Vendredi 22 novembre 2024

Société

Un trio pour le leadership féminin

10/03/2019 Commentaires fermés sur Un trio pour le leadership féminin
Un trio pour le leadership féminin
«Ecouter attentivement les aînées, ’’Inararibonye’’»

Elles sont au nombre de trois, la vingtaine. Elles sont de l’association APFB de promotion de la jeune fille burundaise. Après avoir suivi une formation sur vulgarisation du leadership féminin, elles sont aussitôt appelées à développer les modules apprises.

C’est dans le cadre du projet de l’ONG, Search For Common Ground(SFCG), «Soutenir les femmes leaders d’aujourd’hui et de demain pour faire avancer la paix au Burundi.» C’est sur financement du Fonds des Nations Unies pour la Consolidation de la Paix (UNPBF).

C’est devant plus de quarante participants que ces jeunes demoiselles, devenus formatrices pour la première fois, font leur baptême de feu. Elles apprendront à surmonter la peur, à parler à haute voix, à fixer les gens dans les yeux, à être méthodiques, à avoir confiance en soi, à convaincre, à répondre aux questions posées par des personnes souvent plus âgées qu’elles. Leurs parcours sont édifiants.

Témoignages


Bélinda Ndabaneze : «Je me sens investie d’une grande responsabilité»

Je suis étudiante, je fais la psychologie clinique. Je suis membre de l’APFB et je me retrouve parmi les heureuses bénéficiaires de la formation proposée par SFCG.

Basée sur le leadership, la résolution pacifique des conflits, la masculinité positive, le plaidoyer et le réseautage, cette formation m’ouvre les yeux et des opportunités de partager ces connaissances avec des jeunes filles aspirant jouer un rôle dans la communauté comme leader.

Je ne parviens pas à fermer l’œil la veille du jour où je me vois proposée de développer un module devant des gens. J’ai peur, je ne sais pas comment je compte m’y prendre, par quel bout commencer.
Ce qui me fait le plus trembler, c’est le profil des gens à former. Non ce n’est pas le terme, les gens avec qui échanger. Peut-être qu’il y a parmi eux des femmes et des hommes plus âgés que moi, qui sont de la même génération que mes parents avec une expérience avérée.

Pour les participants de mon âge, il n’y a pas de problème, nous parlons le même langage même si nous ne venons pas du même milieu. Vous voyez ce que cela fait dans leurs têtes de voir en face d’eux une jeune fille de la ville comme formatrice ?

C’est sûr, ces gens de l’intérieur du pays ont des idées toutes faites, des stéréotypes. Il revient alors à moi de déconstruire ces préjugés, de prouver le contraire.

Ces gens vont juger ma façon de parler avec cette manie des citadins de mélanger les langues. Je me pose trop de questions, les réponses dans ma tête ne sont pas évidentes, pas convaincantes.
Rien que de me représenter en train de m’adresser aux participants à haute et intelligible voix, me donne une chair de poule, mon cœur commence à battre fort.

Mais je me dis que je dois faire confiance en moi. Bien sûr, les conseils donnés par mes amis me seront d’un grand secours. Ils me disent qu’il est question d’une restitution de la matière vue. Cela donne du courage.

Le fait de me mettre dans la tête que cette occasion de pouvoir aller devant des gens, échanger et partager des connaissances avec eux, est un honneur pour moi, me donne une certaine assurance.
Le premier jour, je n’ose pas fixer les gens dans les yeux. J’ai l’impression que mon regard est fuyant, ce qui n’est pas bien. Au secondaire, un des conseils quand il est question de déclamer un poème étant timide, c’est de regarder au-dessus des têtes.

Belinda : «Il suffit d’un peu de volonté, les hommes peuvent accomplir des tâches traditionnellement réservées aux femmes »

J’hésite à faire recours à cette ruse même si elle me tente. Je me dis que l’assistance ne va rien croire de tout ce que je dis alors que je dois convaincre. Le premier jour passe et le deuxième jour, je change de tactique et je décide d’avoir un air cool et cela réussit.

Je parviens même à retenir par cœur les prénoms de quelques-uns des participants. A la fin de la journée, j’appelle la plupart des participants par leurs prénoms et ils font de même.
Cela crée des liens, de l’amitié. Le courant passe et la matière aussi. Les échanges deviennent animés. Les interventions des uns et des autres prouvent que la matière a été assimilée.

Aujourd’hui, quand je me souviens de ma première journée de formation, je me dis qu’il y a un pas. Comme on dit, c’est le premier pas qui compte. Je me rappelle après une formation, il y a une jeune fille de mon âge qui vient me demander de l’aider pour qu’elle puisse être un jour comme moi et mes collègues.

Le fait qu’elle me considère comme un modèle, me touche et m’interpelle à faire plus. Je me sens investie d’une nouvelle responsabilité.

Il y a également des personnes âgées venus me féliciter et m’encourager après la formation. Quand ils me disent que les modules donnés vont apporter un changement dans leur façon d’être, dans leur manière d’appréhender les problèmes, cela va droit au cœur et me permet d’avoir confiance en moi.

