Vendredi 22 novembre 2024

Editorial

Une inspiration

09/12/2016 5
Léandre Sikuyavuga
Léandre Sikuyavuga

Juin 2017, un Accord sera conclu entre les protagonistes dans la crise burundaise. C’est l’engagement du président Mkapa, facilitateur dans le dialogue inter Burundais.

La feuille de route, roadmap, a été présentée au médiateur, le président Museveni le 2 novembre.

Tout semble prêt pour (re)mettre la machine en marche. Une délégation du président Mkapa va par ailleurs effectuer une visite au Burundi, du 7 au 9 décembre.

Cependant, il semble que les Burundais eux –mêmes ont déjà mis les bâtons dans les roues. La Présidence insiste sur le rapatriement du dialogue au Burundi. Les participants à ce dialogue devant être exempts de toute poursuite judiciaire. « Ceux qui ne le sont pas devraient répondre de leurs actes avant de prétendre à quoi que ce soit ». Pour la plate-forme de l’opposition radicale en exil, la facilitation est partiale et favorable au gouvernement burundais. Une telle
situation n’augure rien de bon pour sortir de cette crise qui ne fait que trop durer.

Pour que le dialogue soit un succès, il faut respecter les règles du jeu. D’abord, le facilitateur est appelé à plus de fermeté, d’autorité et d’indépendance. Il faut un consensus
sur la plate-forme commune à tous les acteurs.

Ensuite, les acteurs burundais doivent d’abord penser Nation, avoir la volonté réelle de sortir de la crise par la voie du dialogue. Il faut alors se remettre en question, faire de l’autocritique et se mettre à la place de son adversaire pour mieux le comprendre. « Qu’est-ce que je ferais si j’étais à sa place ? » Dialoguer, c’est se faire violence pour arriver à un compromis. Il ne faut pas minimiser, banaliser, traiter avec dédain la position de l’adversaire.

Eviter la logique égoïste de « J’y suis, j’y reste » ou de « ôte-toi de là que je m’y mette », mais opter pour le gagnant- gagnant.

Le prisonnier Nelson Mandela et le président Frederik Willem De Klerk ont donné en Afrique du Sud l’exemple de réconciliation au monde. Ils obtiendront ensemble le Prix Nobel de la paix 1993. Une inspiration.

Note de la rédaction

Cet éditorial a été rédigé jeudi 8 décembre, avant la déclaration du médiateur ce vendredi

