Lundi 23 décembre 2024

Opinions

1993 – 2014 : Une forme de lutte politique oubliée

Je voudrais revenir sur la première tentative d’assassinat de Melchior Ndadaye lors d’un meeting organisé à Kamenge par son parti politique le 2 janvier 1993. Par ce biais, je voudrais inviter l’opposition d’aujourd’hui à n’appliquer que des principes pacifiques dans sa lutte politique quelle que puisse être l’adversité.

On pourrait me rétorquer que l’exercice est naïf : Ndadaye et plusieurs de ses compagnons de lutte ont fini par être éliminés et aujourd’hui, des jeunes militants du MSD risquent des condamnations arbitraires et voir leurs vies gâcher…
L’histoire de la lutte politique est loin d’être le cours d’un long fleuve tranquille. Il ne s’agit pas non plus d’une succession d’événements sans liens entre eux ; au contraire, les actes d’hier ont des répercussions sur l’actualité. Ce qui s’est fait dans le respect des lois et des valeurs universelles humaines a sans doute contribué à l’avènement d’un état de droit au Burundi. Tout ce qui s’est fait dans la brutalité, la cruauté même et la gloutonnerie attire inexorablement la nation vers les démons de la division, de l’injustice et de la tyrannie. Les faits que je relate font partie, à mon humble avis, de ces actes de courage et de respect mutuel qui contribuent d’une façon ou d’une autre à inculqué une culture de paix au sein d’une nation…

A Kamenge, les choses étaient organisées selon la loi pour que le parti Sahwanya-Frodebu y tienne un meeting de grande envergure. Bizarrement, la police était totalement absente des lieux contrairement à ce qui était prévu. L’ordre et la sécurité étaient donc assurés uniquement par les services internes du parti. Des éléments perturbateurs armés ont vite été repérés et maitrisés. Ils ont été aussitôt livrés à la police ((Dans son livre, Une Démocratie pour tous les Burundais : de l’Autonomie à Ndadaye, 1956-1993, Vol.I, Paris, L’Harmattan, 1999, pp 246-247, le président Sylvestre Ntibantunganya revient sur ses faits mais malheureusement avec des inexactitudes. ))
Je relate ces faits parce qu’ils ont indubitablement des similitudes avec ce qui s’est passé ce samedi 8 mars 2014 au siège du parti MSD :

  1. Des éléments de la polices se sont introduits armés et illégalement dans la parcelle de la permanence du parti. Hier, des éléments de la police en civile et armés se sont introduits subrepticement dans un lieu de meeting d’un parti politique
  2. Dans la permanence du MSD, les intrus ont été séquestrés avec leurs armes. Hier, les intrus ont été maîtrisés et remis aux services de l’ordre
  3. Les forces de police sont intervenues et ont libéré manu militari leurs camarades. Hier à Kamenge, les forces présentes n’ont pas agi grâce à la vigilance des responsables du parti Sahwanya-Frodebu
  4. Une procédure judiciaire a été déclenchée à la suite des faits. Hier à Kamenge, une enquête a été initiée.

Il y a aussi des différences notoires qui méritent d’être soulignées :

  1. Hier à Kamenge, il s’agissait d’une manifestation organisée en bonne et due forme. A la permanence du MSD, on ne sait pas pourquoi des pancartes hostiles au pouvoir apparaissent. D’autre part, la police traque des membres de ce parti en ville qui ne faisaient que courir en chantant comme le font les Imbonerakure régulièrement en ville comme à la campagne
  2. Hier à Kamenge, les responsables du Frodebu ont tout fait pour coopérer avec les autorités. A la permanence du MSD, il semble que l’attitude est plutôt à la défiance et à la volonté de monnayer l’échange des policiers séquestrés avec la libération immédiate des membres du MSD appréhendés
  3. Hier à Kamenge, l’enquête diligentée est tout aussi vite classée sans suite vue les torts des forces de l’ordre dans l’affaire. Aujourd’hui, un procès contre des membres du MSD est en cours …

A moins d’entrer dans une confrontation brutale, une opposition se doit d’être respectueuse des institutions et de ceux qui les représentent. Le recours aux références légales donne toujours du crédit à son auteur ; on ne résout pas un mal par un autre.
Les cycles de violence s’arrêteront au Burundi le jour où la non-violence et la légalité seront les seules armes utilisées contre l’oppression d’où qu’elle vienne et quel que soit celui qui l’exerce.

