lui, c’est une année d’autoévaluation pour voir ce que les Burundais ont fait de l’héritage du Prince Louis Rwagasore centré sur l’Unité, le Travail et le Progrès. « Rwagasore avait constaté que les clivages ethniques pouvaient handicaper l’acquisition de l’indépendance », a-t-il souligné. Concernant la CVR, Terence Sinunguruza tranquillise les Burundais : « La CVR est une commission pour la réconciliation. Elle est chargée d’enquêter et d’établir la vérité, une vérité réconciliatrice et non vérité des {Hutu} ou des {Tutsi}. Avec cette vérité, les Burundais et même les générations futures diront {Plus jamais ça}. La CVR ne sera pas là pour punir quelques catégories des Burundais comme beaucoup aiment le dire pour créer la peur afin d’handicaper sa mise en place ». De nouveaux clivages risquent de perturber l’unité et la paix Pour l’ancien président Pierre Buyoya, la mise sur pied de la Commission Vérité et Réconciliation est en droite ligne avec le renforcement de l’Unité nationale, mais il faut, dit-il, avoir comme objectif ultime la réconciliation des Burundais. « C’est un défi qui est devant nous, c’est un exercice qui n’est pas facile, un exercice à faire et correctement. Si nous avons été capables de bâtir l’unité, nous sommes aussi capables de gérer la Justice de transition pour qu’elle nous aide à avancer et non à reculer ». Selon le sénateur Buyoya, il y a eu des progrès en matière d’unité nationale, « mais il ne faut pas considérer l’unité comme une fin en soi parce qu’en matière politique, il n’y a pas de victoire définitive, ni de perte définitive. Une victoire acquise aujourd’hui peut être perdue demain », fait savoir l’ancien président Pierre Buyoya. « Il faut se battre pour renforcer l’unité, l’améliorer, pour ne pas la perdre demain, les acquis qu’on a aujourd’hui peuvent être perdus, si on ne fait pas attention », insiste-t-il. « Il faut préserver ce projet d’unité nationale, le protéger, l’approfondir parce qu’on ne peut pas faire d’autres projets importants dans la division. L’expérience l’a montré, note cet ancien chef d’Etat. Si l’on a insisté sur les divisions ethniques dans la Charte de l’Unité nationale, fait-il remarquer, il faut savoir que dans la société les divisions sont de plusieurs natures. « Aujourd’hui, on a des divisions liées à des différences d’opinion, de partis politiques, on voit des gens s’entretuer, s’exclure parce qu’ils appartiennent à des partis politique différents, les mêmes causes les divisions, les exclusions peuvent aboutir à des conséquences graves », signale l’ancien président Pierre Buyoya. « Il y a même au sein des partis politiques des divisons voire des haines, tout cela peut conduire aux mêmes difficultés. Il faut voir la question de l’unité au sens large. Dans l’unité, on peut faire beaucoup de choses, dans la division, même ce qu’on a fait, on va le détruire », souligne le Sénateur Buyoya. D’après lui, les Burundais devraient réfléchir sur la question de l’unité au-delà du clivage ethnique et voir « comment éviter les clivages qui nous empêchent d’avancer sur le plan de la démocratie au sein même des partis politique. Les Burundais ont négocié la paix, ils ont fait la paix mais on voit que de nouveaux clivages risquent de perturber la paix », conclut l’ancien président Pierre Buyoya. Le conflit politique a remplacé le clivage ethnique Pour Frédéric Bamvuginyumvira, vice président du parti Sahwanya-Frodebu, il faut l’unité en actes. « Les Burundais doivent s’accepter dans leurs différences : du sommet à la base, nous devons aller au-delà de l’unité chantée vers l’unité vécue ». Selon ce ténor du Frodebu, il y a aujourd’hui transformation du conflit ethnique en un autre conflit qui a malheureusement les mêmes conséquences, le conflit politique. Il explique : « Les gens sont tués comme par le passé, non pas parce qu’ils appartiennent à une autre ethnie mais parce qu’ils sont d’un autre parti politique, les gens du FNL sont tués par les gens du Cndd-Fdd et vice-versa. Il y a des membres du Frodebu, du MSD qui sont tués par les gens du pouvoir à travers les policiers, le SNR, les ’’Imbonerakure’’(la ligue des jeunes du parti Cndd-Fdd… Tout cela montre que l’ethnisme qui était utilisé dans le temps par le parti Uprona est en train d’être utilisé aujourd’hui par le parti au pouvoir. Le même problème d’intolérance revient, avec un vernis différent, le politique a remplacé le vernis ethnique ». S’asseoir et réfléchir sur les dangers qui menacent notre unité nationale Selon le délégué général du FORSC (Forum pour le renforcement de la société civile au Burundi), Pacifique Nininahazwe, l’adoption de la Charte de l’Unité nationale était en soi un pas important dans l’histoire du Burundi. « Aujourd’hui les gens n’ont plus peur de parler de leur ethnie alors que dans certains pays limitrophes, la question est taboue », signe que les mentalités évoluent. « Au cours des 50 dernières années les Burundais ont été incapables de bâtir un Burundi pour tous les Burundais, certains citoyens se considéraient comme de bons citoyens alors que d’autres étaient considérés comme des ennemis de leur propre pays et ces derniers étaient, soit emprisonnés, soit tués ou contraints à l’exil », fait remarquer le délégué général du FORSC. Ce qu’il faut remarquer aujourd’hui, poursuit-il, c’est qu’on a évolué sur la question ethnique même s’il reste beaucoup à faire. « Des Burundais se retrouvent encore une fois obligés de vivre en exil craignant pour leur sécurité, considérés comme des ennemis de leur propre pays. Nous sommes dans un Burundi où il y a quelqu’un qui a peur d’être assassiné parce qu’il a des opinions politiques qui ne sont pas aimées dans certains milieux. Il faut s’asseoir aujourd’hui et réfléchir sur les dangers qui menacent notre unité nationale », conclut Pacifique Nininahazwe.