Depuis 2005, le Burundi s’est doté d’un certain nombre d’outils dans le souci d’améliorer le contrôle de la gestion de la chose publique, de prévenir et réprimer la corruption et les diverses malversations économiques. L’Inspection Générale de l’Etat en fait partie.
<doc7113|left>L’Inspection Générale de l’État, IGE, a été créée par Décret Présidentiel n° 100/277 du 27 septembre 2006 (qui mettait fin, de facto, à l’existence de l’Inspection Générale des Finances). Elle est placée sous la tutelle du ministre à la présidence chargé de la Bonne Gouvernance, de la Privatisation, de l’Inspection Générale de l’Etat et de l’Administration locale. L’IGE a commencé à fonctionner normalement en 2007 après le recrutement des inspecteurs.
A sa tête se trouve un Inspecteur général, suit un secrétaire exécutif et cinq Inspecteurs principaux de l’Etat avec, à leurs côtés, les inspecteurs de l’Etat et un personnel d’appui. Les inspecteurs principaux se trouvent à la tête de divisions chargées des dépenses publiques, les recettes publiques, des sociétés à participation publique et projet de développement, des affaires institutionnelles, administratives et juridiques et, enfin, de l’encadrement et de la coordination des inspections sectorielles.
Comme l’indique Stany Nimpagaritse, Inspecteur général de l’Etat, l’IGE est un organe de contrôle de l’Etat à compétence nationale, jouissant d’une préséance sur tous les organes de contrôle, d’inspection ou de vérification à caractère administratif. « Elle peut aussi effectuer des contrôles auprès des entreprises et associations privées présentant un caractère stratégique pour l’Etat. La mission de l’Inspection Générale s’exerce également partout où l’intérêt du trésor public est en jeu », souligne M. Nimpagaritse.
Des dossiers sans issue favorable …
Le contrôle est assuré à posteriori. Ainsi, par exemple, indique M. Nimpagaritse, l’IGE vérifie si l’Office burundais des recettes (OBR) travaille d’une manière régulière : « C’est une façon en fait pour cette inspection de s’assurer que les recettes douanières, fiscales et administratives du portefeuille de l’Etat ont été liquidées et recouvrées régulièrement. »
Dans la gestion des affaires relevant de sa mission, l’IGE doit collaborer avec différentes institutions, ainsi que les cours et tribunaux. Selon M. Nimpagaritse, pour des affaires de mauvaise gestion, les infractions de corruption et les infractions connexes, l’IGE constitue les dossiers et les transmet ensuite au parquet général. Il revient ainsi à ce dernier de décider de la suite de ces dossiers, le gouvernement ayant mis en place des institutions habilitées à traiter et à juger jusqu’à la complétion ces dossiers. Il s’agit, plus précisément, de la brigade spéciale anti-corruption, le parquet général près la cour anti-corruption et la cour anti-corruption.
Pour Gabriel Rufyiri, président de l’Observatoire de Lutte contre la Corruption et les Malversations Economiques (Olucome), comme, dans l’ensemble, la justice ne fonctionne pas correctement, les dossiers traités par l’IGE n’ont pas toujours d’issue favorable. Le président de cet observatoire a également indiqué que l’Inspection Générale de l’Etat travaille sur des injonctions du pouvoir.
Un manque de collaboration
Selon M. Rufyiri, pour le dossier « Interpetrol », par exemple, l’IGE sortait des rapports suivant l’orientation donnée par le pouvoir. Il reconnaît néanmoins que parfois l’Inspection réalise des rapports équilibrés et fouillés.
Entre 2007 et juin 2012, l’IGE a déjà produit 336 rapports relatifs à la corruption et à la malversation économique. Ces rapports contiennent également des recommandations visant à améliorer le gestion de la chose publique et à prévenir la corruption.
Mais, une certaine opinion déplore que l’IGE n’ait pas d’emprise sur les dossiers déposés devant les différentes juridictions concernées. En effet, dès que la justice est saisie, l’Inspection n’a plus son mot à dire. Selon une source à l’IGE, les inspecteurs essayent pourtant de connaître l’évolution des dossiers : « Nous ne sommes pas satisfaits de la poursuite des dossiers car très peu aboutissent. On dirait qu’on ne fait pas notre travail et on se fait des ennemis car les coupables continuent à nous narguer en marchant la tête haute », déclare S.M.
Des institutions qui doivent être renforcées
C’est pourquoi il préconise un cadre national de concertation entre tous les corps chargés de lutter contre les malversations économiques, qui se rencontreraient périodiquement pour suivre les dossiers : « Ces corps dépendent de ministères différents et aucun ministre ne peut donner d’ordre à un autre. Quelles que soient nos actions, ça ne sert à rien si on ne travaille pas avec la justice», explique-t-il.
Conscient de la dégradation de l’image du Burundi et surtout de l’impact de cette crise sur l’aide extérieure qui s’élève à la moitié du budget de l’Etat, le président de la République a, certes, pris les rênes du combat, lancé une campagne « tolérance zéro » contre la corruption et conçu une stratégie de bonne gouvernance. Mais cette approche est vouée à l’échec car le problème est mal identifié : au Burundi, à l’heure actuelle, il ne s’agit pas de se doter de la « bonne rhétorique », du « bon dispositif institutionnel » et des « bonnes lois », mais d’inverser des rapports de force défavorables à la promotion de la bonne gouvernance.