Forum des lecteurs d'Iwacu

12 réactions
  1. Mahoro sur Rpa

    Je voudrais ajouter quelques faits ici:
    1. A Kamenge, c’etait un meeting public, ce qui veut dire que tout le monde est sous entendu invite!
    C’est la responsabilite des services de securite publique d’etre present dans ce genre des rencontres.
    2. A la permanance de Msd, c’est une propriete privee. La police devrait prealablement montrer l’autorisation du procureur avant d’y entrer!
    3. A Kamenge, il n’y a pas eu de tirs de fusils ou arrestations!
    Merci

  2. Terimbere

    Trop c’est trop! Je trouve votre article tres nocif! Il a un seul but d’intoxiquer l’opinion afin de transformer un crime commis en une action noble!
    Bien que je vous suis reconnaissant envers le louable travail a la fois educatif et informatif que vous faites sur ce site, je ne peux ne pas reagir face a cette provocation!
    Votre notoire partialite me decoit et ne fait que montrer le genre de respect que vous avez envers les lecteurs de vos articles!
    Les Burundais sont un peuple tranquille mais pas dupe!
    C’est malhonnete de votre part de vouloir comparer ces deux evenements!
    Le Frodebu a une grande dette envers Buyoya ( ashobora kuba yaririshe munyuma, a verifier!)!
    Cet evenement de Kamenge etait a lui seul suffisant pour suspendre les activites du Frodebu, mais Buyoya a completement ignore les recommendations de ses services, et figures-toi, ce n’etait pas ni la premiere fois, ni la derniere fois!
    Qu’est-ce qui s’est passe ce jour-la?
    La tension grandissante qui prevalait suite aux discours incendiaires des leaders du Frodebu ne permettaient pas aux agents de l’ordre ( consideres comme Tutsis) en uniforme de faire convenablement leur travail a Kanmenge! Quand on dit Kamenge, je pense que les moins jeunes comprennent!
    Si vous etes Tutsi, il etait pratiquement suicidaire pour se promener seul a Kamenge le soir cela depuis debut 1993, avant les elections! Meme J-MN seul ne pouvait pas y aller!
    La decision des forces de l’ordre etait normale et professionnelle!
    Mais le fait d’etre battus a mort par la foule devant leurs leaders, cela ne devrait pas passer inapercu!
    C’est cette impunite qui a engendree ce que l’on a vu plus tard!

  3. Vuvuzela

    Sans proner la violence moi aussi, je crois qu’il y a des circonstances qui n’offrent pas d’autres choix en dehors de la violence; malheureusement.

    Les changements en « douceur » sont souhaites, mais ils sont parfois impossibles. D’ou, les missiles sur Sadam et Kadafi, entre autres, les bottes chez Mobutu, les maquisards DD, FNL, coup d’etats ici et la.

    Dommage qu’on soit oblige de recourir a ces atrocites pour reclamer la parole..et les restes du mangement.

  4. gloomy sunday

    none kweli kubaho wumva ko udashaka inabi yabandi, ugatwara ugakora ivyo ubona bikenewe uhejeje ukaja muyindi mirimo ukabisa abokurusha utisize imivumo ya barundi, nibintu bidashoboka?
    none buyoya ntiyakivuyeko ubu ntariho… kuki peter afise ubwoba ko akivuyeko yoca apfa cnk agira izindi ngorane?
    none si ubuzimaa nubundi ahandiho igihe yari mwishamba uwari kukimuha umusi yari gukora iki basi?

