Samedi 22 février 2025

Politique

Une crise humanitaire en vue

Une crise humanitaire en vue
Arrivée des réfugiés congolais au poste-frontière de Gatumba

En moins d’une semaine, plus de 30 mille Congolais ont fui la guerre vers le Burundi, selon le gouvernement. Parmi eux, des policiers qui fuient également le champ de bataille. Ils arrivent via le poste-frontière de Gatumba ou en traversant la rivière Rusizi. Dans leurs lieux d’accueil, les conditions de vie sont déplorables. Entretemps, en collaboration avec ses partenaires, Gitega s’organise pour leur venir en aide.

« Depuis le 1er février 2025, on estime à entre 20 mille et 35 mille, le nombre de personnes ayant traversé la rivière Rusizi pour se rendre au Burundi en plus de 5 mille personnes qui sont entrées depuis le poste-frontière de Gatumba dont la majorité des demandeurs d’asile nécessitant une protection internationale », lit-on dans un communiqué du ministère de l’Intérieur, sorti, le mercredi 19 février.

C’était après une réunion des ministres ayant l’intérieur et les relations extérieures dans leurs attributions, le HCR et d’autres partenaires pour la gestion des réfugiés congolais.

Lors de cette réunion, Martin Niteretse, ministre de l’Intérieur a indiqué que jusqu’au 18 février, on avait déjà enregistré 20 mille réfugiés congolais dans la province de Cibitoke et 5 000 autres dans la commune Gihanga. « Aujourd’hui 19 février, on enregistre des policiers congolais en termes de centaines », a-t-il souligné, sans citer le nombre exact. D’après lui, ce flux d’arrivée a particulièrement augmenté à partir du 14 février 2025.

Sur le terrain, le constat est que ces réfugiés arrivent en masse. Et leur chemin d’exil n’est pas facile. A leur arrivée au poste-frontière de Gatumba, ils sont visiblement fatigués. Le trajet a été long, confient quelques-uns de ces réfugiés. Certains arrivent à pied portant des matelas usés, des sacs remplis d’ustensiles de quelques quantités de nourriture comme le riz, haricot, etc. D’autres débarquent sur des motos très surchargées.

Malgré le long voyage, l’entrée sur le sol burundais leur redonne en peu de sourire. « Dieu merci. Maintenant, je suis à l’abri des balles perdues, loin des détonations d’armes. Je peux désormais me reposer et dormir tranquillement », confie une Congolaise, croisée sur place.

Veuve et mère de quatre enfants, elle affirme qu’elle a quitté Bukavu, après l’arrivée des rebelles du M23. Arrivée à Uvira, elle a réalisé que la peur a déjà gagné les esprits. Ainsi, elle a pris la décision de ne pas s’installer -là. « A Uvira, les gens sont très terrifiés. La peur est palpable. Des informations disent que ces rebelles avancent vers là. Et moi, j’ai décidé alors de poursuivre mon chemin d’exil vers le Burundi. Et je pense qu’ici, nous serons en paix », espère-t-elle.

A côté des pertes matérielles, certains réfugiés ont déjà perdu les leurs. Le prénommé Gilbert, sexagénaire est originaire de Kavimvira : « Mes deux fils sont morts dans cette guerre. » Encore sous le choc, visiblement épuisé, ce veuf avoue qu’il n’avait pas d’autres choix que de quitter sa région pour se réfugier au Burundi et sauver sa peau.

D’une voix tremblotante, il déplore qu’il n’ait même pas eu la chance d’inhumer ses enfants : « Ils sont morts à Goma. Et je ne pouvais pas arriver là. C’est triste. » Leur départ lui laisse un vide. En effet, explique-t-il, il vivait de petits métiers comme le lavage des habits. Et les entrées n’étaient pas suffisantes pour le faire vivre. C’est grâce à l’appui financier de ses fils qu’il parvenait à subvenir à ses besoins. « Aujourd’hui, je ne vois plus comment vais-je survivre. » Avant de monter à bord d’un véhicule du HCR, il demande au gouvernement burundais de lui venir en aide.

