Lundi 25 novembre 2024

Editorial

Un hôpital qui rend malade les Burundais

08/09/2023 6

Un des dossiers analysés par le Conseil des ministres dans sa réunion du 30 août est le Projet de décret portant Code d’éthique et de déontologie des prestataires de soins et services de santé au Burundi.

Pour les professionnels de santé, toute institution doit être régie par un Code d’éthique et déontologie. Ils voudraient, toutefois, que l’initiative émane d’eux, étant donné qu’il existe déjà l’ordre des médecins qui se veut  » être au service des médecins dans l’intérêt des patients ».

Par Léandre Sikuyavuga
Directeur du groupe de presse Iwacu

Le projet de décret a été adopté avec plusieurs recommandations. Un point est sous les feux des critiques : « Identifier un hôpital qui pourrait accueillir de grandes personnalités et l’équiper en conséquence, afin de limiter le recours aux hôpitaux de l’étranger. »
Pour de nombreux Burundais, cet hôpital signe « une santé à deux vitesses ».

Le système de santé burundais est en effet confronté à plusieurs défis : personnel soignant surmené et plutôt mal payé, mauvaise gouvernance des secteurs sanitaires, des médecins qui migrent dans les pays développés ou qui préfèrent prester dans le privé, les systèmes d’information et les technologies sanitaires peu développés, le manque d’équipements adéquats. Le chapelet des défis peut être égrené à satiété.

« Privatiser des chambres et offrir deux poids deux mesures aux patients, c’est le début du désengagement de l’État », tranche un médecin qui s’oppose à l’idée d’un hôpital pour les grandes personnalités. Il propose au gouvernement d’envisager d’améliorer les salaires et fournir aux médecins des incitations comme le logement, de bons équipements de travail et des possibilités d’avancements professionnels, « pour aider à améliorer et à maintenir la population de médecins à des niveaux adéquats. »

Dans un passé proche, une première dame est allée accoucher à l’hôpital Prince Régent Charles, un établissement sanitaire populaire. – Evidemment, on avait rénové les chambres à la maternité-. Elle a forcé l’admiration des Burundais. Par contre, un maire de la ville qui a déclaré qu’il ne pouvait pas se faire soigner à cet hôpital a essuyé une pluie des critiques, une vague d’indignation, qui ont précipité son limogeage, selon certains observateurs.

Qu’elles soient endémiques ou chroniques, les maladies frappent tout le monde, le VIP et le citoyen lambda. Tout le monde devrait avoir accès aux meilleurs praticiens et aux soins adéquats. L’hôpital pour les hautes personnalités qui, par ailleurs ne sont pas faciles à identifier (politiques, opérateurs économiques, célébrités ?) n’est pas une solution aux défis qui minent le système sanitaire burundais. Que madame la ministre écoute le regret de ce médecin qui s’oppose aux deux poids deux mesures dans le système de santé : « C’est souvent un idéal d’équité, voire de justice sociale qui a contribué à nous conduire vers un métier du soin. Pourtant, nous nous retrouvons rapidement contraints à opérer un tri, un choix, à tout le moins une différenciation dans l’accueil accordé aux demandes de soins. »

Forum des lecteurs d'Iwacu

6 réactions
  1. Kabizi Pawulo

    « Par contre, un maire de la ville qui a déclaré qu’il ne pouvait pas se faire soigner à cet hôpital a essuyé une pluie des critiques, une vague d’indignation, qui ont précipité son limogeage, selon certains observateurs. »
    Nous, les Burundais sommes des philosophes. L’éditorialiste n’a pas voulu donner le nom de ce maire, mais tout le monde le connaît. Tiens, que devient-il celui qui a célébré ses comptes en banques de 5 milliards????

  2. Gacece

    Un code de déontologie édicte des règles d’éthique à respecter dans l’exercice de ses fonctions. Rien de plus.

    C’est au niveau de la qualité du service aux citoyens que se trouve le problème. Le délai d’attente d’un citoyen pour obtenir un service ou un document; le temps d’attente lors d’un rendez-vous; le sourire, le respect et la courtoisie des employés… ne se trouveront pas dans les codes de déontologie.