Forum des lecteurs d'Iwacu

5 réactions
  1. Kana A-M

    A mon humble avis, un peu de pragmatisme devrait être observé pour une solution rapide et durable à la crise qui secoue le Burundi. D’emblée, toute tendance extrémiste ou de va-en-guerre devrait être écartée.
    Apparemment certains Burundais attendent une solution « miracle » à la crise. Réponse ; ce miracle concocté dans les bureaux des chancelleries d’ailleurs et des Nations Unies n’EXISTE PAS. Ce miracle doit venir des Burundais. Le choix de la solution à la crise doit être « burundais ». La solution qui a marché ailleurs peut ne pas être appropriée à la crise burundaise.
    Actuellement, des pistes de solutions sont sur table. Celle qui semble être la plus privilégiée est le dialogue entre gouvernement et l’Opposition. La vérité est que, plus ce dialogue traine, plus les dégâts et les rancœurs s’accumulent. Dans tout cela, les perdants ne sont pas l’étranger ou cette Communauté Internationale sur laquelle on a tendance à compter le plus. Au contraire, c’est plutôt ce Burundais moyen qui ne peut pas se faire soigner parce qu’il n y a plus de médicaments dans les pharmacies. C’est plutôt le prolongement de l’agonie dans les camps de refuge des milliers de mamans, enfants et vieux dont le rêve n’est autre que de retourner terminer paisiblement leur existence sur le modeste sol qui les a vus naitre.
    Réalistement parlant, les Burundais n’a pas besoin de médiateur, encore moins de guerre. Une opposition responsable qui sait ce qu’elle veut et son rôle, une société civile qui joue son rôle d’arbitre, une armée et une police qui jouent leur rôle de gardiennes de la sécurité et de la paix, c’est tout ce dont on a besoin pour empêcher le gouvernement à dérailler.
    L’histoire récente des guerres en Irak, en Libye, en Centre-Afrique, en Somalie ou en Syrie devrait nous servir de leçon. La guerre n’est jamais une solution. Il y a d’autres choix. Aux passions, aux colères, devraient succéder Raison et Nationalisme. Ailleurs, les mots « excuse », « pardon » existent. Il est temps que ces mots « magiques » soient inscrits dans le lexique burundais. Demander pardon est une des grandes valeurs de grandes âmes et cultures. Cela ne diminue en rien la valeur d’homme aux hommes qui optent pour cette voie d’humilité salvatrice, au contraire. Je suis convaincu que l’actuel président de la République (il l’est malgré tout) n’est pas, jusque-là, un monstre. Il ne fermerait pas la porte à ceux qui reconnaitraient qu’ils ont fait des erreurs, de grès ou de force. Les négociations devraient plutôt porter sur la sécurité des personnes qui veulent retourner au pays pour s’occuper légalement de leurs diverses affaires.
    SI CE GESTE PEUT RAMENER LA PAIX AU BURUNDI ET AUX BURUNDAIS, POURQUOI NE PAS L’ESSAYER, AU NOM DE L’AMOUR DE LA NATION?

  2. Ndavuga simvura

    Mkapa a fait preuve de dérapage et il vient de rater une bonne occasion de se taire. Pourquoi? Il faut d’abord voir les protagonistes dans la crise burundaise. Est-ce l’opposition proche du pouvoir? Et pourquoi négocier avec ceux qui ne font presque pas parti du conflit. Si à Arusha les anciens rebelles avaient été écartés quel résultat aurions-nous atteint? Juste pour dire que Mkapa vient de légaliser les rebellions qui vont naître car il a démontré qu’ils ne devraient plus réver à une solution pacifique. #ShameOnMkapa#YouDisappointed&JustFiredBurundi#

  3. Karabadogomba

    Probablement que M. Léandre a fait l’éditorial avant la sortie médiatique de Mkapa. J’ai de la peine de croire qu’un ancien chef d’état de surcroit « facilitateur » peut prononcer des propos pareils. Afrique où vas-tu?

    • @herma

      Monsieur Léandre, avant le 8 décembre 2016, vous titrerai votre article « [l’inspiration » » et après 8 décembre, 2016, au lieu de « la masque tombe » , je vous proposerais plutôt [la déception]. Pas de dialogue avec les putschistes et les terroristes ( ) les mêmes qualificatifs de l’entourage extrémiste de Buyoya lors des négociations ( ) et d’autre côte des mouvements armés, [ibinywamaraso] ou charognards. La fin de l’histoire, signature avec réserve…on se réserve se sentir en sécurité et ce, malgré, au risque de tout oublier ( ), les conards !
      Dans tous ce qui précède, on a mal compris la démocratie et je ne doute pas que certains d’entre eux regrettent d’avoir pris le chemin qui durera à plus de 50 ans si est déjà à 60 ans. On ne sera pas non plus surpris si demain, le Burundi sera une réserve exceptionnelle des hommes comme Tchisekedi. Du reste, ubugabo bw’úmugabo nibwo buryo bwiwe. Certains n’y croient pas mais ces burundais font du jeu ! Leurs projets avancent et les innocents continuent de mourir ! Ouvrons les yeux, pensons à la nation, akimuhana kaza imvura ihise ! La tolérance oblige !

  4. Athanase Karayenga

    Mon cher Léandre,

    La lecture de votre éditorial lève en moi une « inspiration » qui déplore l’inadéquation des mots et du langage pour désigner les maux dont souffre notre pays.

