Un responsable d’une école de Bubanza a décidé que des diplômes ne seront pas remis à 10 élèves finalistes. Il les accuse d’avoir lacéré leurs uniformes et de s’être mal comporté à la fin de l’examen d’Etat. Une décision qui a suscité beaucoup de réactions.
Une audio circule sur les réseaux sociaux. Le directeur de l’école secondaire EPM cite les noms des élèves qu’il accuse d’avoir affiché un comportement loin d’être exemplaire.
Ils se sont dénudés et ont proféré des injures à l’encontre d’un préfet des études. « Manque d’éducation,» indique ce responsable. Il dit qu’une réunion a été tenue et les sanctions ont été prises : pas de diplôme pour 10 élèves de la section Maintenance qui sont allés à l’encontre du règlement scolaire. « Ils pourront redoubler ». Il assure qu’une note sera envoyée à la ministre, justifiant la prise de décision.
Effet boomerang
Une décision qui suscite un tollé chez les élèves. Ce directeur n’est pas le seul à envisager des sanctions et la peur gagne des élèves finalistes. Ils craignent des mesures disproportionnées à la faute commise. La police serait à la poursuite « des fauteurs de trouble. »
« Je ne crois pas qu’il y ait eu faute. Nous avons fini nos études avec succès et nous avons passé l’examen d’État. Pourquoi penser au redoublement de quelqu’un qui a réussi ? » S’étonne un finaliste d’une école de Bujumbura. Il dit avoir peur que plusieurs directeurs d’école prennent de telles mesures qu’il qualifie d’excès de zèle.
B., une élève d’une école publique de Bujumbura, dit avoir peur. Elle et ses camarades de classe sont allés à la plage pour fêter la fin de l’école secondaire. Elle s’inquiète que des photos prises soient publiées «Notre accoutrement n’étaient pas indécent. Nous avons déchiré nos uniformes pour manifester notre joie à la fin des études qui n’étaient pas faciles. Maintenant que des photos circulent, je ne sais pas si les miennes vont sortir.»
L’explosion de vendredi
Vendredi 9 août. Quatre jours après d’examens ouvrant accès aux études universitaires. Les élèves se retrouvent pour célébrer la fin de leurs études secondaires. C’est un vendredi, le week-end s’annonce intense, surtout à Bujumbura. Des soirées sont prévues ici et là. Les élèves en profitent pour refaire à coups de ciseaux leurs uniformes en les déchirant. Une sorte de « rituel » ces dernières années pour célébrer la fin d’études au secondaire. Mais cette fois-ci, elle fait le buzz sur les réseaux sociaux et suscite de vives réactions.
« Il ne faut pas s’acharner à sanctionner »
Pour le psychosociologue Jean Bosco Ndayishimiye, ces élèves ont manifesté une joie, des émotions subites, mais exagérées. Un comportement qui peut se répercuter sur les futures générations, d’après lui. « Certes, ils ont le droit d’exprimer leurs émotions, mais ils l’ont fait d’une mauvaise manière, contraire aux valeurs et aux mœurs burundaises».
Ce psychosociologue parle aussi d’un acte d’adolescence lié à la délinquance. Il estime que les émotions de ces élèves ne devraient pas aller jusqu’à « se déshabiller en plein air, sur la route peut-être.
« C’est purement et simplement une délinquance », insiste-t-il. Selon lui, ce comportement peut-être normal pour ces élèves, mais il est anormal pour la société.
Quant à la répression, Jean Bosco Ndayishimiye s’interroge sur la sanction à réserver à des adolescents qui n’ont agi que par des émotions « exagérées certes », mais en dehors de l’établissement.
Pour lui, il faut que le règlement scolaire soit clair sur les faits qui se déroulent en dehors de l’école pour sanctionner ces élèves. Sinon, explique-t-il, la loi peut intervenir en matière de délinquance. « Mais la répression conditionne toujours une plainte. Et celui qui est lésé doit démontrer comment et pourquoi ce comportement des élèves lui porte atteinte. »
M. Ndayishimiye trouve injuste de les priver de diplômes, car ils ont réussi en classe. « Ils méritent donc absolument leurs diplômes. »
Il estime qu’au lieu de s’acharner sur eux pour les sanctionner, l’Etat devrait plutôt mettre en place un système de rééducation des élèves pour éviter la récidive pour les futures promotions.