Le 5 septembre, la commission d’enquête pour le Burundi a publié un rapport à Genève. Il dépeint une situation toujours sombre de violations des droits de l’homme. Le numéro un de l’exécutif burundais est mis en cause.
C’est une première. La Commission d’enquête pour le Burundi implique personnellement le président de la République dans des appels à la haine et à la violence. «Ce climat attentatoire aux droits de l’Homme continue à être favorisé par des appels récurrents à la haine et à la violence de la part d’autorités, dont le Chef de l’État, et des membres du CNDD-FDD».
Pour certains observateurs, Doudou Diène, président de cette commission a franchi le Rubicon, même son prédécesseur, Fatsah Ouguergouz n’avait jamais atteint ce cap.
Interrogé sur des passages qui seraient du registre de discours à la haine, le président de cet organe, n’a pas d’emblée voulu donner des exemples concrets. «Nous citons le président, nous avons des références de ces citations dans le rapport, notamment dans le processus qui a mené au référendum sur la Constitution».
Les relations entre Bujumbura et cette commission risquent de s’empirer de plus belle. Elles n’ont jamais été en odeur de sainteté. Bujumbura avait même menacé de poursuivre les membres de cette commission en justice.
Pour M. Diène, le rapport n’est pas un document abstrait, ni poétique, encore moins littéraire. «A part l’identification des violations des droits, le mandat inclut l’identification des responsables.» D’où la question de savoir si le président de la République figure aussi sur la liste des auteurs des violations. La liste reste confidentielle. Elle sera dévoilée si un tribunal garantissant un procès crédible venait à voir le jour.
Créé en 2016, cet organe n’avait dénoncé que les cercles proches du pouvoir et les Imbonerakure comme sources de violations des droits de l’Homme. Par ailleurs, elle ne les a pas épargnés. Ils sont à nouveau épinglés. Le rapport mentionne l’existence d’une structure informelle, le «comité des généraux». Elle décide des orientations en matière de politique et de sécurité. Cette entité regrouperait des poids lourds de l’appareil étatique. C’est notamment le ministre de la Sécurité Publique, l’Administrateur général du SNR, le Chef de cabinet chargé de la police à la présidence et celui à la tête du cabinet civil, ainsi que du Secrétaire général du CNDD-FDD. Ils décideraient du sort des opposants.
« Le Burundi entre dans un tournant décisif »
Quant aux Imbonerakure, la commission estime que l’Exécutif cautionne leurs agissements. «Les actes des Imbonerakure sont attribuables à l’Etat car il leur garantit l’impunité», a affirmé Françoise Hampson, membre de la commission. Elle pointe du doigt la police, les services de renseignements et les Imbonerakure comme étant les principaux auteurs des violations.
Néanmoins, elle souligne qu’il y a moins de témoignages incriminant les Forces de défense nationale. Le président de la commission avertit que le Burundi entre dans un tournant décisif. Avec les élections de 2020 à l’horizon, Doudou Diène met en garde la Communauté internationale. «C’est pendant les processus électoraux que se commettent les plus graves violations des droits de l’Homme. La commission estime que cette période nécessite une plus grande vigilance non seulement dans le monitoring, mais aussi dans la prise des mesures de prévention».
Et d’ajouter que c’est en cela que la continuation du mandat de la commission est fondamentale. Une plaidoirie pour le renouvellement de son mandat qui se termine avec septembre. Le rapport sera présenté en intégralité le 17 septembre devant le Conseil des droits de l’Homme.
Selon un observateur, la portée du rapport reste incertaine. Tout dépend de ce qu’en feront les instances onusiennes. Le risque est grand qu’ainsi mis sur la sellette, Bujumbura devienne plus infléchissable.