    Les mots sont très importants dans la résolution des crises. Les Burundais devraient nommer correctement la situation dramatique que traverse le pays et nommer correctement également les solutions possibles pour sortir de l’impasse.

    Pendant des années, les Burundais, par euphémisme et parce qu’ils en avaient honte, désignaient la guerre civile de 1993 à 2006 comme  » la crise ». Cette appellation « débile » minimisait, en réalité, la dure vérité d’une véritable guerre civile. Le rapport d’une Commission des Nations Unies, en 1996, a d’ailleurs relevé que cette prétendue « crise » avait même une dimension génocidaire. Ce qui n’est pas rien tout même !

    Et cette guerre civile a été résolue, non pas par le dialogue d’Arusha, mais par de véritables négociations entre factions rivales représentant un large spectre politique burundais. Ces négociations ont abouti au fameux Accord de Paix et de Réconciliation d’Arusha en août 2000.
    A présent, il faut avoir la lucidité de nommer correctement la situation tragique que traverse le Burundi. Le pays est englué dans une autre « guerre civile » comparable à celles qui ont marqué son histoire chaotique depuis son indépendance.

    Toutes les explosions de violence massive au Burundi n’ont pas eu la même durée, ni le même impact terrifiant sur la population. Les guerres civiles de 1965 et de 1988 ont été extrêmement violentes mais brèves. En outre, elles ont été circonscrites à des territoires limités. La région de Bukeye pour celle de 1965 et celle de Ntega-Marangara pour celle de 1988.

    Par contre, les guerres civiles qui ont éclaté en 1972 et en 1993 ont ravagé tout le territoire national et ont eu un impact dévastateur épouvantable sur les personnes et sur les biens. Dans notre langue, la guerre de 1972 a été désignée par le mot  » Ikiza », exactement le même concept « hébreux » de la Shoah. La catastrophe absolue !

    Les victimes de ces deux guerres civiles de 1972 et 1993 se comptent par centaines de milliers. En plus, ces deux guerres civiles de grande magnitude comme on dit des tremblements de terre, comportent, l’une et l’autre, une dimension génocidaire. Sans compter les innombrables autres crimes de guerre et crimes contre l’humanité comme la torture et le viol.

    La guerre civile qui ravage le Burundi depuis avril 2015, depuis la contestation du troisième mandat de Pierre Nkurunziza, se situe entre celles du premier groupe et celle du deuxième groupe. Pour le moment ! Car elle peut encore dégénérer malheureusement.

    La guerre civile actuelle doit donc être désignée pour ce qu’elle est. C’est une guerre civile classique avec sa cohorte de victimes assassinées, torturées, violées, exilées, disparues, arbitrairement détenues, avec sa dynamique génocidaire dénoncée maintes et maintes fois. Nul ne peut contester qu’il s’agisse d’une véritable guerre civile.

    Aussi, la résolution de ce énième conflit burundais passera par de véritables négociations et non par « un dialogue » comme s’il s’agissait de résoudre un conflit anodin et à l’amiable dans un salon autour d’une tasse de thé ou de café.

    La guerre civile impose des rapports de force extrêmement violents qu’il convient de nommer et de dénoncer clairement. A titre d’exemple, ce rapport de force extrêmement violent imposé par le troisième mandat de Pierre Nkurunziza est illustré par la déclaration du Président Mkapa à l’aéroport de Bujumbura.

    Si le compte rendu de  » SOS Médias Burundi » de son entretien avec la presse avant de quitter le Burundi est vérifié et recoupé, l’ancien président tanzanien, au nom de la Communauté de l’Afrique de l’Est, vient de faire franchir « la guerre civile » burundaise actuelle, une étape cruciale et catastrophique. Car cette déclaration tonitruante écarte définitivement une résolution pacifique du conflit burundais.

