Augmenter la productivité, gérer l’eau, multiplier les saisons culturales, … des avantages que présente ce système d’irrigation appelée ’’goutte à goutte’’. Une technique de résilience face aux changements climatiques.
Un aménagement particulier se remarque à Gatika, commune Busiga, province Ngozi. Des champs verdoyants en amont du marais Nyakijimakabere. C’est entre la colline Gatika (Busiga) et Masama de la commune et province Ngozi.
Nous sommes chez Jean-Bosco Nshimirimana, un agriculteur modèle, exploitant une propriété de 8 ha. Il utilise un système d’irrigation dite goutte à goutte. Quatre étangs de 1.000 litres chacun, des tuyaux, des goutteurs y sont installés.
A l’aide d’une pompe aspiro-refoulante, il fait monter l’eau de la rivière Nyakijima. «Cela me permet de faire quatre saisons culturales pour les légumineuses et trois saisons pour les tubercules», confie-t-il. Par jour et selon l’étendue à irriguer, sa pompe consomme 2,5 litres de carburant.
Sa propriété possède des espaces d’expérimentation de semences sélectionnées. Sur 1,5 ha, il s’attend à 25 tonnes de haricot de semences sélectionnées. Il a semé sur cette étendue 110 kg de semences et a utilisé 30 tonnes de fumier d’un coût de 2.500.000 BIF. Côté maïs, la moisson attendue est de 15 tonnes sur 40 kg pour le semi.
Son exploitation est aussi une école. « Ici, j’ai embauché plus de 90 jeunes et je leur donne une formation sur les pratiques agricoles. Après, je leur demande d’aller mettre en pratique chez eux les connaissances apprises».
Ces jeunes expérimentent différentes cultures comme le maïs, les légumineuses, etc. Parmi les critères de sélection, il y a le fait d’avoir aménagé au moins un terrain de 30 ares sur 30 ares, être attaché à l’agriculture et déterminé à poursuivre cette activité chez eux.
Il projette aussi de donner des séances pratiques aux lauréats des écoles techniques et de métiers. «A l’école, ils ne se contentent que de la théorie. Moi, je suis disposé à les aider à faire des séances pratiques ici et gratuitement».
Résultat de la persévérance
Dans sa propriété de 8 ha, louée à 1.200.000 BIF par an, on y trouve également des pommes de terre, des pastèques, des ognons, des aubergines, etc. Il y a aussi aménagé des pépinières d’avocats, de prune de Japon, de maracuja, etc.
Un travail de longue haleine. En effet, c’est en 2016 que Jean-Bosco Nshimirimana, 33 ans, s’est lancé dans cette aventure. Une émission télévisée lui a servi de déclic. « Un jour, je regardais la télévision. J’ai vu comment les Israéliens irriguent leurs champs, et je me suis dit : Pourquoi ne pas les imiter? »
Selon ses dires, il a vu dans ce système un moyen de faire face au déficit pluviométrique et par voie de conséquence combattre la famine. Et de rappeler que dans les années 2008, sa commune a souffert de la disette.
Un combat qui ne lui semblait pas facile vu son niveau d’études : 6ème année primaire. Déterminé, M. Nshimirimana fonce. Il va d’ailleurs participer dans un concours d’idées d’entrepreneuriat lancé par BBIN (Burundi Business Incubator).
Une occasion en or de bénéficier d’une formation sur la préparation d’un plan d’affaires. «Après trois mois, ils nous ont donné 90 mille BIF», confie-t-il.
Parti de zéro pour être un modèle
En attendant la compétition proprement dite, M. Nshimirimana va investir son perdiem dans la fabrication des briques cuites. Et ce, tout en peaufinant son idée de création d’entreprises agricoles.
Pour augmenter son capital, il demande 500 mille BIF auprès de ses amis. Ce qui lui a permis de fabriquer 50 mille briques pour 1 million BIF.
Son courage et sa détermination lui ont valu la sympathie de l’administration. Une commande des briques pour la construction du marché de Rukeco lui est alors faite. Là, il va encaisser 28 millions BIF.
Entretemps, son idée présentée dans la compétition est convaincante. BBIN l’a trouvée innovante. Ainsi, il reçoit un prix de trois millions BIF. Mais Nshimirimana surprend tout le monde quand il propose aux organisateurs de lui donner du matériel à la place de l’argent liquide. La requête est bien accueillie.
Rapidement, le Fonds International pour le développement agricole (FIDA) lui octroie une pompe, quatre tanks, 20 houes et 20 râteaux. Il met également à sa disposition un technicien pour l’installation de ce matériel et la formation sur cette technique d’irrigation.
Pour son entourage, c’est un modèle. «Si on avait 20 jeunes comme lui, notre commune serait un grenier du pays», témoigne Valentin Nitonde, habitant de Busiga. Idem pour Gaston, un autre habitant de cette localité. «Les initiatives de Bosco ont mis fin à certains préjugés. Pour bien faire ou réaliser de grandes œuvres, ça ne demande pas nécessairement de longues études». Jean-Bosco Nshimirimana projette embaucher 300 ouvriers d’ici 2020.
Irrigation goutte à goutte, quid ?
C’est un système basé sur l’irrigation au pied de la plante, goutte par goutte suivant les besoins physiologiques de la plante. Elle permet d’économiser l’eau étant donné que seul le pied de la plante reçoit l’eau.
Son dispositif est composé d’une pompe aspiro-refoulante, un tank situé à une hauteur permettant de créer une pression suffisante pour que l’eau circule dans tout le réseau, un tuyau principal, des goutteurs répartis sur le périmètre irrigable. Chaque goutteur est muni de petits trous laissant passer une goutte au pied du plant.
L’eau est pompée d’une source (rivière, bassin de collecte des eaux pluviales, forage, lac, retenue collinaire……) pour être stockée dans le tank situé sur un support. L’irrigation est faite par gravité à partir d’un tuyau principal qui est raccordé aux goutteurs dont la densité est fonction des écartements spécifiques à chaque culture.
Israël est le pays qui a le plus développé les équipements adaptés aux petits exploitants. Tous les pays ayant un déficit pluviométrique exploitent cette technologie.
L’irrigation goutte à goutte présente plusieurs avantages dont une très bonne économie de l’eau, moins de travaux d’entretien parce que l’eau va uniquement aux plantes et les adventices se développent moins surtout si un paillage est appliqué, possibilité de produire 12 mois sur 12 et l’application de fertilisant à travers le réseau dans l’eau d’irrigation. On parle alors de fertigation.
Source :
Prime Ndikumagenge, chef de la composante » Valorisation des produits agricoles et d’élevage au Programme de développement des filières (PRODEFI)