Immersion dans les lieux d’accueil

Enregistrement au commissariat de police à Gatumba

Après le passage dudit poste, ces nouveaux arrivants sont conduits au commissariat de police de Gatumba. Et là, ils sont identifiés et enregistrés pour plusieurs raisons. « En pareilles circonstances, ces personnes en situation de fuite se présentent en plusieurs catégories. Ainsi, le Burundi a pris la décision de les rassembler d’abord dans les centres d’accueil de Gihanga en province de Bubanza et à Cibitoke pour passer à l’identification en vue de séparer les militaires éventuels des civils, les malades et les bien portants, les femmes enceintes, etc., afin de continuer à les assister séparément », a expliqué M. Martin. C’était le lundi 17 février, lors d’une conférence de presse.

Dans les centres de transit, la situation est difficile. Sur la route nationale (RN5) se trouve le centre de transit de Gihanga. Il est destiné à accueillir les réfugiés burundais qui rentrent au pays. Nous sommes à moins de 1 km du chef-lieu communal de Gihanga. Aujourd’hui, c’est là qu’une partie des Congolais qui fuient leurs pays sont casés en attendant. A l’entrée, plusieurs policiers y sont postés.

Le grand portail s’ouvre pour laisser passer des bus et des camions de la police qui ramènent ces ressortissants congolais de tout âge et de tout genre.

L’entrée ressemble à celle des prisons. En effet, en face des policiers, les proches de ceux qui sont à l’intérieur interpellent à travers une petite entrée les leurs pour qu’ils viennent récupérer quelque chose.

Ce qui n’est pas facile. Car, que ça soit pour y entrer ou sortir, une autorisation est exigée. Plusieurs personnes parlant le kiswahili attendent dehors. Ce sont des Congolais qui viennent chercher les leurs. Ils leur apportent quelque chose à manger comme des pains, des beignets, etc. D’autres leur apportent de l’eau à boire. Une preuve qu’à l’intérieur, la situation est difficile.

Après avoir présenté nos cartes de presse, les policiers nous ont enfin laissé entrer. Il est autour de 14h 30.

L’intérieur est noir de monde : des enfants, des adultes, des femmes, des hommes. Une vraie promiscuité humaine. Certains sont assis même à terre.

Dans différents hangars, on a rangé des matelas à telle sorte que trouver un petit passage devient un vrai parcours d’un combattant. Tout espace est occupé. En petits groupes, quelques-uns sont en train de partager le peu de nourriture. D’autres assistent, s’abritent sous les arbres.

Certains viennent d’y passer des jours tandis que d’autres viennent fraichement de débarquer à bord d’un camion de la police.

C’est le cas de Jeanne Mulonga, originaire d’Uvira. Portant un grand sac sur la tête, elle est suivie de cinq enfants. Dans cette bousculade, ses enfants restent collés sur elle pour ne pas se perdre dans la foule. Un de ses enfants porte un petit matelas usé. La famille se dirige vers un des hangars.

Apparemment épuisée par le chemin de l’exil, elle s’assoit sur ses affaires pour souffler et ses enfants se blottissent contre elle.
Son récit est touchant : « J’ai sept enfants. Mais, voilà, je suis avec cinq seulement. Je ne sais pas où se trouvent mon époux et mes deux autres enfants. Quand il y a eu des tirs, des balles, je suis parti de mon côté, et mon mari de son côté. Je n’ai aucune information sur leur situation actuelle. »

Malgré le désespoir et l’inquiétude qui se lisent sur son visage, elle est soulagée d’avoir pu traverser la frontière et retrouver la sécurité. « Je remercie le Burundi pour nous avoir accueillis. Nous voulons que cette guerre se termine pour retrouver la paix et rentrer chez nous. »

Ils sont nombreux dans le site et courent dans tous les sens. On voit partout dans le site des jeunes, des moins jeunes à côté de leurs parents et des plus âgés. Certains sont allongés sur des matelas neufs distribués par le HCR.

Des étudiants ratent les cours

Dans ce centre de transit, certains se sont retrouvés alors qu’ils ne sont pas réfugiés. C’est le cas des étudiants. « Moi j’étais parti pour les grandes vacances. Et quand j’ai voulu regagner Bujumbura pour poursuivre les cours, je suis arrivé au poste-frontière de Gatumba. Et là, on nous a fait monter dans des camions et ils nous ont amené ici », raconte le prénommé Victoire, un étudiant congolais de l’Université Espoir d’Afrique, natif d’Uvira.