    Répondant à un journaliste de Nation Media Group, M. Mkapa aurait déclaré que « Les gens qui doutent encore de sa légitimité (ndlr : celle de Pierre Nkurunziza) sont fous. … » Ces gens ont perdu le nord. Le peuple burundais a tranché et les gens devraient plutôt penser à se préparer pour les élections de 2020. Des représentants de pays étrangers viennent ici et ils vont voir le président. Je le répète, quelle folie (!) Vous pouvez me citer, je le répète. »

    Avec tout le respect qu’on doit à M. Mkapa, il me semble que c’est lui qui « est devenu fou et a perdu la tête. » On le voyait venir depuis un moment. La médiation de l’EAC reconnaît formellement la légitimité du troisième mandat.

    En clair, la médiation renie toutes ses déclarations antérieures quand elle insistait sur le respect de l’Accord de Paix et de Réconciliation d’Arusha. En clair, M. Mkapa, au nom de la région, indique que les Nations Unies, l’Union Européenne et l’Union Africaine qui ont toujours appelé au respect de l’esprit et de la lettre de l’Accord d’Arusha se sont trompées dans leurs analyses respectives sur les ingrédients de la guerre civile burundaise et donc retournent leurs vestes à présent.

    En clair, le président Mkapa met fin au processus du « fameux dialogue » interne et externe. En clair, M. Mkapa appelle l’opposition radicale ou à « la sauce pili pili » pour emprunter le joli mot de la chanson de Gaël Faye, à se soumettre et à rentrer dans le rang. La queue entre les pattes.
    En clair, M. Mkapa accorde l’impunité totale et définitive à Pierre Nkurunziza pour les innombrables crimes commis dans le cadre de la contestation du troisième mandat et dénoncés depuis des mois par les rapports du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Droits Humains, par les organisations de la société civile burundaise, par des ONG internationales, par les médias.

    En clair, M. Mkapa renvoie les victimes de la répression féroce de Pierre Nkurunziza à leurs douleurs, à leurs blessures, à leurs traumatismes dans les prisons, à leur désarroi et les citoyens burundais à leur impuissance pour réclamer la justice, la liberté et la prospérité. En clair, Mkapa siffle la fin de la récréation. Circulez, dit-il, il n’y a rien à voir jusqu’en 2020.

    Ce que n’ignore pas M. Mkapa, c’est qu’entretemps, Pierre Nkurunziza s’empressera, dès demain, pour modifier la constitution, pour supprimer la limitation des mandats présidentiels, pour abolir l’Accord d’Arusha afin de pérenniser son pouvoir. Aussi longtemps qu’il le voudra. Et surtout, il neutralisera la justice pour que jamais les crimes indiqués plus haut ne soient jugés de son vivant. Beau travail, M. Mkapa !

    Cependant, il demeure, trois inconnues majeures après cette fracassante et pitoyable fin de médiation de l’EAC.

    Est-ce que le peuple hostile au troisième mandat et l’opposition dite radicale ou à la sauce pili pili accepteront une reddition pure et simple ?

    Est-ce que les Etats Unis de Trump et l’Union Européenne maintiendront les sanctions contre certaines personnalités du régime de Pierre Nkurunziza et contre le gouvernement du Burundi ?

    Est-ce que les investigations sur les crimes commis au Burundi dans le cadre du troisième mandat de Pierre Nkurunziza, investigations pré-judiciaires menées par la Cour Pénale Internationale et par les Enquêteurs du Haut-Commissariat des Droits Humains se poursuivront ou non ?

    En définitive, cher Léandre, il nous faut faire l’effort de nommer correctement les choses, comme je le disais au début de cette contribution.

    Après la sortie fracassante de M. Mkapa, il est clair que le Burundi s’éloigne inexorablement même du « concept doucereux » de dialogue. Le pays fait un pas de plus vers la radicalisation des positions et donc, malheureusement, peut-on le craindre, vers une guerre civile totale et sans merci comme celle qui ont précédé celle en court.

    En clair, en cette période de Joyeux Noël, M. Mkapa vient de faire au peuple burundais un superbe « cadeau empoisonné ». Merci, Père Noël Tropical !

    Athanase Karayenga

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