  5. CIT

    Mr. Ngendahayo,
    La non-violence est un bon conseil que tout le monde devrait ecouter…Nelson Mandela aussi etait pour la non-violence jusqu’a ce qu’il decouvra la dure realite un jour… En 1972, si les tutsis n »avaient pas oppose une resistance (qui deveindra certainement folle) aux insurges hutus, je me demande ce que aurait apporte cette logique dans ce cas , Rwanda 1959 ou 1994? Si les hutus auraient pu continuer a resister contre les tutsis en 1972, probablement que l’equilibre aurait pu etre maintenu? Si Nyangoma n’avait pas ose resister en 1994, rien ne garantit pas que les choses auraient pu changer! La recompense a Nyangoma par le fdd de Nkurunziza: nukumwangaza!
    La non-violence est une bonne arme, mais que faire devant une police aussi aggressive que arrogante? Fallait-il vraiment tirer sur les jeunes du MSD? Amahoro ntazanwa n’uruhande rumwe gusa, na Havyarimana vyaramunaniye…

  6. karabanyegeye

    Mr PCE tu viens d’écrire des choses très importantes vraiment tes commentaires sont constructives et ne contiennent pas des tendances si jamais la majorités des burundais pensaient comme toi notre pays pourrait avancer vers un développement durable.

  7. Barekebavuge

    Non et non à l’amalgame. L’hypocrisie n’a plus de place en politique. Monsieur ou le prince Ngendahayo n’a pas de position ni de leçon à donner. Il est en éternelle transhumance politique. Je ne minimise pas le rôle qu’il a joué quand Ndadaye était assassiné avec ses proches collaborateurs. Nous l’avons suivi sur les radios étrangères alerter la communauté sur la gravité de la situation et demander une intervention. Cette résistance  » pacifique » n’a pas duré.
    Mais la non-violence qu’il prêche contredit son engagement ferme en faveur de la lutte armée au sein du Cndd-Fdd. Alors qu’il était tout le temps avec NTIBA avant le retour de BUYOYA en 1996, on l’a vu surgir brusquement avec Nkurunziza pour destituer NDAYIKENGURUKIYE en 2001. La suite de son feuilleton est connu. Sa femme Batumubwira a récolté les fruits quand même de ses prestations au CNDD_FDD.

  8. Effet boomerang

    Mr NGENDAHAYO,
    Uti :  »Par ce biais, je voudrais inviter l’opposition d’aujourd’hui à n’appliquer que des principes pacifiques dans sa lutte politique QUELLE QUE PUISSE ETRE L’ADVERSITE »???
    Ndagucire umugani? Uwutaranirwa agaramye avuga ngo ijuru riri kure…

    PCE@ mon ami,
    Reka kumushavurira et moins encore kumusigurira kuko ntaco atazi, arigirisha nk’uwuzi inivo n’ugutwi nyene…Il est nostalgique, specialiste de la transhumance politique, specialiste des analyses tronquees…Avuga igifransa gusa, sans matiere hama ngo ni …Sorry nagira mvuge nabi!!!

  9. PCE

    Monsieur Ngendahayo , je pense que je crois rêver en vous lisant . Je suis , comme vous , attaché à la non violence , je pense , comme vous l’insinuez qu’on peut toujours éviter la confrontation . Maia imaginez un instant que cette violence vienne des pouvoirs publics , ceux qui sont censés nous protéger comme la police ? Que faites vous ? Je souhaiterais vous poser quelques questions .
    1 Pensez vous qu’ il était nécessaire pour la police d’utiliser les armes à feu dans le cas du MSD ? Dans un pays normal , le responsable de la police et le ministre de l’intérieur auraient été obligé de démissionner? L’enlèvement des agents de la police est une erreur j’ en conviens et les responsables doivent en payer le prix mais à aucun moment ils n’ont jamais été maltraités . Ce n’ est pas le cas de ceux qui sont tombés dans les griffes de notre police aussi inculte que mal dirigée .