Rencontré sur place, le lundi 17 février, il affirme qu’il habite à Kinama en commune urbaine de Ntahangwa, au nord de Bujumbura. D’après lui, d’autres étudiants ont été arrêtés lors de différentes fouilles de perquisition et se sont retrouvés dans ce centre de transit de Gihanga. « Nous avons tous les documents nécessaires, même des cartes d’étudiants qui nous autorisent de vivre librement à Bujumbura. Nous demandons qu’on nous laisse partir. Que notre ambassade plaide pour nous. Notre souhait est de quitter cet endroit pour aller étudier. D’ailleurs, les cours ont démarré aujourd’hui. »

Le prénommé Raphaël, un autre étudiant congolais raconte : « En fait, quand la guerre a éclaté, précisément à Uvira, on s’est dirigé vers la frontière Gatumba. Nous avons présenté tous les documents, mais on n’a pas mis le cachet. Il y avait des camions de la police. Nous sommes montés à bord. On nous a dit qu’on va nous poser quelques questions et nous laisser poursuivre notre chemin vers Bujumbura une fois que nous présentions tous les documents exigés. Moi, j’en ai au complet, mais on nous a amenés ici. »

Aujourd’hui, il demande aux autorités burundaises de les laisser partir suivre les cours. Car, explique-t-il, les conditions de vie dans ce centre sont difficiles : « Vraiment, la situation n’est pas bonne. Si on n’a pas de l’argent, on ne mange pas. »
D’après lui, le peu de nourriture sur place est mal préparé et insuffisant : « C’est à partir de 18 h qu’on commence à cuisiner. Ce qui prend des heures pour que ce repas soit prêt. C’est autour de 21h, 22h qu’on réveille les gens pour aller manger. Et là, ce sont des bousculades. Moi, j’ai vu une fille qui a failli mourir ce week-end à cause de la faim. »

En attendant de quitter ce centre, il demande au gouvernement et aux bienfaiteurs de leur venir en aide. Il déplore également les conditions dans lesquelles les gens passent la nuit : « Regardez, c’est vraiment déplorable. C’est la promiscuité. Hommes, enfants, et femmes partagent un même hangar. C’est grave. On ne respire pas. »

Il craint une propagation des maladies et des cas de paludisme. « Car, il n’y a pas de moustiquaires pour se protéger. »

Une autre étudiante rencontrée signale qu’elle a été conduite là alors qu’elle était partie à Uvira récupérer son enfant et regagner son quartier de Bujumbura. « Mais, voilà, ils m’ont conduit ici avec mon enfant. C’est injuste. Parce que moi, je vis au Burundi depuis longtemps. Je ne suis pas réfugiée. »

« Pourquoi je suis ici ? »

Une vie en promiscuité au Centre de transit de Gihanga

Parmi les occupants de ce centre de transit de Gihanga, d’autres personnes ne comprennent pas pourquoi elles sont là. La prénommée Christine, la quarantaine, est originaire de Kalemie. « Moi, je suis venue samedi à bord d’un bateau avec mes deux enfants. Ils viennent pour étudier à l’Institut Supérieur de Tanganyika. Ils devaient débuter les cours aujourd’hui. »

En quittant leur ville, elle avoue qu’ils ne savaient pas que la situation se présente ainsi. « Parce qu’à Kalemie, il n’y a pas la guerre. Pour arriver à la douane, côté congolais, nous avons pris une moto. On a mis les cachets sur nos documents. Et tout s’est bien passé. Les choses se sont compliquées quand nous sommes arrivés au poste-frontière de Gatumba. »

De là, on leur a intimé l’ordre de monter à bord d’un véhicule de la police. Destination : un poste de la police : « Là, on nous a interrogés. J’ai donné toutes mes adresses. J’ai dit à celui qui m’interrogeait que j’étais venue accompagner mes garçons parce qu’ils ne connaissent pas Bujumbura. Juste leur montrer là où ils vont étudier et où ils vont loger. J’ai donné l’adresse de mon bailleur, celle de mon chef d’avenue. C’est à Ngagara, quartier II. J’ai même donné son numéro de téléphone. Et on m’a dit d’aller à côté. »

Cette mère affirme qu’elle a même déjà payé le loyer pour ses enfants. D’après son récit, elle avait déjà informé sa famille de Kalemie qu’elle devait rentrer lundi, au bord du même bateau après avoir installé ses enfants.