    Un employé peut être désagréable tout en accomplissant ses tâches correctement.

    C’est à l’administration ministérielle (chaque ministère) de rédiger des instructions liées au service aux citoyens, de les mettre en place, de les faire respecter et d’en fair le suivi. Les administrations locales peuvent les adapter à leur réalité.

    Par exemple, le ministère de l’intérieur peut exige qu’aucun citoyen ne doive pas attendre plus de 14 jours calendrier (incluant les weekends) pour obtenir une attestation de naissance. Pour respecter ce délai, les communes de la ville de Buja pourraient avoir à engager du personnel supplémentaire. En revanche, la commune de Bweru (Kirundo), qui n’en reçoit qu’une demande par mois (exemple possible fictif), pourrait décider de délivrer le document le jour même de la demande ou endéans une semaine.

    Enfin, je présume que cet hôpital envisagé traitera également des patients qui ne sont pas de grandes personnalités. Il n’est écrit nulle part qu’il sera réservé aux grandes personnalités. C’est une nuance de taille.

    On devrait plutôt s’en réjouir parce que les dépenses liées aux soins à l’extérieur resteront au pays.

    • Jean Pierre Hakizimana

      @Gacece,

      je sais que c’est plus compliquée que cela mais ce problème pour moi est exactement un exemple d’un pays qui a une surpopulation. Un pays pauvre, très surpeuplé, donc qui ne peut pas assurer les services de santé, education et en conclusion sa sécurité! Comme on dit: Charles Darwin nightmare!

      Je sais tu n’y crois pas trop mais le temps le dira! J’espère et serait content d’avoir tort!

  3. Kanda

    Les Hôpitaux-mouroirs pour les pauvres = le Peuple et Les Hôpitaux-guérisseurs pour les riches, les dirigeants. Comme si les pauvres devraient être accompagnés à mourir de leurs maladies et les riches, dirigeants accompagnés à la guérison de leurs maladies.

  4. Rududura Claver

    Lorsqu’on a introduit les écoles d’excellence, j’ai dit que l’on tend vers une société basée sur les classes sociales à l’instar de la France avant la Révolution. Quelqu »un a parlé d’apartheid. Comme si cela ne suffisait pas, on fait la même chose dans le secteur de la Santé. Pourquoi ne pas améliorer les hôpitaux existants en les modernisant par les équipements, les médicaments, le personnel soignant qualifié et bien payé. Mais voilà que ceux qui sont nés sous une belle étoile veulent se distinguer des autres, ceux-là même qu’ils sont censés servir. Quelle incohérence!!! Vivra verra.

    • Gacece

      @Rududura Claver
      Elles existent partout les écoles d’excellence! Et c’est une pratique courante, sauf que certains choisissent de nommer ces écoles avec des noms politiquement corrects pour ne pas s’attirer les fo*udres de l’opinion publique.

      Les écoles élitistes semblent acceptables quand elles sont privées. Les séminaires catholiques avaient l’habitude de sélectionner eux-mêmes les élèves avec les meilleures notes dans les écoles primaires. C’est ceux-là qui étaient orientés chez eux à la réussite du concours national.

      Il n’y a pas longtemps, les lycées faisaient la même chose : la section scientifique A était la destination des élèves surdoués en sciences.

      Il n’y a aucun mal à vouloir canaliser et développer l’intelligence, avec des programmes mieux adaptés aux capacités des élèves.

A nos chers lecteurs

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, mais une information rigoureuse, vérifiée et de qualité n'est pas gratuite. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à vous proposer un journalisme ouvert, pluraliste et indépendant.

Chaque contribution, grande ou petite, permet de nous assurer notre avenir à long terme.

Soutenez Iwacu à partir de seulement 1 euro ou 1 dollar, cela ne prend qu'une minute. Vous pouvez aussi devenir membre du Club des amis d'Iwacu, ce qui vous ouvre un accès illimité à toutes nos archives ainsi qu'à notre magazine dès sa parution au Burundi.