    2 Justement la police , parlons en . Quelle image avez vous de notre police ? On recrute des gens qui n’ont pour la plupart jamais terminés l’école primaire et on leur confie un fusil , la tendance est forte de l’utiliser n’importe comment. Vous n’avez certainement pas eu cette occasion de naitre à la campagne comme moi , Mr Ngendahayo , tant mieux pour vous , le monde paysan ,je connais bien. Il est extrêment dangereux de confier à quelqu’un qui n’a jamais été à l’école un tel de violence surtout qu’aucune formation préalable n’est organisée à l’intention de nos « policiers » qui viennent en réalité de l’armée . L’armée et la police sont deux philosphies différentes . Enfin passons les détails .
    3 Imaginez Mr Ngendahayo s’il n y avait pas eu de rébellion armée au Burundi et au Rwanda d’ailleurs . On serait resté à la période des coups d’ etat tous les 10 ans environ , Habyalimana du Rwanda serait toujours là pour dire que le « Rwanda est plein  »
    Mr Ngendahayo , je suis foncièrement attaché à la paix car la violence ne résoud rien , seul le dialoque compte mais je suis convaincu qu’ au Burundi le plus violent de tous est le pouvoir qui provoque tout le monde à tour de bras : au sein de l’Uprona, deu FNL de Rwasa , l’existence des imbonerakure , du problème de la Constitution , du détournement des fonds publics alors que le pouvoir assiste , de la corruption de tout l’ appareil judiciaire , de la prise des mesures incensées comme la réforme de la bourse des étudiants etc… Nous sommes dirigés par des incapables , nous ne pouvons pas accepter cette fatalité depuis l’indépendance . Mr Ngendahayo je suis vraiment en colère , pas contre vous car je sais que vous êtes un vrai démocrate et votre article s’inscrit dans un echange d’opinion normal dans une démocratie , je suis en colère contre les pilotes de l’avion qu’ est le burundi, ils ont coupé tous les systèmes de transmission et d’ échange avec le peuple , l’avion va s’ ecraser bientot, et pourtant tous les esprits de bonne volonté comme la communauté internationale crient , pour appeler le Burundi au dialogue, à la modération, à l’équilibre. Rien n y fait : on ferme les yeux et les oreilles . Un politicien , mine de rien , doit être un homme exceptionnel , plein d’humilité, de pardon , de compréhension et de patience ,Ces qualités ont fait faux bond chez certains de nos compatriotes . C’est dommage .

    • KanuraRwaruka

      2015 sera une année spéciale kuburundi! Soit une democratie respectée soit une Tyrannie coupé de tous. Wait and see

    • Tuvugukuri

      @PCE En faite vous avez tout dit!Dire que Ngendahayo ne connait pa la campagne ne veut pa dire qu il ignore les realites de la ba seulemnt abireka abibona.Connaissant ce type je voi directmnt ce qu il veut dire dans son article.Mbega Ngendahayo croiyez vous que compare Burundi de 93 et celui de 2014 ari bimwe?Les temps ne sont pa du tout les mmes et je sai bien k vous n ignorer pa ca!Dire que il faut pa user la violence la alors je sais pa ce ki vous a pousser a rejoindre le cndd fdd quand il etait encore au maquis.Mr Ngendahayo les burundais ne sont dupes et surtout les lecteurs d Iwacu donc votre article aussi penchant n a pas de place!Fallai consulter Nyamitwe ukayishira kuri Nyabusorongo

    • Jean-Marie Ngendahayo

      Cher PCE,

      Ce que je dis c’est qu’il faut user de tous les moyens possibles et imaginables relevant de la non-violence lorsqu’on est dans l’opposition. Tant que le régime que l’on combat peut être considéré comme légitime, malgré ses derives et ses manquements.

      Si on opte pour la violence, c’est que l’on a constaté qu’il n’y a plus de dialogue possible. A ce moment, on va dans le maquis avec tous les risques que ça comporte. Et à ce moment, il s’agit désormais d’un rapport de forces qui n’a plus rien à voir avec le jeu démocratique que nous essayons de vivre aujourd’hui.
      Il ne faut pas rechercher la paix par son contraire. C’est Gandhi qui disait ne pas aimer l’adage disant « oeil pour oeil, dent pour dent! »; bien suivi, on termine avec un pays de borgnes et d’édentés disait-il.

      Fraternellement
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