Le Procureur général de la République promet de corriger toute irrégularité qui s’observera dans la détention des gens. Au sujet de la récente libération de prisonniers, Valentin Bagorikunda nie l’implication de l’Ombudsman burundais et la pression de la communauté internationale.
Qu’est-ce qui vous a motivé votre décision de libérer certains détenus ?
C’est dans le souci de voir si tous les gens aujourd’hui incarcérés, le sont conformément à l’article 71 du Code de procédure pénale (voir encadré). Depuis que je suis à la tête du Parquet général de la République, je me suis fixé l’objectif d’inspecter toutes les prisons ; car je suis convaincu que la politique carcérale doit changer. Sinon, je risque de tomber dans les erreurs de mes prédécesseurs. En outre, j’ai voulu m’inscrire dans la ligne du Président de la République qui ne cesse de nous appeler, nous les acteurs de la justice, à instaurer un Etat de droit. Or, celui-ci n’est pas possible quand des gens sont détenus irrégulièrement.
Mais pour une opinion, la visite de l’Ombudsman à la prison Mpimba y est pour quelque chose…
Que l’Ombudsman s’occupe des questions qui touchent les citoyens, qu’il constate telle ou telle autre irrégularité et qu’il nous fasse un clin d’œil, c’est une bonne chose. Cependant, cette libération rentre dans le cadre de notre travail quotidien. Nous y avons pensé longtemps avant. Même après l’inspection, si l’un ou l’autre intervenant en matière de droits de l’homme constate des lacunes, il est le bienvenu. Et nous prendrons en considération toutes ses remarques. Nous sommes très ouverts aux critiques.
D’autres encore indiquent que vous auriez subi des pressions de la Communauté internationale…
Aucune pression. Seulement, nous remercions la Coopération Technique Belge (CTB) et le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) qui ont beaucoup contribué dans le financement de ce travail combien noble et louable pour notre pays. Grâce à eux, nous avons inspecté les prisons de Mpiba, Bururi et Mirembwe (Rumonge). D’autres prisons vont bientôt suivre.
On n’a pas vu un seul prisonnier politique libéré. Pourquoi ?
Cette appellation nous est totalement étrange au ministère public. Pour emprisonner ou libérer qui que ce soit, nous nous référons purement et simplement aux faits, aux accusations.
Le Conseil National de Sécurité déplore que la plupart des gens qui perturbent la sécurité soient celles libérées par les chambres de conseil. Quelles garanties donnez-vous pour que ceux que vous venez d’élargir ne redeviennent pas des récidivistes ?
Nous n’avons pas de craintes. Les personnes élargies et celles qui le seront- puisque les inspections continuent-, ne constituent pas un danger à l’ordre public. Ce sont des criminels mineurs. Nous leur avons prodigué des conseils avant leur libération. De plus, nous avons instauré un système de contrôle judiciaire : ils se présenteront devant le magistrat-instructeur au moins une fois la semaine. Nous avons aussi demandé à l’administration de les suivre de près. Ils doivent savoir qu’ils ne sont pas acquittés définitivement. S’il y a quelqu’un qui récidive, la loi est claire : nous procéderons à son arrestation. C’est dans leur intérêt de bien se comporter.
Concernant le massacre de Gatumba, le Service National des Renseignements (SNR) dit avoir mené ses enquêtes dont les conclusions incriminent des militants FNL, leur chef Agathon Rwasa et la coalition ADC-Ikibiri. Est-ce que ce n’est pas pour influencer les conclusions de la commission d’enquête que vous avez mise en place ?
La commission est suffisamment indépendante pour être influencée par les dires de qui que ce soit. Par ailleurs, je n’ai pas encore reçu le document que vous évoquez. La commission fera un travail qui sera apprécié. Il n’y a pas lieu de s’inquiéter.
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Que stipule l’article 71 du Code de procédure pénale ?
L’inculpé ne peut pas être mis en détention préventive que s’il existe contre lui des charges suffisantes de culpabilité et que si les faits qui lui sont reprochés paraissent
constituer une infraction que la loi réprime d’une peine d’au moins une année de
servitude pénale.
En outre, la détention préventive ne peut être ordonnée ou maintenue que si elle est l’ unique moyen de satisfaire à l’une au moins des conditions suivantes :
1º) Conserver les preuves et les indices matériels ou empêcher, soit une pression
sur les témoins ou les victimes, soit une concertation frauduleuse entre inculpés,
co-auteurs ou complices ;
2º) Préserver l’ordre public du trouble actuel causé par l’infraction ;
3º) Protéger l’inculpé ;
4º) Mettre fin à l’infraction ou prévenir son renouvellement ;
5º) Garantir le maintien de l’inculpé à la disposition de la justice}.