La Cour Pénale Internationale (CPI) a lancé plusieurs mandats d’arrêt internationaux à l’adresse de Bosco Ntaganda et Sylvestre Mudacumura de la RDC. En guise de justification à cet acte juridique, les média occidentaux nous ont indiqué que c’était d’une part pour l’exemple et d’autre part dans un souci d’équité que d’avoir interpellé un rebelle Tutsi et un autre Hutu de cette région du Nord-Kivu où tous deux sont suspectés de violations flagrantes et à grande échelle des droits élémentaires de la personne humaine.
Que des soldats-marrons assassins et violeurs soient punis par les tribunaux internationaux suppléant ainsi à l’anomie régnante dans certains pays d’Afrique, tout démocrate ne peut que s’en réjouir. Là où le bât blesse, c’est le fait de définir ces personnes selon leur appartenance ethnique. Ce faisant, la messe est dite : tout ce qui se passe dans cette région comme troubles et instabilités sociopolitiques relève immanquablement de cette haine irrémédiable que se vouent les Hutu et les Tutsi au Nord-Kivu et dans la région des Grands Lacs en général.
Et pourtant, ce n’est point faute de mises en garde par des universitaires avérés qui se sont penchés sur la question. Dès les premières lignes de son ouvrage intitulé {« The Dynamics of Violence in Central Africa »}, le Professeur René Lemarchand note avec désolation ceci : « {At the root of the misconceptions and prejudices that figure so prominently in the media coverage of Central Africa lies an abysmal ignorance of its past and recent history} » (A l’origine des idées fausses et des préjugés qu’on rencontre de façon flagrante dans la couverture médiatique de l’Afrique Centrale repose une ignorance abyssale de son histoire passée et récente)
Dans «{ The Trouble with Congo : Local Violence and the Failure of International Peacebuilding} », Séverine Autesserre montre combien les contradictions locales sont bien plus pertinentes dans les processus de violence que bien d’idées reçues :
« {It became clear to me that local agendas drove a large part of the continuing violence} » (Cela est devenu clair à mes yeux que les contradictions locales prennent la part du lion dans la poursuite de la violence).
S’obstiner à ne voir dans les difficultés et les violences de cette région que l’expression quasi atavique des haines ethniques est une forme de racisme pure et simple. Parmi les raisons qui nous divisent, il y a beaucoup de choses et la part des intérêts extérieurs n’est pas moindre. Et ce n’est pas le dernier rapport de ICG ({« L’Or noir au Congo : risque d’instabilité ou opportunité de développement ? »} rapport Afrique N0 188 du 11 Juillet 2012) qui dit le contraire. C’est à se demander si ce réflexe pavlovien consistant à nous plaquer ce stigmate « ethniste » n’est pas l’arbre qui cache la forêt.