« Je dis que le bateau prend l’eau de tout côté
Il est temps qu’on essaie de le colmater
Victime ou criminel les deux sont concernés
Et s’il y a un coupable on est tous condamnés »
(Extrait de « Chanson Cri » de Georges Moustaki)
La récente sortie médiatique du nouveau porte-parole du cndd-fdd, Gélase Ndabirabe, dans laquelle il regrette le temps où tout couac dans l’unanimisme prévalant dans les rangs du maquis était sanctionné par la mort a suscité grand bruit dans le landerneau politique. Mais à y regarder de plus près, quoiqu’époustouflante à la fois par son cynisme et sa candeur, elle apporte un éclairage intéressant sur la réalité souvent sombre et cachée du « système » cndd-fdd actuel.
La plume et le sabre
Face à la fronde au sein du parti au pouvoir, le porte-parole recours non à l’histoire de cette formation politique riche d’une idéologie et d’une politique élaborée depuis plus de vingt ans mais à l’expérience de guerre de son aile armée que fut le Front pour la Défense de la Démocratie (FDD). Cette posture psychologique n’est point un hasard, c’est bien parce que les FDD ont pris le dessus sur les intellectuels de ce mouvement. Les valeurs sur lesquelles ils s’appuient pour diriger le pays sont celles du maquis. Or, la logique de gestion d’un mouvement armé, d’une armée ou même d’une police est aux antipodes de celle à laquelle on se réfère pour diriger des civils en paix, une nation en croissance, un pays en développement. C’est à se demander si en réalité, nous ne sommes pas tombés de Charybde en Scylla en nous défaisant de la dictature militaire pour subir aujourd’hui la menace du joug d’anciens maquisards mal dégrossis.
Une justice qui tue
La nostalgie d’une justice expéditive signifie que le leadership actuel, héritier des fdd, considère être en droit de punir quiconque ne pense pas comme lui, n’agit pas comme lui. Il se décrit « vainqueur » face à l’histoire. Et cette victoire, loin de naître d’une négociation, provient à ses yeux de sa lutte armée. Or, nous dit Walter Benjamin :
« (…) quiconque domine est toujours héritier de tous les vainqueurs »
En d’autres termes, nous explique Fidèle Ingiyimbere dans un excellent article sur ce Juif – Allemand mort trop tôt :
« De ce fait, réécrire l’histoire du vainqueur du moment, c’est perpétuer l’éternel retour du même qui n’apporte rien de nouveau.»
Et Gagnebin va plus loin encore à ce propos :
« (…) il s’agit de lutter contre la transformation de la mémoire du passé en une sorte de ressassement éternellement vindicatif, en ce discours interminable du ressentiment dont le premier but n’est pas, sous ses pieuses apparences, la fidélité au passé mais l’infidélité au présent.»
Un consensus moral nécessaire face l’avenir
Ce que René Dumont disait des riches vis-à-vis des pauvres dans son ouvrage « L’Utopie ou la Mort », nous pouvons, mutatis mutandis, le dire à propos des fdd qui veulent nous refuser tout discours alternatif, toute pensée différente voire dissidente. Il s’agit ici du procès de ceux qui refusent aux autres de penser et d’agir, le procès de ceux qui méprisent l’Autre ; le différent qui pourtant est et restera l’alter ego. Le professeur Symphorien Ntibagirwa nous le rappelle brillamment à travers l’analyse de la pensée de De Gruchy :
« La vérité réconciliation est possible dans le seul cas où les différentes parties jadis en conflit parviennent à un consensus moral. C’est-à-dire, quand les oppresseurs et ceux qui ont résisté à l’oppression par les guerres de libération reconnaissent tous qu’ils étaient impliqués dans la violation des valeurs morales et qu’ils sont déterminés à recouvrer l’humain qu’ils avaient perdu. »
Cher JM Ngendahayo,
Je partage entièrement votre analyse. Et si je vous comprends bien, vous faites le constat que le Burundi est dirigé par une clique de seigneurs de guerre camouflés sous le label démocratique. Les intellectuels et démocrates du CNDD-FDD ont été relégués aux seconds rôles (ou tout simplement rayés de la liste).
J’ai toujours salué votre attitude d’autant plus que vous vous êtes éloigné très tôt de ce pouvoir. Pour cela, au moins, vous êtes un homme crédible. Cependant, JMN, la situation d’aujourd’hui résulte d’une descente aux enfers observée depuis la prise du pouvoir DD. Où étaient donc ces intellectuels DD pendant cette longue décennie? Rappelez-vous des premiers signes de corruption apparus depuis le premier mandat, des exécutions extrajudiciaires, de la torture de Kadege et j’en passe… Petit à petit, les criminels au sein de ce parti ont tissé leur toile d’araignée, un piège dans lequel sont tombés bien des burundais, en premier les intellectuels DD. Et comme si cela ne suffisait pas, en plus de la corruption et des crimes innommables, ces intellectuels DD – des gens autrement respectables dans des circonstances normales – ont cautionné le pouvoir dans le démantèlement de la démocratie naissante. Le saccage de l’Uprona et du FNL, la mise sous tutelle de la justice, la mise sur pied des commissions destructrices de la cohésion sociale comme la CNTB… Comme s’ils tuaient Ndadaye pour la énième fois.
