Le 17 septembre dernier, le président Ndayishimiye a signé un décret portant missions, organisation et fonctionnement du Secrétariat permanent du Conseil supérieur de la Magistrature. Pour certains, c’est une avancée dans le secteur judiciaire. D’autres dénoncent un renforcement de la mainmise de l’exécutif sur le judiciaire.
Cette structure est une administration spécialisée rattachée à la présidence de la République au sens du décret portant réorganisation des Services de la présidence de la République du Burundi. Le Secrétariat permanent est l’organe exécutif du Conseil supérieur de la magistrature. Sur ce, il en est le service technique et opérationnel et assure la mise en œuvre et le suivi des décisions du Conseil.
Le secrétariat permanent a plusieurs missions principales. Entre autres, l’enquête sur les dénonciations et les cas portés à la connaissance du Conseil Supérieur de la Magistrature lorsqu’ils sont réputés avoir eu un impact sur la qualité d’une décision judiciaire coulée en force de décision, l’enquête et l’instruction préliminaires sur les plaintes des particuliers ou de l’Ombudsman concernant tant le comportement professionnel des magistrats que les mal jugés manifestes coulés en force de chose jugée et proposer au Conseil supérieur de la Magistrature les mesures appropriées conséquentes si le mal est manifeste.
Le secrétariat permanent sera aussi chargé de l’analyse, pour le compte du Conseil, de la qualité des jugements et arrêts coulés en force de chose jugée dénoncés ou portés à la connaissance du Conseil, l’instruction préliminaire des recours des magistrats, etc. Cependant, il est précisé que nulle requête ne peut être enregistrée au Secrétariat permanent si le requérant n’a pas épuisé tous les recours devant les instances judiciaires.
Quid du choix des membres ?
Ce Secrétariat permanent est composé d’un secrétaire permanent, des cadres permanents et non permanents et d’un personnel d’appui. Le Secrétaire permanent est sous l’autorité du président de la République qui est en même temps président du Conseil supérieur de la Magistrature.
Le Secrétaire permanent est choisi parmi les magistrats de carrière, jouissant d’une expérience pertinente, d’une compétence avérée en matière de justice et d’une moralité sans reproche. Quant aux cadres permanents, ils sont choisis parmi les personnalités jouissant d’une expérience professionnelle pertinente, des connaissances en matière juridique et d’une moralité sans reproche. Le Secrétaire permanent et les cadres sont nommés par décret.
Le Secrétariat permanent est organisé en trois cellules. Chaque cellule comprend des cadres permanents. Les cadres permanents sont répartis en trois cellules spécialisées à savoir : une cellule chargée de la bonne administration de la justice et de la lutte contre l’impunité, une cellule chargée de la discipline et de la carrière des magistrats et une cellule chargée des affaires administratives et des finances. Le chef de la cellule est nommé par décret.
Parmi les missions de ces cellules, on peut citer : enquêter sur les cas de corruption dans l’appareil judiciaire, contribuer à l’élaboration de la politique en matière de justice, contribuer à garantir l’indépendance des magistrats du siège dans l’exercice de leurs fonctions, émettre des avis en matière de recours en grâce, émettre des avis sur l’exécution des mesures de grâce présidentielle, analyser et proposer des avis sur des réclamations des magistrats concernant leur carrière, analyser les dossiers des plaintes des particuliers ou l’Ombudsman concernant le comportement professionnel des magistrats, émettre des avis en matière de nomination et d’avancement de grade des magistrats et sur toutes les questions d’ordre statutaire, …
Une appréciation mitigée
Cette structure est appréciée différemment. Certains y voient une solution aux problèmes qui gangrènent le secteur judiciaire. Pour d’autres, c’est un autre coup dur porté à l’indépendance de la magistrature.
« C’est une avancée. Dernièrement, le président s’est plaint du comportement de certains magistrats. Je crois que les choses vont changer », se réjouit un magistrat œuvrant en Mairie de Bujumbura. « Les magistrats corrompus ne pourront plus se cacher car ils savent aujourd’hui qu’ils sont scrutés à la loupe », renchérit un autre. « Cela va de mal en pis. Cette fois-ci, le président de la République s’accapare de tout le pouvoir judiciaire », déplore un autre magistrat.
Bernard Ntahiraja, docteur en droit et chercheur postdoctoral au Centre norvégien des droits de l’homme à l’Université d’Oslo, n’y trouve aucune avancée : « Ce décret ne peut pas résoudre les problèmes créés par la loi qu’il applique. La loi est problématique au regard de l’indépendance de la magistrature, et même de la séparation des pouvoirs tout simplement. Ce sont des problèmes qu’un décret d’application ne peut pas résoudre. »
Le juriste Gustave Niyonzima soutient que c’est l’indépendance de la magistrature qui continue d’être bafouée : « Du moment que le Conseil supérieur de la Magistrature est toujours chapeauté au sommet par deux membres du pouvoir exécutif, c’est-à-dire le président de la République comme président dudit conseil et la ministre de la Justice comme secrétaire exécutive, l’indépendance de la magistrature est loin d’être atteinte. » Pour lui, le Conseil devrait être coiffé au sommet par le président de la Cour Suprême dans l’optique de respecter le principe de la séparation des pouvoirs.
M. Niyonzima estime que tout le Conseil devrait être composé uniquement par des magistrats élus par leurs pairs. Et d’enfoncer le clou : « La séparation des pouvoirs fait défaut à cause de ces immixtions du pouvoir exécutif dans le fonctionnement du pouvoir judiciaire. Il faut que le président de la Cour Suprême ait le dernier mot pour tout ce qui est de l’apanage du pouvoir judiciaire. » Selon le juriste, c’est également saugrenu de voir deux dignitaires clés du pouvoir exécutif gérer la carrière des magistrats quant à leur nomination, cotation et promotion sans que ces responsabilités soient confiées au président de la Cour Suprême.
Mieux vaut que ces magistrats soient dépendant des gens qui peuvent leur demander des comptes, que de ceux qui doivent garnir leurs comptes.
Quelle est cette idée d’exiger qu’on accorde de l’indépendance à quelqu’un qui est dépourvu du « savoir-être » exigé par son métier! Qu’ils commencent par être impartiaux! Après ils demanderont leur indépendance.
L’indépendance de la justice n’est exigible que quand il y a réellement justice… sinon on serait en train de demander l’indépendance de l’injustice.
OK tout cela est technique. Entre spécialistes du droit vous vous comprenez. Mais le citoyen lambda y trouvera t-il une meilleure justice ? Les disparitions forcées trouveront elles une suite judiciaire ? Les exécutions extra-judiciaires,…
Nous jugerons par le résultat comme Iwacu l’indiquait en ce qui concerne l’OTRABU.