Sixte Vigny Nimuraba, président de la Cnidh, a présenté, ce mardi 13 avril devant la chambre basse du Parlement, le rapport d’activités exercice 2020. Des défis restent à relever en matière de protection et de défense des droits de l’Homme.
Devant une centaine de députés réunis à l’hémicycle de Kigobe, Sixte Vigny Nimuraba, président de la Commission nationale indépendante des droits de l’Homme (Cnidh), accompagnés de tous les commissaires, a d’abord rappelé les missions de ladite commission. Il s’agit de la protection et de la défense des droits de l’Homme, la promotion des droits de l’Homme et le rôle consultatif.
S’adressant à ces élus du peuple, M. Nimuraba informe que sa commission a reçu des plaintes et enquêté sur les violations des droits de l’Homme. Ainsi, a-t-il fait savoir, 304 saisines, y compris les auto-saisines, soit 70,1% ont été reçues par la commission.
29% ont été jugées irrecevables en vertu de l’article 44 de la loi portant création de la Cnidh. Et d’ajouter que 60,3% des saisines et auto-saisines ont été clôturés et que 39,4% sont en cours, avant de préciser. « Ces derniers présentent une complicité et font objet de suivi ».
Par ailleurs, poursuit le président de la Cnidh, 186 cachots ont été visités. Il précise que 5.016 personnes ont été entendues. Selon lui, ce plaidoyer a permis la remise en liberté de 604 personnes. Il se réjouit de la réduction des cas de dépassement du délai de garde à vue au cours de l’année 2020.
Le président de la Cnidh a relevé quelques défis. D’emblée, il s’agit des cas d’interférence de la hiérarchie policière ou certaines autorités administratives dans le travail des OPJ dans certains coins du pays. En outre, la Cnidh épingle le retard dans la présentation des détenus devant le juge par les parquets.
Elle constate aussi le retard dans le transfert des détenus sous mandat d’arrêt vers les prisons. Enfin, elle fustige le non renouvellement des ordonnances de prolongation de la détention. Un renouvellement pourtant obligatoire après chaque mois de détention provisoire.
Les prisons ne sont pas en reste
Selon la Cnidh, les conditions de détention laissent à désirer. Elle déplore l’exiguïté des cellules de certains cachots par rapport à l’effectif des détenus.
Elle ne manque pas de dénoncer la détention des personnes dans des containers comme notamment dans la commune de Vyanda en province de Bururi (au sud du Burundi). La Cnidh fait savoir que toutes ces irrégularités ont été soumises aux autorités compétentes en vue d’une solution appropriée.
La Cnidh déplore aussi la surpopulation carcérale. Et pour cause, précise le président de la Cnidh, la lenteur excessive dans l’instruction des dossiers et la non-exécution des jugements rendus par les cours et tribunaux.
En outre, poursuit M. Nimuraba, le taux d’occupation était de 304, 2% au 24 décembre 2020. Selon lui, il s’observe une tendance à la détention prolongée car sur 12761 prisonniers, 5016 étaient en détention préventive. Et de déplorer aussi le non-respect des règles minima dans le traitement des détenus.
D’autres irrégularités sont épinglées par la Cnidh. Selon son président, il y a des personnes qui croupissent encore en prison alors qu’elles ont été acquittées ou ont bénéficié de la liberté provisoire.
Et de dénoncer : « Certaines autorités pénitentiaires sont réticentes à exécuter les mandats d’élargissement envoyés à certains détenus acquittés alors que les mêmes actes judiciaires ont été envoyés à d’autres détenus qui partagent le même dossier ou sont dans les mêmes conditions ».
Ces autorités, fait-il savoir, écrivent aux parquets concernés pour signaler ces irrégularités mais les réponses tardent à venir. La Cnidh plaide pour le désengorgement des prisons. Elle suggère l’application de la peine de travaux d’intérêt général.
Les VSBG documentées
Selon Sixte Vigny Nimuraba, la Cnidh a enregistré 7 saisines liées aux VSBG. La majorité des victimes étant des filles et des femmes. Malgré leur suivi auprès des autorités judiciaires, fait-il observer, des défis persistent pour endiguer ces infractions.
Il évoque le règlement à l’amiable des cas de viols sous l’œil complice des acteurs judiciaires, le silence des victimes ou leurs proches de peur d’être stigmatisées.
