Depuis le début de l’année, le ministre de l’Intérieur Edouard Nduwimana multiplie les bourdes, à l’oral comme à l’écrit. Sa dernière déclaration sur l’incendie du marché central laisse perplexe et suscite des interrogations quant à ses motivations.
Quand l’actuel ministre de l’Intérieur a été reconduit en 2010, Chevineau Mugwezo avait déclaré que la présence d’Edouard Nduwimana à l’Intérieur est une catastrophe : "Cela signifie qu’il n’y aura pas de dialogue car c’est un homme qui s’est illustré par des pratiques visant à diviser et à casser les partis d’opposition et la société civile". Cette crainte de l’ADC-Ikibiri était politique, mais elle risque de se généraliser puisque le ministre semble avoir sauté un pas.
Sans être exhaustif, nous pouvons relever quelques égarements de M. Nduwimana dont la gravité est allée crescendo. D’abord M. Ndikumana invite les leaders des partis politiques et leurs membres à participer aux travaux communautaires habillés des couleurs de leurs partis. Une sortie qui avait alors confirmé les craintes de l’opposition : « ces travaux sont une campagne continue du Cndd-Fdd. »
Changeant son fusil d’épaule, le ministre Nduwimana a alors visé la société civile. Dans une correspondance adressée aux représentants légaux des associations sans but lucratif (Asbl), Edouard Nduwimana les informe que, à partir du mois de mars 2013, son ministère va mener une vérification administrative et financière concernant leurs fonctionnements. « Nous ne serons là que pour vérifier le respect de la bonne gouvernance que vous prônez à longueur de journées », lance Edouard Nduwimana.
Les organisations de la société civile protestent. L’inspection financière envisagée par le ministre de l’Intérieur n’a ni base légale, ni juridique. Ils jurent que les délégués du ministère n’auront pas accès aux documents. M. Nduwimana n’en démord pas: qu’elles le veuillent ou non, le gouvernement injectera des fonds pour les soutenir dans les caisses du projet dit ‘Oscar’. A la question de savoir où se trouve cet argent, il conclut d’un crochet assassin: « A moins que vous ne sachiez pas comment procéder pour avoir cet argent. »
Des bourdes de plus en plus inquiétantes …
Deux semaines auparavant, le même ministre avait reconnu Emmanuel Miburo, « successeur » d’Agathon Rwasa à la tête des FNL, comme chef de l’opposition extraparlementaire. Ce fut un coup de poignard dans le dos de la coalition ADC-Ikibiri qui estimait que c’était à l’opposition de choisir son chef.
Infatigable, le ministre de l’Intérieur se tourne ensuite vers les journalistes, en se déclarant contre les manifestations hebdomadaires des journalistes en soutien à Hassan Ruvakuki. Edouard Nduwimana affirme que cette marche est contre la loi puisque lorsqu’une réclamation est émise, on doit attendre la réponse et ne pas le faire tous les jours. En s’étonnant du fait que les autres organisations de la société civile se sont jointes aux journalistes, M. Nduwimana estime qu’un bras de fer est entamé et qu’un tel défi ne peut pas être toléré. Pour le ministre donc, la manifestation était illégale, mais sa dispersion dans la violence était légale.
Insatiable, le patron de l’Intérieur cherche d’autres victimes et Gabriel Rufyiri se retrouve dans son viseur. Dans une correspondance adressée au président de l’Olucome, il l’accuse d’être allé au-delà de la mission de son organisation, en se faisant le protecteur des marchands ambulants, en allant même jusqu’à défendre des déficients mentaux. Dans la foulée, il demande aux organisations de la société civile de se dissocier de la politique dans leurs activités. Pour lui, l’immixtion de ses organisations dans la politique peut causer des problèmes lors des élections de 2015.
La goutte qui fait déborder le vase …
Mais le pire reste à venir. Devant l’Assemblée Nationale, lors d’une séance de questions orales, Edouard Nduwimana porte l’estocade : « « Pour ceux qui croient en Dieu, la chance peut naître des entraves qui vous ligotent. Peut -être que Dieu veut que l’on ait un marché de qualité dans le pays. » Pour le ministre de l’Intérieur, l’incendie du marché central est d’origine divine ! Par conséquent, tous les marchés qui ont été brûlés l’ont été par la volonté divine, à en croire cette déclaration. On se souvient ainsi des marchés de Kamenge, Kayanza, Ngozi (2 fois), Mabanda, Kayogoro, Gitega, Jabe et récemment celui de Gisozi.
