Une allocation unique de fin de mandat de 1 milliard de BIF, la construction d’une villa et d’autres privilèges, tels sont les avantages contenus dans le Projet de loi portant modification de la loi n°1/20 du 09 décembre 2004 portant statut du Chef d’Etat à l’expiration de ses fonctions.
Présenté ce mardi 21 janvier à l’hémicycle de Kigobe par la ministre de la Justice Aimée-Laurentine Kanyana, ce projet a été voté par l’Assemblée nationale.
Sur 102 députés présents, 100 l’ont approuvé après 22 amendements et plusieurs questions. C’est la Commission permanente ’’Défense et Sécurité’’, qui s’est chargée de l’analyse de ce projet.
Tel qu’il le stipule, ces avantages ne concernent que les chefs d’Etat qui ont accédé au pouvoir par la voie des urnes. Il s’agit alors de l’actuel président de la République et la famille de feu Melchior Ndadaye.
Pour Pascal Nyabenda, président de l’Assemblée, une telle loi dans nos pays africains est une sorte de garantie, une assurance pour les chefs d’Etat en fin de mandat quant à leur avenir. «Ils n’auront pas tendance à s’accrocher au pouvoir parce qu’il n’y aura pas de quoi s’inquiéter, à se faire des soucis quand leurs mandats arriveront à terme».
Au moment où certains parlementaires semblaient dire que la somme de 500 millions de francs d’allocation unique proposés dans le projet de loi était excessive au vu de l’économie du pays, d’autres n’ont pas hésité à demander que ce montant soit multiplié par deux.
«Franchement 500 millions de francs avec la situation actuelle, c’est peu par rapport au train de vie d’un ancien chef d’Etat, nous devons doubler cette somme », a plaidé le député Aloys Ntakarutimana.
«Mais 500 millions de francs, c’est le budget annuel d’une commune avec le financement des différentes initiatives garanti », a rétorqué le député Pamphile Malayika.
D’après le président de l’Assemblée nationale, il ne fallait même pas commencer à tergiverser ou à se poser des questions sur le bien-fondé de cette loi.
«Ce n’est pas de l’argent que l’on va prendre de vos poches »
«Les choses vont changer. Chaque fois que le ministre des Finances vient à l’hémicycle, c’est pour nous parler de la politique d’austérité, elle ne sera pas toujours là. Tout ne sera pas toujours noir, il ne faut pas alors que nous soyons avares. Ce n’est pas de l’argent que l’on va prendre de vos poches, c’est l’argent du pays. Ce ne sont que des avantages dignes pour celui que s’est sacrifié jour et nuit pour l’intérêt du pays», a-t-il argumenté.
Des voix se sont élevées pour réclament des avantages pour d’autres anciens chefs d’Etat comme le député Aloys Ntakarutimana. Selon lui, il faudrait voir aussi quelques privilèges pour les anciens chefs d’Etat qui ne seraient pas poursuivis pour des crimes commis pendant l’exercice de leur fonction.
«Il y en a qui ont fait des coups d’Etat mais qui ont développé le pays et c’était l’unique mode d’accession au pouvoir, il y en a d’autres qui ont accédé au pouvoir après un consensus parce qu’il était difficile d’organiser des élections », a fait remarquer le député Bernard Ndayisenga. «Ces derniers ne peuvent pas être victimes de leur époque », a fait savoir le député Simon Bizimungu. Malgré leur insistance, leurs arguments n’ont pas pesé.
Pour la ministre Kanyana envoyée au l’hémicycle de Kigobe pour présenter ce projet de loi, une villa et un milliard de francs, c’est normal. «Ailleurs, les anciens chefs d’Etat ont beaucoup d’avantages, c’est plus que cela mais au Burundi nous devons faire avec les modestes moyens dont dispose notre pays surtout qu’il s’agit d’un président humble.
«Franchement ces avantages ne peuvent pas le rendre riche, c’est une question d’honneur pour celui qui a mené le pays à bon port», a-t-elle souligné.
A côté d’une villa haut-standing et d’un milliard de francs,…
Le projet de loi voté précise que pendant les 7 premières années qui suivent la fin de l’exercice de ses fonctions, un ancien chef d’Etat va bénéficier d’une pension mensuelle égale aux émoluments d’un vice-président.
Après l’expiration des 7 premières années, il va bénéficier pour le reste de sa vie, s’il n’exerce pas une fonction publique, d’une pension mensuelle égale aux indemnités accordées à un parlementaire.
Il va également bénéficier d’une intendance équivalente d’un tiers de celle accordée au premier ministre. Toutefois, pour un ancien chef d’Etat élu au suffrage universel direct, en plus d’une pension mensuelle, il aura une intendance équivalente à celle d’un vice-président.
Ce n’est pas tout comme avantage : pendant les 7 premières années qui suivent la cessation effective de ses fonctions, l’Etat met gratuitement à la disposition d’un ancien chef d’Etat un service de sécurité et un charroi de 6 véhicules.
En cas de décès, l’Etat va continuer à subvenir aux besoins de son conjoint survivant et de ses enfants à hauteur de 2/3 du montant de la pension qui serait accordée au défunt.
L’Olucome s’indigne
Au lendemain du vote du projet de loi à l’Assemblée nationale accordant une somme d’avantages aux chefs d’Etat élus après leur exercice du pouvoir, Gabriel Rufyiri, président de l’Observatoire de lutte contre la corruption et les malversations économiques, dénonce ce qu’il appelle une ’’élite politique déconnectée du peuple’’.
«Nous n’avons jamais été contre des avantages dus aux présidents qui ne sont plus en fonction mais avons toujours demandé que les montants engagés dans cette optique soient proportionnels au niveau économique du pays », déclare le chantre de l’anti-corruption.
Gabriel Rufyiri pointe du doigt « une volonté égoïste de nos présumés bergers qui ne se mettent pas à la place des citoyens burundais qui croupissent dans une misère sans nom».
Selon lui, ce projet de loi est le reflet d’une déconnection entre les élites politiques actuelles et le peuple. « Ne parlons même pas des principes de transparence et d’équité qui sont totalement absents dans ce type de projets de lois», analyse-t-il.
Le patron de l’Olucome se dit d’autant indigné que ces avantages «démesurés» soient adoptés dans un pays comme le Burundi « qui est classé parmi les quatre pays les plus corrompus au monde».
Il avance ensuite que mettre aux mains d’une poignée de dirigeants autant d’avantages matériels et financiers peut susciter des frustrations pouvant même mener à des insurrections. D’après Gabriel Rufyiri, il faut espérer que le successeur du président actuel ’’prendra soin de modifier cette loi sélective’’.
Abbas Mbazumutima & Alphonse Yikeze