Ishaka, un projet qui a aidé à renforcer le pouvoir économique de 12.000 filles, a pris fin en décembre 2011. A l’occasion de la journée internationale de la femme, un appel vibrant leur a été lancé pour aider à le relever.
« Nous devons faire quelque chose et nous le pouvons », a lancé à l’assemblée Sari Roels, épouse du Chargé d’affaires de l’ambassade du Royaume des Pays-Bas au Burundi. C’était lors d’un café qu’elle a organisé pour chercher des financements pour le projet Ishaka (Volonté), au lendemain de la journée internationale de la femme. D’où la présence de la ministre de la Fonction publique, du Travail et de la Sécurité sociale, des femmes burundaises entrepreneures, des femmes des ambassadeurs accrédités au Burundi étaient également présentes. Y étaient aussi conviés des représentantes d’organisations internationales et autres femmes leaders, afin d’unir leurs efforts pour un objectif commun. Lors de son allocution, Sari Roels a tenu à rappeler que « la fête internationale de la femme est l’occasion de s’arrêter un instant, réfléchir, faire le point sur les avancées accomplies sur le chemin de la promotion de la condition de la femme. Mettre sur la table les manquements à son épanouissement et son accomplissement.» De ce fait, a-t-elle insisté, il faut donner une chance aux associations, surtout à Ishaka, qui a fait sortir des jeunes filles burundaises de la prostitution et de la dépendance économique.
Un projet qui doit continuer à tout prix
Ishaka est un projet de Care International qui a aidé à renforcer le pouvoir économique de 12000 jeunes burundaises, âgées de 14 à 22 ans, délaissées et pauvres. Ce projet a œuvré dans 17 communes du Burundi, surtout en Mairie de Bujumbura. Ishaka a octroyé à ces jeunes filles des crédits, après une épargne préalable. Elles ont ainsi acquis une autonomie financière. Pour Mme Roels, il faut, en outre, que le projet s’étende au niveau national : « Les premières à toucher leur porte monnaie inciteront aux autres de faire de même pour que le projet continue», a-t-elle encouragé ses invitées. Pour Consolata Ndayishimye, présidente de la Chambre Fédérale du Commerce et de l’Industrie du Burundi (CFCIB), quand les femmes se mettent ensemble, elles peuvent jouer un rôle important au niveau économique dans une société. Citant Hilary Cliton, s’adressant aux présidents africains, elle a indiqué que « si toutes les africaines décident à ne pas travailler pendant une semaine, la situation économique serait chaotique ». Et d’ajouter que si les Burundaises décident de rester à la maison, de ne pas cuisiner, de ne pas mettre au monde, il n’y aurait presque pas de vie. Paradoxalement, cette catégorie n’a pas accès au crédit : « Nous constituons une force. Il est grand temps que les choses changent. Par ailleurs, une femme ayant l’autonomie financière assure le développement de sa famille et, de surcroit, celui de son pays. C’est pourquoi nous devons continuer à aider ces jeunes filles », a exhorté la présidente de la CFCIB.
52% de la population burundaise n’ont pas accès au crédit
Afin de les inciter à réagir, elle a parlé des étapes importantes déjà franchies par les Burundaises qui, actuellement, occupent des postes longtemps réservés à la gent masculine, comme être à la tête de la fédération de football, etc. Tout cela grâce aux actions menées par la femme : « Ce n’est pas sur un plateau d’or que la femme occupe certains postes, elle a lutté. Nous devons faire de même pour ces jeunes filles. » Toutefois, elle a déploré que l’aspect économique soit classé au second plan : «L’autonomisation doit être prise au même degré que la participation politique de la femme. Car 52% de la population burundaise, des femmes, n’ont pas accès au crédit. Ce qui fait que le Burundi reste en arrière et soit classé parmi les pays les plus pauvres du monde. » La présidente de la CFCIB a demandé à ces dames d’user de leur influence pour changer la donne. Elle va même plus loin en leur demandant de se porter garantes pour les plus démunies, pour qu’elles aient des crédits. Ce qui reste, pour elle, c’est de renforcer leurs capacités pour la gestion de ces crédits. Consolata Ndayishimiye a interpellé le gouvernement pour accompagner les initiatives des femmes. Financé par Nike Fondation, le projet Ishaka a pris fin en décembre de l’année dernière. Les femmes, aussi bien que les hommes, sont interpellés à donner leur contribution pour le relancer. 4500 USD financent un groupe de 15 filles pendant 3 ans, 1500 USD, un groupe de 15 pendant 1 an et 125 USD un groupe de 15 pendant un mois. La plupart de ces filles assistées ont eu des grossesses précoces puis renvoyées de l’école, d’autres sont de jeunes femmes divorcées. « Dans la société burundaise, une fille qui met au monde hors mariage, est rejetée, car c’est perçue comme une honte, un déshonneur pour la famille. C’est pourquoi le projet doit continuer », a rappelé Consolata Ndayishimiye. L’autofinancement les a permis de participer activement à la production, de quitter la prostitution. Il a également eu un impact considérable sur la santé sexuelle et de reproduction: baisse sensible des grossesses non désirées, augmentation de l’âge de la première relation sexuelle et diminution des maladies sexuellement transmissibles, dont le Sida.
Mme Sari : « Le gros des contributions provient des Burundaises. »
C’est la première fois qu’une épouse d’un diplomate prend l’initiative d’organiser un café de presse sur un tel thème…} Ce serait dommage qu’Ishaka soit abandonné faute de moyens. Des filles ont pu se prendre en charge car elles étaient appuyées par ce projet qui a duré trois ans. J’avais passé un bon moment à réfléchir à la poursuite de ses activités de ce projet, c’est ma contribution en tant que femme. {Qu’est-ce qui a motivé le choix du projet Ishaka ?} Je venais de visionner un documentaire, que j’ai d’ailleurs beaucoup apprécié, sur ses réalisations. J’ai été touchée par les témoignages des filles ayant bénéficié de cette initiative. Bien sûr, il existe d’autres associations, mais la priorité a été pour ce projet car il n’y en a pas beaucoup de ce genre. Il serait regrettable que les jeunes filles ne puissent pas continuer leurs activités, étant donné qu’il faut moins de 100 $ par an pour soutenir le projet. {Jusqu’à maintenant, combien de contributions avez-vous eues ?} Pour la seule journée de vendredi 9 mars, nous avons eu 1000 dollars américains. Je suis ravie de constater que le gros des contributions provient des Burundaises. Il y a aussi des engagements pris par celles qui étaient présentes, évalués à 3000 U$. J’espère que nous serons capables de réunir toute la somme nécessaire pour la poursuite des activités du projet Ishaka, d’ici la fin de l’année.