Une équipe de reporters d’Iwacu rentre de plusieurs jours d’investigation dans le sud du Burundi. Une affaire défraie la chronique. Des policiers, des autorités à la base, des jeunes Imbonerakure sont accusés d’extorsion de fonds et d’assassinats. Les victimes sont des travailleurs saisonniers de retour de la Tanzanie.
Les reporters ont été agréablement surpris : ils ont pu mener leur enquête sans aucune entrave, des autorités les encourageaient ! Ils n’en revenaient pas… Jusqu’ici, mener une telle enquête était risqué. Le 22 octobre 2019, nos collègues Agnès, Christine, Egide et Térence se rendaient à Bubanza, également pour une investigation. Ils ont été arrêtés avant même de commencer leur travail et sont en prison depuis plus de 9 mois.
Cette semaine, à Kayogoro, les reporters d’Iwacu ont pu travailler sans aucune entrave. Quelque chose serait-il en train de changer ? Oui et on ne peut que saluer cette nouvelle attitude des autorités. Un administratif est allé jusqu’à confier aux journalistes : « Erega muriko muradufasha kumenya abo bicanyi »( vous êtes en train de nous aider à identifier ces criminels).
La presse devient enfin un partenaire ! C’est ce que nous avons toujours souhaité… On ne va pas très vite crier victoire, mais les lignes commencent à bouger. Pour la première fois depuis très longtemps, les journalistes d’Iwacu ont pu travailler en paix, sans jouer au chat et à la souris avec les autorités.Un bon signal, une initiative à encourager, à soutenir.
L’enquête qu’Iwacu vient de mener à Kayogoro démontre que quatre policiers et 12 civils dont un chef de zone, ont été arrêtés. Certes, Iwacu n’a pas pu faire toute la lumière, car l’affaire est très complexe, elle implique plusieurs autorités qui pèsent parfois sur l’administration, la police, la Justice. La population était heureuse de parler aux journalistes, de fournir des informations.
Dès la prise de ses fonctions, le nouveau gouvernement a érigé en priorité la lutte contre la corruption et la criminalité. Lors de la retraite gouvernementale à Buye dans la province de Ngozi du 21 au 23 juillet, la même priorité a été recommandée comme une urgence. Sceptiques, de nombreux Burundais disaient que « c’est du déjà entendu, de la bonne rhétorique, de la démagogie politique. » Lorsque les autorités donnent une ligne claire, tout est possible. En bien comme en mal.
Est-ce une nouvelle ère entre la presse et les autorités qui s’est ouverte à Kayogoro ? L’avenir nous le dira. Ce serait une attitude gagnante pour le gouvernement et pour la presse. Laisser travailler sans entrave la presse indépendante est un signe de maturité d’un pouvoir qui veut construire une nation apaisée, démocratique.