Edouard Nduwimana avait pris l’habitude de s’attaquer à l’opposition et à la société civile, et même aux journalistes, qu’il considère comme des ennemis de ses patrons au Cndd-Fdd et dans le gouvernement. Connu pour son opportunisme, et prêt à tout pour satisfaire ses chefs, son acharnement contre l’opposition et les organisations de la société civile avaient fini par paraître normal et de bonne guerre. Mais en déclarant que l’incendie du marché était d’origine divine, il a tourné le couteau dans la plaie de plusieurs Burundais, avec un cynisme qui renforce le doute quant à ses motivations. Ses patrons dans le parti au pouvoir sont pourtant réputés pour leur « piété », mais aucun n’avait pourtant osé trouver une cause divine à cet incendie.
Un ministre qui ne fait pas l’unanimité, même dans son camp…
Pour Léonce Ngendakumana de l’ADC-Ikibiri, Edouard Nduwimana représente une entrave au processus démocratique pluraliste au Burundi et c’est pour cette raison qu’il devrait être remplacé par quelqu’un capable d’être au-dessus de la mêlée. Manassé Nzobonimpa, ancien dignitaire exclu du parti au pouvoir, et un de ses premiers combattants, considère que c’est le ministre Nduwimana qui favorise l’exclusion illégale des membres dans les partis. Pour lui, les profanes en politique pensent qu’il fait du bien alors qu’il est en train de déstabiliser le parti Cndd-Fdd afin que ceux qui l’ont mandaté disent que ce parti n’est plus capable d’assurer les affaires du pays.
En effet, les actions menées par Edouard Nduwimana indisposent un grand nombre de « Bagumyabanga » qui considèrent que ses coups bas affectent beaucoup plus le Cndd-Fdd que l’opposition. D’autres, qui ont commencé avec le parti dans le maquis, sont indignés par l’arrogance de ce militant de la dernière heure et considèrent que ses différentes positions fracassantes ne profitent pas au partie de l’aigle, au contraire.
Edouard Nduwimana, l’homme des intrigues
Alors qu’il est à l’université, l’équipe de football de sa faculté (Droit) devait croiser le fer avec celle de la faculté des sciences économiques. Alors que le match approche, la 1ère estime qu’elle n’est pas bien préparée. L’on raconte ainsi qu’Edouard Nduwimana se chargera de l’annuler, mais pas officiellement. Il passe d’un étudiant à l’autre pour annoncer que son camp sera empêché parce qu’il se prépare à une évaluation qui n’est pas des plus ordinaires. Pris dans le piège, l’adversaire du jour ne se présente pas au campus Kiriri où le match devait avoir lieu. L’équipe du ministre Nduwimana s’y rend en catimini et attend 15 minutes. Vu l’absence de l’adversaire, l’arbitre fut contraint de siffler un forfait.
Durant son époque universitaire, on ne peut lui reprocher d’avoir versé dans les clivages ethniques, même au pire moment de la crise de 1994. Néanmoins, à Bururi, certains gardent l’idée d’un Edouard Nduwimana régionaliste. Celui-ci aurait déclaré, quand il y travaillait, que les pires moments de sa vie, ce sont les jours qu’il a passés à Bururi.
D’autres accuseront cet ancien gouverneur de Kayanza, sa province natale, d’abuser de son pouvoir pour faire mal. Lorsqu’il était procureur de la République à Kirundo, racontent-ils, il aurait tenté d’emprisonner l’un de ses substituts. Motif : celui-ci aurait entériné la libération d’un militant des FNL emprisonné injustement. Toutefois, le substitut y échappera de justesse et sera muté ailleurs.
Au Cndd-Fdd, il est apprécié parce qu’il sert les intérêts du pouvoir : « Il est le seul à maîtriser la société civile à prédominance tutsi et l’opposition politique. » Cette dernière ne doute plus, Edouard Nduwimana est un spécialiste de la Nyakurisation. « Il a juré que sous son règne, tous les partis politiques et associations de la société civile souffriraient de divisions internes, y compris son parti le Cndd-Fdd », lance I.L.
Cependant, d’autres sources le trouvent généreux et reconnaissant : « Il ne se méfie pas des gens, même des inconnus. » Bref, Edouard Nduwimana passerait partout et n’est pas rancunier : « C’est un Je-m’en-foutiste.»
Edouard Nduwimana a dépassé les limites