M. Nimuraba informe que la Cnidh a insisté sur la prévention et la lutte contre les VBG. « Au mois de septembre 2020, la Cnidh a fourni aux juridictions du ressort de la Cour d’appel de Gitega un appui pour les itinérances judiciaires à Cankuzo et Ruyigi pour vider 4 dossiers en rapport avec les VSBG ».
Réagissant sur le contenu de ce rapport, certains députés sont revenus sur les cas de détenus acquittés mais qui restent en prison. A ce propos, le président de la Cnidh a répondu que la gestion de cette situation va au-delà des compétences de la commission. « Veuillez inviter le ministre chargé de la Justice et le procureur général de la République pour plus d’éclaircissements ».
A propos du récent rapport du Département d’Etat Américain qui parle des violations massives des droits de l’Homme au Burundi, M. Nimuraba indique qu’il est biaisé. « Ceux qui l’ont produit sont mal intentionnés et veulent entraver notre démarche de recouvrer notre statut A ».
Si le président de la Cnidh est convaincu que le rapport du Département d’Etat Américain est biaisé, alors il est plus que temps qu’il prenne des dispositions pour approcher ce Département ou toute autre institution américaine œuvrant dans le monitoring des droits de l’homme, pour bien clarifier et harmoniser les vues de part et d’autre. Si cela n’est pas fait, nous resterons dans des incompréhensions sans fin, malheureusement aux dépens du Burundi.
APPEL Ā COMPASSION DU CNIDH POUR VICTIMES DU GÉNOCIDE HUTU DE 1972 AU BURUNDI
Bujumbura le 13 avril 2021
Dans une lettre adressée hier au CNIDH, le Bureau Exécutif de Coordination Internationale du Collectif des Survivants et victimes du génocide Hutu de 1972 au Burundi, avant et après, demande à cette commission de manifester pour leurs membres la même compassion que celle manifestée pour les détenus dans différents centres pénitentiaires et de bien vouloir prendre en mains, la défense des droits des orphelins et veuves, victimes des violations graves et systématiques des droits de l’homme commises contre les Hutus en 1972, et autres atrocités inhumaines commises avant et après cette date par les trois gouvernements de la « Dynastie des Bahima » issus de la Révolution du 28 Novembre 1966.
Il y a deux ans, lors d’un point de presse animé le mardi 10 décembre 2019 par la CNIDH à l’occasion de la célébration du 71ème anniversaire de la déclaration universelle des droits de l’homme, la commission reconnaissait que le Burundi se devait encore de faire un effort pour que le respect des droits de l’homme soit une réalité.
Dans ce même communiqué, il était clairement exprimé que, des améliorations avaient été faites en matière des droits de l’homme mais, que néanmoins, il restait beaucoup à faire notamment en matière du respect des droits des enfants, environnement et l’intolérance politique. La Commission recommandait alors au gouvernement de redoubler de vigilance en matière de protection des droits de l’homme. Dans l’entretemps le Burundi est resté indexé comme un des pays où les droits l’homme ne sont pas respectés, notamment sur la question des violations graves et systématiques des droits de l’homme commises contre les Hutus en 1972, et autres atrocités inhumaines commises avant et après cette date par les trois gouvernements de la « Dynastie des Bahima »
Faisant référence au mandat de protection et de promotion des Droits de l’Homme au Burundi ainsi que son rôle consultatif auprès des Institutions, à la veille du 106e anniversaire du génocide des Arméniens commis en 1915 et au lendemain de la commémoration du 27e anniversaire du génocide des Tutsis au Rwanda largement médiatisé à l’échelle internationale.
La lettre du Collectif 1972 Inc. a pour objectif de demander au CNIDH de plaidoyer pour ses victimes auprès du gouvernement afin que l’État du Burundi, via ses institutions (Parlement, Senat et Gouvernement), honore son engagement en matière de droits de la personne et, à la lumière des faits susmentionnés dans le Rapport de la CVR du 7 janvier 2021 remis au Parlement réuni en congrès:
1. Qu’ils soient lavés du qualificatif infamant de « Bamenja »
2. Qu’on leur octroi une Journée Nationale de Commémoration pour le souvenir des leurs.
3. Que le génocide qui a emporté leurs parents en 1972 soit reconnu en vertu du droit international;
4. Enfin des réparations en tant que victimes, qui doivent inclure des excuses publiques du gouvernement.