La décision prise par le Conseil National de Sécurité de suspendre temporairement des ONGE suscite une vive émotion dans toutes les couches de la population burundaise, et même à l’étranger.
C’est une décision grave, rapide (exécutoire à partir de ce lundi 1er octobre). Elle va avoir des conséquences directes et concrètes sur la vie des gens.
Mais tout d’abord, disons que les autorités, et pas seulement au Burundi, ont un droit de regard sur le fonctionnement des ONGE, là n’est pas la question. Le gouvernement a même le devoir d’exiger les mêmes chances pour tous, un recrutement professionnel non discriminatoire, notamment. Ceci dit, quand on parle de « quotas » ethniques, notamment pour les ONGE, il faut être extrêmement prudent.
D’une part, les quotas prévus par la Constitution sont divers en fonction des corps( 60/40 ou 50/50) mais surtout la Constitution n’évoque ces quotas que pour les corps de l’Etat ( gouvernement, Parlement, etc.). Elle ne mentionne nulle part les ONGE à cet égard. Passons aussi sur le fait que même dans ces corps théoriquement tenus par le respect de ces quotas, il n’est pas toujours respecté. Ce n’est pas le propos ici.
Pour revenir sur cette décision , elle crée une peur compréhensible, car cette suspension va toucher plusieurs pans de la société. C’est le chômage qui guette des dizaines de milliers d’employés, des lendemains incertains pour leurs familles, mais aussi des conséquences dramatiques pour toute la population bénéficiaire des services de ces ONGE.
Faut-il rappeler que plusieurs de ces ONGE sont dans l’humanitaire et viennent en aide à une population dite « vulnérable », (enfants, malades, etc.). D’autres sont dans le développement rural et distribuent semences et autres engrais.
Bref, dans une certaine mesure, ces ONGE pallient aux lacunes de l’Etat.
Il serait intéressant aussi de chiffrer les conséquences économiques de cette suspension. La chaîne des incidences pourrait être longue : ces ONGE apportent des devises (qu’ils doivent d’ailleurs loger à la BRB et tant mieux pour le pays !), elles louent des bureaux, leurs employés font travailler du personnel chez eux, ils s’approvisionnent aux marchés locaux, mangent, boivent, sortent… Leur départ aura des conséquences sur l’activité économique, ce qui risque d’accroître encore la paupérisation.
Un petit mot sur ces quotas « ethniques », un sujet clivant. Le souhait de la non-discrimination et même de la « discrimination positive » pour apporter des correctifs là où ils doivent l’être est louable. Mais cela ne se fait pas en trois mois.
Il faut y aller avec beaucoup d’intelligence et de sagesse pour ne pas réparer une discrimination par une autre ,mais aussi faire en sorte que la compétence reste le critère essentiel.
Les choses ne sont donc pas si simples. Il y a un autre élément qu’il aurait fallu prendre en considération. Suspendre, puis rouvrir endéans quelques mois pose des problèmes administratifs énormes à ces ONGE: il y a un personnel local, des expatriés, des contrats en cours, des locations, des budgets votés, etc. « si nous fermons le 1er octobre, ce n’est pas sûr que nous allons rouvrir en trois mois. C’est très compliqué, notre administration est une grosse machine », me disait un responsable d’une ONGE.
Ce n’est pas une menace. Juste le constat d’un gestionnaire de projet…