Plus de 200 réfugiés burundais en Tanzanie ont été rapatriés depuis la frontière de Makamba, mardi 11 février. Une bonne nouvelle, à leur arrivée : la somme du paquet retour a doublé, depuis cette année.
C’est aux environs de 14h que quatre grands bus débarquent sur la frontière Mugina de la province Makamba. 132 ménages burundais, soit 233 réfugiés dans les trois camps tanzaniens Nduta, Mutenderi et Nyarugusu, rentrent.
Dès que les bus s’arrêtent, impossible de se retenir. Certains rapatriés se précipitent, certains passant par les fenêtres, pour acheter des fruits qui sont étalés tout autour. La route a été longue. Tous les visages sont abattus.
Tous ces rapatriés seront accueillis au centre de transit Gitara, commune Mugina, à 4 km de la frontière. Le protocole est bien en place. Chaque rapatrié doit se laver les mains avant de s’installer dans la salle.
Une information importante les attend : ils ne vont plus recevoir de l’argent liquide comme paquet retour. Plutôt un téléphone par ménage, une carte sim Lumitel et de l’argent électronique Lumicash de 140 mille BIF pour chaque
majeur et 70 mille BIF pour chaque mineur.
Une bonne gestion de cet argent, éviter le vol et le gaspillage de la monnaie liquide sont, entre autres, les avantages de ce nouveau système, d’après le Haut-commissariat pour les réfugiés (HCR). « Même si le téléphone est perdu, le concerné ne va pas perdre son argent. Il aura un compte Lumicash avec son code personnel grâce auquel il récupérera l’argent chez un agent de Lumicash », explique l’expert en Cash based intervention (monétisation de l’assistance) au HCR.
Auparavant, la somme était de 40 USD (70 mille BIF) pour les adultes et 20 USD pour les enfants (35 mille BIF).
Et comme à l’accoutumée, ils recevront, pour une période de 3 mois, des vivres et non vivres constitués de farine de maïs, haricot, huile, sel, sceaux, couvertures, nattes, pagnes et serviettes hygiéniques.
Un exil, une aventure…bonne ou mauvaise
Jacques, 19 ans, retient l’attention. Un peu isolé, il semble désespéré. Ce jeune homme a quitté son village natal dans la commune Cendajuru, province Cankuzo en 2015. Il ne savait pas où il allait ni pourquoi. « Je n’ai fait que suivre ma mère».
Aujourd’hui, Jacques est rentré seul. Sa mère est morte au camp. Il ne sait pas à quel saint se vouer. Il n’a pas de famille. « Je ne sais pas comment je vais vivre», confie Jacques, larmes aux yeux. Retourner à l’école ne l’intéresse guère. Avec les 140 mille qu’il va recevoir comme paquet retour, il désire gagner sa vie en cultivant.
Quant à Innocent, la trentaine, l’exil lui a offert une famille. Il a épousé une jeune burundaise au camp et de leur union, deux enfants. Mais il est rentré seul. « Je viens construire une maison pour ma petite famille. Elle viendra dans un autre tour».
Ce jeune homme indique qu’il a fui en avril 2015 un peu avant le début des manifestations. Témoin de la crise de 1993 où il a perdu toute sa famille, cet originaire de la commune Bugendana, province Gitega, confie qu’il n’a pas pu supporter la peur qui régnait au pays à cette époque, un peu avant l’annonce de la candidature du président Nkurunziza.
Pour un autre père de famille, plus ou moins aisé, qui vient de rentrer, c’est un espoir déçu. Il a emmené toute sa famille dans le camp espérant une réinstallation en Europe ou en Australie. « Mais je n’en peux plus avec la vie en exil».
Un rapatriement « au bon moment »
« Vous rentrez au bon moment, à la veille des élections », lance le Directeur Général du rapatriement, Nestor Bimenyimana, à l’endroit des rapatriés. « Vous voyez que la paix et la sécurité sont totales. « La récolte est bonne. La population mange à sa faim. Dites aux autres de rentrer. Ils n’ont plus de prétexte pour fuir. Vous avez appris que le président Nkurunziza n’est pas candidat aux élections».
Dans ce message, ce DG invite les rapatriés à ne pas se discriminer, à rejoindre les comités mixtes de sécurité.
Le 2e jour au centre de transit sera consacré à la distribution de téléphones aux rapatriés et à la création des comptes Lumicash par quelques agents de la société Lumitel.
Le chef de bureau du HCR à Makamba, Philippe Bambara, indique qu’il n’y a pas de chiffre précis de rapatriement prévu pour cette année, contrairement aux années précédentes. « Tant qu’il y aura des réfugiés qui s’enregistrent volontairement, l’opération se fera». D’après lui, il est difficile de planifier, pour le moment, tous ceux qui se sont inscrits ayant été rapatriés. « Nous attendons d’autres inscriptions».
Le principal défi qu’il relève, lors du rapatriement, est un grand retard d’arrivée du convoi. Cela se répercute sur tout le processus. Les rapatriés doivent passer au maximum 48h dans le centre de transit. « Nous sommes obligés de demander un délai supplémentaire, ce qui n’est pas toujours évident».
Bambara fait savoir que sous peu les rapatriés seront assistés en monnaie uniquement. « Pour éviter le stress de transport des vivres jusque dans leurs ménages et laisser le choix aux rapatriés d’utiliser l’argent selon leurs besoins».
Plus de la moitié de ces rapatriés proviennent de la province Ruyigi. Plusieurs autres de Makamba et Cankuzo.
Signalons que le premier convoi de rapatriés, pour cette année, est arrivé le 6 février avec 319 personnes à bord. Au total, 552 rapatriés jusqu’à ce jour.