Elle souligne qu’elle a même déjà demandé de la laisser aller imprimer les dossiers de ses enfants qui se trouvent dans son téléphone, en vain. Et de hausser le ton : « Maintenant je suis ici, mais je ne suis pas réfugiée. Je ne sais pas pourquoi je me retrouve ici, pourquoi on m’a ramené ici. Je ne suis ni réfugiée ni passagère. J’étais venue seulement pour déposer mes enfants dans leurs maisons et rentrer. »

Ainsi, elle demande aux autorités burundaises de la laisser regagner son pays. Elle plaide aussi pour les étudiants qui sont dans cet endroit. « D’après les échanges que j’ai eus avec eux, beaucoup d’étudiants ont laissé leurs maisons ouvertes, d’autres devaient présenter leurs travaux de fin d’études, etc., mais ils se sont retrouvés ici. »

Le comble de malheur, selon elle, on lui a volé les 300 USD qu’elle avait dans son sac à main : « Avec cette promiscuité, ce site ne présage rien de bon. D’abord les vols, et puis des maladies qui risquent de survenir sans parler des viols », raconte une autre femme.
Une autre jeune fille perdue dans ses pensées vit presque la même situation que Christine.
Originaire d’Uvira, elle indique que ses papiers sont en règle. « Mais, on m’a fait monter dans un camion de la police à la frontière de Gatumba sans aucune justification. Quand on m’a fait monter dans le camion, je n’ai pas compris. Je me suis dit qu’il s’agissait d’une simple formalité de routine, mais voilà que je viens de passer deux jours ici. Je n’ai rien comme habit pour me changer et personne ne sait où je suis depuis tout ce temps. »


Cibitoke débordée

En province de Cibitoke, les réfugiés congolais viennent de Kamanyola, Katogota, Ruvungi, Bwegera, Rubirizi, Sange, Kiliba Rwenena, Nyamwoma, Gifurwe et autres. Ils sont rassemblés dans différents endroits : Buganda, stade Rugombo, Ecofo Rukana, Ecofo Rugombo, Ecofo Rusiya, dans les églises, les familles et autres. Ils demandent de l’aide.
A Cibitoke, beaucoup de réfugiés n’ont pas même de tentes pour s’abriter

Janvier Kabesha déplore les conditions d’accueil : « Nous dormons sur des nattes avec les mauvaises odeurs qui viennent des excréments. Les gens se soulagent n’importe où et n’importe comment parce qu’il n’y a pas de toilettes ».

Il fait aussi savoir que leur monnaie a perdu sa valeur par rapport à la monnaie burundaise : « Avant avec 10 000 francs congolais, on pouvait avoir 30 000 BIF ou plus. Mais maintenant, la situation a apparemment changé. Les commerçants d’ici en ont profité pour spéculer parce la Primus est montée jusqu’à 7 000 BIF ainsi que tous les autres produits ».
Venu de Kamanyola, Joseph Yousouf, réclame le rétablissement d’un taux de change du dollar acceptable. Il fait savoir que depuis qu’ils ont débarqué dans le Site de Rugombo, le taux du dollar a subitement changé.

Les réfugiés congolais déplorent les abris de fortune, l’hygiène qui laisse à désirer. « Nous craignons des maladies liées aux mains sales. Les excréments pullulent partout. Nos enfants souffrent beaucoup. Hier par exemple, nous avons enterré quatre enfants à cause de ces conditions de vie insoutenables », témoigne une réfugiée congolaise de Kamanyola.
Ces réfugiés crient haut et fort pour demander l’installation des latrines pour permettre des conditions de vie acceptables : « Les excréments pullulent partout. C’est insupportable. On aimerait avoir au moins des couvertures, des nattes. Nos enfants dorment à même le ciment. Avec le froid, c’est insupportable. »

D’après les témoignages de ces réfugiés, six personnes seraient déjà mortes et beaucoup d’autres seraient alités. Des mamans auraient déjà avorté à cause des conditions de vie peu favorables. « Nous demandons de l’aide », plaident-ils.

