» (…) Il s’agit d’une nouvelle attitude pour qu’ils ternissent l’image du pays. Jusqu’au point où ils brûlent eux-mêmes la permanence et alertent des gens. Ces gens, nous les mettons en garde, nous qui avons récemment reconnu leur parti. S’il s’avérait de nouveau que ce sont eux les responsables de ce désordre, des mesures qui s’imposent seront prises (…) « , dixit Tharcisse Niyongabo, assistant permanent et porte-parole du ministère de l’Intérieur, commentant l’incendie de la permanence du CNL à Nyabiraba. Cette déclaration a été faite lors de la conférence publique des porte-paroles en province Muyinga, vendredi 21 juin.
Mercredi 19 juin, le verdict tombe. Poursuivis pour »complicité à l’incendie volontaire », les neufs militants du CNL venus de Rumonge, Kanyosha et Bujumbura mairie sont condamnés à deux ans de prison. Ceux natifs de Nyabiraba seront, par la suite, relaxés.
Retour sur les faits
Samedi 15 juin, vers 21h30, deux jeunes hommes et deux filles sont entrés dans une maison à proximité de cette permanence que veillaient 15 militants du CNL. Les habitants de Nyabiraba confirment une première tentative d’incendie, mercredi 12 juin. Ces militants envoient un des leurs pour s’enquérir de la raison de leur présence. Une altercation s’ensuit.
Quelques minutes plus tard, le commissaire communal débarque avec une escouade de plus de 10 policiers. Direction commissariat pour les 15 militants du CNL pour identification. Ensuite, c’est la case prison. De là, ils verront leur permanence prendre feu.
Telle une ligne de bus directe, ce chef d’accusation ne s’arrête pas aux arrêts des preuves irréfutables. Seul le terminus de la condamnation semble importer.
Comment le retenir sans avoir identifié le ou les pyromanes? L’accusation n’a pas pu établir la présence d’autres militants du CNL sur la scène du délit au moment de l’incendie. Et, partant, apporter la preuve d’un ou plusieurs liens avérés avec le ou les auteurs.
Quid des deux jeunes hommes et deux filles qui n’ont pas été embarqués par le commissaire provincial et ses hommes? Ils sont ainsi les derniers à avoir été vus sur place. De surcroît, cette altercation constituait un motif supplémentaire pour tourner les regards des enquêteurs de leur côté. A leur égard, le bandeau qui couvre les yeux de la justice, symbole d’impartialité, semble être tombé.
Le pouvoir montre ses griffes
Comment expliquer cette charge inédite du pouvoir contre son principal opposant? Ses sorties médiatiques le posant en victime de l’intolérance politique ont-elles franchi le seuil de l’acceptable? Volonté de transformer les opposants en disciples d’Epictète répétant en boucle cette célèbre maxime des stoïciens : » Substine et abstine » (Supporte et abstiens-toi) « ?
Ou/et une logique souterraine est-elle à l’œuvre dans cette affaire? Dans cette hypothèse, ce tweet du porte-parole du président Nkurunziza, Jean-Claude Ndezako, donnerait un éclairage : » En août 2020, il y aura de grandioses cérémonies de passation de pouvoir entre @Pnkurunziza et son successeur à la @BdiPresidence. Prise après avoir consulté le Tout-Puissant, la décision du président de ne pas se représenter est irréversible. »
Exit le débat enflammé sur la volonté prêtée au raïs de restaurer la monarchie.
Retour à la réalité de la succession de l’actuel locataire de la Présidence de la République.
Cette nouvelle donne étant confirmée, le président du CNL se retrouvera seul poids lourd dans la course à la présidentielle. Ce faisant, cette menace pourrait s’inscrire dans une stratégie de soutien au futur candidat du parti de l’Aigle. » Par tous les moyens nécessaires « , assénerait Malcolm X. Pour lui ouvrir à terme un boulevard menant à la Présidence de la République.
» La menace ne sert d’armes qu’aux menacés « , observait déjà Léonard de Vinci.