En ce lundi 4 décembre le président Américain, fraîchement élu, a tancé vertement le chef de l’état Syrien Assad. L’Américain reproche à celui-ci de se préparer à utiliser des armes chimiques contre ses opposants et le menace sans ambages de représailles le cas échéant.
La menace du président Obama laisse perplexe à bien des égards. Politiquement, les Etats-Unis sont partie prenante dans le conflit ; c’est connu ils ont pris fait et cause, au sein de l’Otan, pour l’insurrection. Et pourtant, si la Syrie possède la technologie idoine pour fabriquer de telles armes aujourd’hui, c’est bien qu’elle lui a été transmise par d’autres pays en possédant déjà une. Qui donc est le plus moralement condamnable : l’utilisateur d’une arme ou son pourvoyeur ? Le consommateur de drogue ou le magnat du réseau d’exploitation et d’écoulement de celle-ci ?
Ce que La Fontaine décriait jadis garde une acuité déconcertante : «{ Selon que vous serez puissant ou misérable / Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir 1»}
Car, à y regarder de près pourquoi cette attitude à l’endroit du dictateur Syrien aujourd’hui ? Est-ce réellement à cause de cette possibilité d’utiliser cet armement chimique 2 qui bouscule les consciences occidentales ou est-ce une période favorable pour en finir avec le régime Assad ? Est-ce que tuer des civils innocents à coups de bombes et autres armements lourds est plus décent que l’usage de cette dernière sophistication de mise à mort ? Est-ce qu’alimenter l’insurrection en armements et en d’autres soutiens multiformes pour mener cette guerre si meurtrière est plus moralement soutenable ? Enfin, est-ce seulement aujourd’hui que le visage hideux de la dictature syrienne est soudainement devenu insoutenable aux yeux du monde qui se dit « libre » et « démocratique »?
Si rien n’est fait pour renforcer les valeurs morales au sein des arènes politiques internationales, rien ne pourra empêcher les organisations terroristes de faire florès dans le monde. Toute morale sélective, toute empathie discriminatoire sont vouées à l’incompréhension par ceux qui n’en bénéficient pas. La violence engendre la violence et le mépris la révolte.
C’est Tzetan Todorov qui nous rappelle ceci : « (…) à l’intérieur des pays occidentaux et en particulier européens, il faudrait cesser de croire que l’on contribue à la diffusion des droits de l’homme autour de soi en assumant le rôle de vaillant redresseur de torts et d’irréprochable donneur de leçons. (…) Si ces champions de la juste cause souhaitent attirer les égarer vers leur propre idéal, ils ont intérêt à adopter l’attitude inverse : montrer qu’ils savent être critiques envers eux-mêmes, mettre en valeur chez leurs interlocuteurs ce qui les rapproche déjà de cet idéal 3»
Pourquoi tant d’énergies et d’argent investis dans la destruction alors que des femmes et des hommes partout dans le monde luttent jour et nuit pour la paix et la fraternité les mains nues et le cœur rempli d’amour? Ils sont en Syrie, ils sont en Palestine, ils sont au Kivu … mais personne ne leur accorde, à ceux-ci, la moindre attention.
Pourquoi, sur le plan diplomatique, les conventions internationales prônées par les Nations Unies ne sont pas signées et ratifiés par tous les pays membres sans aucune réserve ? Ainsi, les pays rétifs seraient mis au banc des états oppresseurs et liberticides. La réforme du Conseil de Sécurité tant souhaitée serait mise en branle de façon que son fonctionnement soit basé sur une représentation pondérale égale sans plus de droit de véto d’aucun pays.
Nonobstant la dérive morale ambiante, l’espoir est toujours permis. C’est à chacun de vouloir y contribuer. A sa façon. Tout long voyage commence par un premier pas, nous dit la sagesse chinoise.
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|1 La Fontaine, J. de, {Les Animaux malades de la peste}, Fable 1, livre VII, p 118 in {Œuvres Complètes, Paris, aux Éditions du Seuil}, 1965 .
2 Possibilité qui reste à vérifier : « chat échaudé craint l’eau froide ! »
3- Todorov, T., {La Peur des Barbares : au-delà du choc des civilisations}, Paris, Robert Laffont, Biblio essais Le Livre de Poche, 2008, p 326-327|