Un habitant du quartier plaide pour l’installation des latrines dans ces centres. « Ces réfugiés souffrent, mais nous souffrons avec eux. Ils font leurs besoins en peu partout. Cette situation risque d’engendrer des maladies. »


Le gouvernement et ses partenaires s’organisent

D’abord une reconnaissance. « Conformément à la Loi n°1/25 du 5 novembre 2021 portant réglementation des migrations et compte tenu de l’instabilité persistante à l’est de la RDC et du caractère massif et urgent de ces mouvements de populations, le gouvernement de la République du Burundi reconnaît le statut de réfugiés prima facie à tous les demandeurs d’asile congolais arrivés sur le territoire national depuis le début de l’année 2025 », a déclaré, le mercredi 19 février le ministère ayant l’intérieur dans ses attributions.

Martin Niteretse : « Le gouvernement de la République du Burundi reconnaît le statut de réfugiés prima facie à tous les demandeurs d’asile congolais arrivés sur le territoire national depuis le début de l’année 2025 »

Ainsi, pour y faire face, il a annoncé la mise en place d’une commission chargée de coordonner et superviser les mesures urgentes de sécurité, d’hébergement, d’alimentation et de santé.
Ensuite, elle est chargée de collaborer étroitement avec l’Office national pour la protection des réfugiés et apatrides (ONPRA) et le HCR pour un enregistrement rapide et efficace des réfugiés. « Faciliter la gestion et la mise en œuvre de l’assistance humanitaire avec les partenaires nationaux et internationaux » fait aussi partie de ses missions.

En vue d’une gestion ordonnée de cet afflux, certaines actions sont déjà prévues par le gouvernement. Il s’agit d’abord de la relocalisation de ces réfugiés vers le site de Musenyi en province de Rutana.

D’après le ministère de l’Intérieur, c’est pour garantir leur sécurité et de fournir un environnement adéquat à leur accueil.

De nouveaux sites seront alloués au HCR et à ses partenaires pour y développer de nouveaux centres d’accueil destinés aux réfugiés qui continuent d’arriver.

Pour le bien déroulement de ces actions, le ministère de l’Intérieur charge l’ONPRA en collaboration avec le HCR d’assurer la bonne mise en œuvre de ces activités en veillant particulièrement à la protection des personnes les plus vulnérables.

« Le gouvernement en appelle à la solidarité de la communauté nationale et internationale pour soutenir les efforts déployés dans la prise en charge de ces réfugiés », plaide-t-il.
Il encourage les organisations humanitaires, la société civile, les confessions religieuses et l’ensemble des acteurs impliqués à apporter leur contribution afin de répondre efficacement à cette crise humanitaire.

Aux Burundais, il leur demande de poursuivre l’accueil chaleureux et de toujours manifester leur hospitalité légendaire envers ses frères congolais en quête de refuge.

Néanmoins, il leur demande aussi de rester vigilants et de ne pas prêter une l’oreille aux rumeurs et désinformations diffusées surtout à travers les réseaux sociaux. « Ils n’ont d’autres buts que de perturber la quiétude publique », prévient-il.

La guerre contraint les Burundais à rentrer

A côté des Congolais, des Burundais qui étaient partis chercher du travail en RDC, sont également affectés. Ils sont obligés de rentrer. C’est le cas de Patrick Nzeyimana, 30 ans. Natif de la commune et province de Makamba, sur la colline Mugutu, il vivait de la maçonnerie à Uvira. « En fait, en peu de mots, j’ai vu que beaucoup de Congolais sont en train de fuir vers le Burundi suite à la guerre. On nous dit que c’est le M23 qui a attaqué, que les rebelles ont déjà pris Bukavu et qu’ils comptent progresser même vers Uvira. Voilà pourquoi les gens fuient en masse. »

Les pertes ne manquent pas. Selon ce jeune burundais, beaucoup de vivres venaient du Burundi. « Ce qui signifie qu’il ne sera plus facile aux Congolais de trouver des vivres sur le marché ou dans les boutiques. Beaucoup préfèrent rester cachés dans leurs maisons. De mon côté, je viens de perdre mon travail et de l’argent. Parce que même mon patron a fui vers Kalemie. »

De son côté, Bola Ndayishimiye, une mère de deux enfants vivait de l’agriculteur. Native de la zone Buvyuko, commune et province de Bubanza, elle affirme que son travail lui permettait de gagner de l’argent et de faire vivre ses enfants. « Avec l’éclatement de la guerre, j’ai pris la décision de rentrer chez nous. Et je rentre les mains vides et mes enfants viennent d’arrêter l’école. » Elle demande à l’Etat de l’assister parce qu’elle n’a rien récupéré avant de fuir.


