Utilisé surtout en période électorale, un langage polarisant conduit à la violence de masse s’il n’est pas dénoncé.Les jeunes interpellent les politiciens à faire preuve de responsabilité pendant les échéances électorales de 2020.
«Violence de masse, génocide, violence physique, déchirements, affrontements déstabilisation de la société, isolement», sont entre autres les conséquences d’un langage polarisantselon les jeunes rencontrés. Ce langage prend notamment la forme de stéréotypes, de préjugés, de stigmatisation, d’accusations, d’insultes, …
Pour ces jeunes, il se crée un climat de méfiance. La cohésion sociale est mise en cause. Les gens sont indifférents à la souffrance des autres simplement par le fait que les victimes n’ont pas la même idéologie. Il est plus grave à l’approche d’une élection quand il est question de séduire un électorat devenu « radicalisé et sectaire ».
Jean Kabura est un jeune habitant l’un des quartiers de la ville de Bujumbura, dit « contestataire». Vêtu de pantalon noir et une chemise bleue, longue manche, il garde un souvenir amer de 2015. Pour lui, les discours polarisants nourrissent un sentiment de culpabilité mais aussi de vengeance.
Il explique que les manifestations contre le ’’troisième mandat’’ du président Pierre Nkurunziza ont nourri un sentiment de polarisation entre quartiers sous l’impulsion de certains politiciens.
«Presque dans tous les discours des autorités à l’endroit des quartiers dont les habitants ont participé activement aux manifestations, étaient considérés comme repères des traitres, ennemis du pays depuis longtemps. Cela a créé la psychose», s’est-il rappelé avec regret.
«La globalisation crée un sentiment de méfiance »
Même sentiment de désolation pour Didas Ndayisaba, jeune de Kamenge. «Selon les idées reçues, il m’était impossible de passer dans le quartier Cibitoke. Ce dernier était considéré comme une base des criminels et j’en étais convaincu. Malheureusement, même les jeunes de Cibitoke nous traitaient de la sorte», déplore-t-il. Et d’ajouter : «Cette globalisation créait un sentiment de méfiance pouvant conduire à la violence de masse ».
Claude Nitunga, lauréat de l’Université du Burundi revient à la genèse du génocide comme conséquence du langage polarisant. «Ce n’est pas un phénomène qui arrive du jour au lendemain ou sans signes précurseurs. Un génocide suppose de l’organisation et constitue en fait une stratégie délibérée, qui, le plus souvent est mise en œuvre par des gouvernements ou par des groupes influenceurs de l’appareil étatique ».
D’après ce bachelier, Il est important de comprendre comment un génocide survient et reconnaître les signes qui conduisent à ce calvaire. «L’un des signes les plus évidents est le discours de stigmatisation, polarisé que certains leaders manipulent pour dresser les communautés les unes contre les autres. Des bons à soutenir et à protéger, des mauvais à combattre ou à faire disparaître».
N.K, un jeune de la zone Musaga, au sud de la ville de Bujumbura, met en cause la nature humaine qui, pour lui est égoïste. «Considérer le côté positif d’un autre groupe ou ses membres devient difficile. Mais, il est plus aisé de le traiter de tous les maux. Il devient pour lui, source des malheur.» Et de préciser « la nature aime accuser l’autre. Voilà ce qui nourrit les antagonismes de tout le temps».
Ils convergent sur l’importance de ne pas considérer un adversaire politique comme un ennemi pour une bonne réussite des échéances électorales de 2020. Et de marteler : « Par contre, chaque parti doit défendre son projet de société d’une façon honnête pour l’intérêt général. Il serait indigne que certains citoyens se sentent humiliés, blessés, opprimés ou lésés »,avertissent ces jeunes.
«Par contre, il faut unir nos efforts pour bâtir un monde de paix, une communauté humaine fière et libre dans un environnement apaisé», ont-ils conclu.