Médiatrice Niyokwizigira : «J’ai appris à dompter ma peur»

C’est la toute première fois de ma vie que je me retrouver en train de parler à plus d’une trentaine de personnes pour le compte de mon association, l’APFB. C’est troublant tous ces jeunes comme moi et ces hommes et ces femmes frôlant la cinquantaine voire plus qui m’écoutent et me regardent en même temps.

Mais aujourd’hui, je peux développer un module préparer et échanger à l’aise avec les participants, … et répondre aux questions. Aux premiers jours, toutes les questions ressemblent à des fléchettes qui me sont lancées, elles me mettent mal à l’aise et je me bats pour que cela ne se voit pas.
Mais au fond de moi, je sens que je suis décontenancée. Auparavant, aller devant des gens et m’adresser à eux ne me pose pas de problème, les difficultés commencent quand ils se mettent à demander la parole pour me poser des questions.

Pour le moment, j’ai surmonté ou dompter ma peur, je réponds aux questions sans difficultés. Mais franchement lors de ma première journée de formation, j’ai le trac, je suis anxieuse, la nuit je ne parviens pas à fermer les yeux, je pense surtout au public qui m’attend, des inconnus.
L’idée de bûcher tout le module et l’apprendre par cœur pour le réciter le lendemain, me traverse l’esprit. Le matin, l’heure venue de me lancer seule devant ce public, je jette tout d’abord un coup d’œil sur la liste des participants. Là je tremble littéralement, la gorge est sèche.

Médy : «Aujourd’hui, je peux affronter n’importe quel groupe»

Le constat augmente ma peur : la plus jeune bénéficiaire de la formation que je m’apprête à dispenser a cinq plus que moi. Là, le doute s’installe. C’est sûr, ils ne vont même pas m’écouter.
Mais je me dis que je dois remplir ma mission sans fausse note. Je prends une bouffée d’air, je chasse ma peur et je me mets à introduire mon module. Les minutes passent et je me rends compte que les participants me suivent attentivement, ils me posent des questions et je tente des réponses et pose des questions.

Au fil du temps, la confiance en moi aidant, je constate que toutes mes appréhensions du début ne sont pas fondées. Le premier jour sera certes difficile mais je réalise que l’âge compte peu, l’essentiel est de bien présenter son module.

Le fait de faire du slam m’aidera beaucoup. Là je déclame mon poème, je parle et l’assistance écoute sans poser de question. Le hic, c’est que pour les modules à développer, il y a des questions fusant de partout et il faut réfléchir vite et donner des réponses.

Diane Kaneza : «Moi, formatrice ? Je rêve ! »

Aujourd’hui, je suis formatrice au sein de l’association APFB, quand je me lance dans cette aventure avec mes deux amies, je comprends vite que la récréation est finie, que je dois savoir comment me tenir devant les gens, comment m’adresser à ces personnes qui ont les yeux braqués sur moi, qui me fixent droit dans les yeux.

Lors de ma toute première formation, j’ai peur, je ne sais pas comment affronter autant de gens, peut-être plus expérimentés moi. Avant tout, la confiance en soi importe beaucoup, ensuite il faut être sûr de sa matière, qu’elle va apporter du changement.

Je me dis qu’il me faut être persuasive, faire bonne impression, il ne faut pas que je tremble, qu’un geste déplacé me trahisse et gâche ma prestation. Il ne faut surtout pas que je me retrouve en train de mélanger les langues comme dans nos conversations habituelles entre amis. Je dois également adopter un ton convaincant et surveiller mon rythme.

Toute leçon doit être bien préparée, c’est ce que je fais, je me mets dans un coin, griffonne quelques mots, échafaude un plan pour bien agencer mes idées pour ne pas me mélanger les pinceaux ou se retrouver hors sujet. Et il ne reste qu’à me lancer, me jeter à l’eau.

Quand je regarde l’assistance, je peux comprendre que je suis dans le bon, que la matière est intéressante, que je captive mon public, sinon il faut changer de tactique, procéder autrement.
Mais pour l’essentiel des modules, il s’agit d’une sorte de recyclage, la plupart des femmes ou des jeunes femmes présentes jouent déjà un rôle reconnu dans leurs communautés et notre intervention permet à ces bénéficiaires d’avoir des outils indispensables pour tout leader, pour tout médiateur soucieux du bien-être de sa communauté.

Diane : «Je me sens utile à ma communauté»

Auparavant, lorsque deux parties en désaccord viennent confier leur problème à ces médiateurs, ces derniers tranchent, prennent même des décisions.

Aujourd’hui, nous leur disons qu’il ne faut pas procéder de la sorte. Il appartient à ces plaignants de proposer des solutions, convenues entre eux. Je sens que j’apporte un changement.
C’est instructif de comparer les résultats du test donné au début d’un tel module et les réponses données aux questions posées à la fin. Les points obtenus sont encourageants.

Et c’est pendant la pause que certains viennent faire quelques confidences affirmant que la matière est allée droit au cœur, qu’elle va apporter une plus valus dans la façon d’appréhender tel problème. Et c’est là que je sens que je suis utile à ma société, je me sens épanouie.

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