J’aime bien des gens comme Onésime Nduwimana, un homme très calme qui use d’un langage intelligent et modéré même si je ne partage pas ses idées. J’aime peut-être moins le langage dur et longtemps partisan de Festus Ntanyungu mais là aussi je respecte ses idées. J’en conviens, il vaut mieux tard que jamais. Et comme on dit, l’important n’est pas de tomber mais de se relever : ils viennent de montrer qu’ils sont capables de dire non à la clique des généraux Mais ces hommes et leurs amis étaient là pendant ce long règne digne d’une république bananière. Et le Burundi aurait gagné si ces gens avaient osé parler depuis longtemps! C’est ça le drame des intellectuels burundais : cupides, opportunistes, individualistes, mesquins… Plus un relent ethnique et régionaliste heureusement dilué que les fous du régime tentent cependant de ressusciter.
J’en arrive donc à la conclusion suivante : si nous sommes dirigés par les cancres, les derniers de la classe comme le dit bien mon ami PCE, les intellectuels, surtout ceux du CNDD-FDD, n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes d’abord. Nous avons, à quelques reprises, répété le célèbre poème de Martin Niemöller mais les fanatiques du régime sur ce site nous riaient au nez. Aujourd’hui, plusieurs n’osent plus écrire. Personnellement, je m’abstiens souvent de commenter : à quoi bon? Nous avons eu malheureusement raison. Ainsi, que la situation actuelle nous serve tous de leçon pour l’avenir : jamais un Homme libre et intelligent ne devrait cautionner la solidarité négative et encore moins accepter l’asservissement de qui que ce soit.
Pour le fun, voici le poème (tiré de Wikipédia):
« Lorsque les nazis sont venus chercher les communistes,
je n’ai rien dit,
je n’étais pas communiste.
Lorsqu’ils ont enfermé les sociaux-démocrates,
je n’ai rien dit,
je n’étais pas social-démocrate.
Lorsqu’ils sont venus chercher les syndicalistes,
je n’ai rien dit,
je n’étais pas syndicaliste.
Lorsqu’ils sont venus me chercher,
il ne restait plus personne
pour protester. »
Cordialement
JP-K
Cher JPK,
L’important n’est pas que certains aient eu raison avant d’autres. Que certains soient plus courageux que d’autres. Méfions-nous de tout et de tous à commencer par nous-mêmes. Le plus important est de tirer les conclusions qui s’imposent face aux événements que le pays vit. Et, à mon humble avis, la première leçon c’est celle que le president Barack Obama préconise: « L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais d’institutions fortes ».
Vous le dites bien vous-mêmes: « (…) des gens autrement responsables dans des circonstances normales ».
Fraternellement
Selon le World happiness Report (rapport mondial sur le bonheur) 2015, le Burundi se place avant dernier du classement de 158 pays dans le monde qui ont compilé les données nécessaires à l’analyse.
Le CNDD-FDD nous fait en effet regretter les régimes militaires de Bagaza et Buyoya à l’exception de celui de Micombero, ce dernier est quand même un cas à part . La situation du Burundi est en effet extrêmement préoccupante . Lorsqu’on voit ce que certains membres du CNDD-FDD comme Mr Ndabirabe et Burikukiye ( respectivement porte parole et vice président du parti au pouvoir) on comprend que ces gens se croient toujours dans la Kibira entrain de combattre l’armée nationale, c’ est très grave et tous les patriotes devraient leur barrer la route . En fait ce parti politique est comparable à une classe d’élèves , il y a une énorme différence entre le premier de la classe et le dernier du classement en termes de résultats scolaires . Ndabirabe et Burikukiye sont les derniers de la classe . Et lorsqu’un parti politique se laisse diriger par les derniers de la classe , c’est grave . Ce parti ne survivra pas à cette crise , il disparaitra ou les derniers de la classe le quitteront et seulement sous cette condition il survivra . L’exemple de l’UPRONA est là pour nous le prouver , dans sa structure actuelle ce parti ne survivra pas longtemps.
Cher PCE,
Je ne sais pas si ce que vous exprimez est un souhait ou un constat. Dans le cas où il s’agirait d’un voeux de votre part, je dirais que je ne partage pas votre observation. Il ne faut pas souhaiter la fin du Cndd-fdd ou celle d’un parti quelconque; il me semble plus constructif de lui souhaiter un renouveau démocratique et qu’il soit dirigé par des femmes et des hommes qui comprennent les valeurs suivantes: 1. en démocratie, la violence est à abolir; 2. en démocratie, on respecte les lois et on n’impose rien ; 3. en démocratie, on privilégie le dialogue, surtout avec ses adversaires politiques; 4. en démocratie, on travaille et on s’abstient à corrompre, menacer et/ou piller les biens de l’état et des citoyens!
Ces conditions remplies, nous pouvons vivre avec tous les partis.
Fraternellement
Oups! « On s’abstient de corrompre ».