Il est 8 heures passées de quelques minutes au centre traumatologique de l’Arche de Kigobe à Bujumbura, et une équipe de brancardiers s’active. Un patient arrivé la veille au soir à cet hôpital de Médecins Sans Frontières (MSF) suite à un accident de circulation doit d’être référé dans un autre hôpital de cette ville burundaise.
« Nous le référons vers un hôpital partenaire qui possède un plateau technique plus élevé afin de procéder à un scanner crânien », explique Docteur Ferdinand Niyonzima, responsable des activités médicales à l’Arche de Kigobe.
Les soins au centre traumatologique de l’Arche sont gratuits et les frais pour les patients qui sont parfois référés dans d’autres structures de santé privées ou étatiques sont couverts par MSF tant que le patient reste dans les critères d’admission de l’organisation médicale.
Plus loin, à quelques mètres de l’ambulance, Clarisse Iratubona, promotrice de santé de MSF, profite de l’attente de patients qui viennent pour des soins en ambulatoire, afin de les sensibiliser notamment sur les bonnes pratiques pour éviter une infection de plaies.
« Il arrive souvent que les patients appliquent des solutions à base d’herbes ou d’autres mélanges sur leurs plaies. Ces pratiques très répandues entrainent beaucoup d’infections, c’est pourquoi nous les sensibilisons. C’est aussi l’occasion de leur expliquer le travail médical de MSF ou encore les différents paquets de soins qu’offre le projet Arche ».
Le projet arche, un centre traumatologique gratuit au cœur de Bujumbura
Le Centre Traumatologique de l’Arche avait été lancé en juin 2015 suite à la crise que traversait le Burundi. A l’époque, la structure sanitaire ne recevait que des cas de traumatismes violents. La diminution des cas violents a conduit, en juin 2016, à un élargissement de critères d’admission aux traumas accidentels, aux brulés et aux victimes de violences sexuelles. En 2018, les équipes de l’Arche de Kigobe ont effectué 22 400 consultations en salle d’urgence et plus de 4 000 interventions chirurgicales.
« Le centre possède une unité de soins intensifs de 6 lits et une capacité en hospitalisation de 62 lits. Actuellement, 90% de nos patients sont des victimes d’accidents notamment ceux de la route. Au premier semestre 2019, nous avons réalisé 11 912 consultations aux urgences et 1 909 interventions chirurgicales.», note Vicent Onclinx, coordinateur du projet.
Dans la partie réservée à l’hospitalisation des hommes, un groupe de personnel médical procède à un tour de salle. Le groupe hétéroclite est composé de chirurgiens, anesthésiste, kinésithérapeute, psychologue, infirmier et aides-soignants. Chacun d’eux note la part de travail à faire par son service plus tard à l’issue de discussions engagées sur le cas de chaque patient. Cette complexité de matière grise, Abdoul Karim arrivé il y a deux semaines et ayant subi une opération chirurgicale sur son avant-bras, l’apprécie beaucoup. Comme la plupart d’autres patients ici, il a été victime d’un accident de route.
« Lorsque je me suis réveillé à l’Arche ce jour-là, soit plus d’une heure après que je me sois évanoui, je ne savais pas où j’étais et comment j’y étais arrivé. Puis, petit à petit j’ai commencé à revoir des flashs. Je me suis souvenu de cette voiture qui venait à vive allure et que j’avais brusquement vue à ma droite alors que je traversais la rue pour vendre mes poissons à un client. J’ai eu beaucoup de chance d’être acheminé ici. J’ai été très touché par l’attention du personnel. Ils m’ont opéré et se sont occupés de moi comme si j’allais leur donner de l’argent. Je ne suis qu’un pauvre pécheur, si je devais payer pour ces soins, où-est-ce que j’aurais pu trouver les moyens ? »
Les couts financiers liés à une prise en charge de qualité pour les cas de traumatismes constituent une grande barrière pour la population au Burundi. Un patient victime d’accident de voie publique reçu à l’Arche mobilise souvent, au fil de jours, plusieurs services. Des urgences à la kinésithérapie en passant par la radiologie, le laboratoire, le bloc opératoire, l’orthopédie, la pharmacie, etc. toute la chaine de soins que ce denier peut recevoir à l’Arche, la sera gratuitement ce qui n’est pas le cas dans d’autres établissements hospitaliers.
Nous nous retrouvons vers 10 heures dans une salle de rééducation à l’ambiance bon-enfant. Amina, sept ans, a connu une fracture de deux os de sa jambe gauche. Après avoir passé un mois avec un plâtre, l’examen radio a confirmé aujourd’hui une bonne consolidation des os. Elle suit dès lors une première séance de rééducation sous le regard satisfait de son père qui regarde sa fille apprendre à remarcher.
Le projet arche, une décentralisation grâce a des centres de sante partenaires
L’élargissement de critères d’admission aux traumas accidentels en 2016 a entrainé une augmentation de la fréquentation au centre traumatologique de l’Arche. Le projet a alors décidé au mois de juin 2019 de faire la ”décentralisation” des cas de traumatisme simples vers deux centres de santé (CS) du Ministère de la Santé : le CS de Buterere II et de Ngagara ainsi que vers deux hôpitaux de district, celui de Kamenge et de Bwiza Jabe. MSF rembourse les frais liés à la prise en charge de patients qui y sont soignés. L’organisation médicale procède également aux fournitures d’intrants et à des formations du personnel soignant pour une meilleure prise en charge de patients.
A l’hôpital de Bwiza Jabe, alors que trois patients blessés attendent cet avant-midi dans le couloir, l’infirmier superviseur de MSF et une infirmière de l’hôpital viennent de terminer l’administration des premiers soins à un patient d’une vingtaine d’année. Ce menuisier vivant au quartier Bwiza a été touché au front par une pierre projetée par une voiture roulant à vive allure.
« La pierre a causé une blessure profonde. Il doit partir à l’Arche car il a besoin d’une suture interne et externe. », affirme Alain Muluvia, Infirmier MSF.
Cela fait déjà un mois depuis que le projet centre traumatologique de l‘Arche de MSF à Bujumbura a lancé le processus décentralisation. Pour tenir au courant les populations des quartiers ciblés, MSF procède à des séances de sensibilisation communautaire grâce à sa promotrice de santé qui travaille en collaboration avec des relais communautaires. Et pour s’assurer de la qualité de services offerts ou de leurs amélioration, ces relais et d‘autres leaders communautaires sont fréquemment consultés par MSF afin de récolter leurs plaintes et trouver ensemble des solutions.
Environ 240 staffs nationaux et une dizaine d’expatriés travaillent pour le projet Arche de MSF au Burundi. Pour eux, chacun dans son domaine, chaque jour qui passe constitue une vraie course contre la montre pour arrêter des hémorragies, remettre en place des os fracturés, veiller à la guérison des plaies, sauver des vies, bref sécher les larmes de victimes de traumatismes.