Jean Ndenzako : « L’avenir de l’EAC se jouera en grande partie dans sa capacité à gérer cette crise en RDC. »

L’East african community (EAC) va-t-il tenir ? Nombre d’observateurs se posent cette question ? Qu’en pense l’économiste Jean Ndenzako ?

Quid de l’intégration ?

Les tensions persistantes dans l’est de la République démocratique du Congo menacent de fragiliser les ambitions d’intégration économique de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE). L’adhésion récente de la RDC à la CAE promettait d’ouvrir de nouvelles perspectives économiques pour la région, mais l’instabilité actuelle compromet sérieusement ces espoirs.

Comment ?

La situation sécuritaire précaire dans les provinces orientales congolaises a des répercussions directes sur les échanges commerciaux transfrontaliers. Les corridors commerciaux stratégiques reliant le port de Mombasa aux marchés congolais sont régulièrement perturbés, entraînant des retards coûteux et décourageant les investissements. Les petits commerçants, particulièrement vulnérables, voient leurs activités paralysées par l’insécurité.

Vous parlez de l’insécurité

Au-delà des impacts immédiats sur le commerce, cette instabilité chronique sape la confiance entre les États membres. Les tensions diplomatiques se multiplient au sein de la communauté : non seulement entre la RDC et le Rwanda, mais désormais aussi entre le Burundi et le Rwanda, comme en témoigne la récente fermeture de leur frontière commune par Bujumbura.

Un problème ?

Cette décision unilatérale va à l’encontre même des principes fondamentaux de la CAE sur la libre circulation. Elle illustre la fragilité croissante des relations interrégionales. Les accusations mutuelles de soutien aux groupes armés et d’ingérence dans les affaires intérieures empoisonnent le dialogue et compromettent les projets d’infrastructure communs essentiels à l’intégration économique.

Les réfugiés affluent

La crise humanitaire qui en résulte pèse lourdement sur les ressources des États membres. L’afflux de réfugiés dans les pays voisins exerce une pression supplémentaire sur des économies déjà fragiles, tandis que la fermeture des frontières entre le Burundi et le Rwanda aggrave la situation des populations transfrontalières, perturbant leurs activités économiques quotidiennes et leurs liens familiaux. Les dépenses militaires croissantes détournent des ressources précieuses qui auraient pu être investies dans le développement des infrastructures régionales.

Mais …

Pourtant, paradoxalement, cette crise pourrait aussi servir de catalyseur pour renforcer l’intégration régionale. La nécessité d’une réponse coordonnée aux défis sécuritaires pousse les États membres à approfondir leur coopération. La mise en place d’une force régionale conjointe, malgré ses résultats mitigés, illustre cette dynamique.

L’enjeu pour la CAE est désormais de transformer ces défis en opportunités. Le renforcement des mécanismes de résolution des conflits, l’harmonisation des politiques sécuritaires et le développement de projets économiques inclusifs pourraient contribuer à stabiliser la région. L’intégration économique ne peut réussir sans une paix durable, mais elle peut aussi être un instrument de cette paix.

Croyez-vous à la survie de l’EAC ?

La survie du projet d’intégration est-africaine dépendra de la capacité des États membres à transcender leurs différends pour privilégier leurs intérêts communs. La multiplication des tensions bilatérales, comme l’illustre la fermeture de la frontière burundo-rwandaise, menace de créer un effet domino qui pourrait paralyser l’ensemble du projet communautaire. La RDC, avec ses immenses ressources naturelles et son marché de près de 100 millions d’habitants, reste un atout majeur pour la communauté. Sa stabilisation est donc une condition sine qua non de la réussite du projet régional.

Et la suite ?

Les prochains mois seront décisifs. La communauté internationale, et particulièrement les partenaires traditionnels de la région, devra soutenir les efforts de paix tout en maintenant leur engagement en faveur de l’intégration économique. L’avenir de la CAE se jouera en grande partie dans sa capacité à gérer cette crise tout en poursuivant ses objectifs d’intégration.

M23

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