Mercredi 27 novembre 2024

Archives

Un forum national des femmes aux couleurs du parti au pouvoir

05/05/2013 Commentaires fermés sur Un forum national des femmes aux couleurs du parti au pouvoir

Les élections collinaires pour la mise en place des femmes membres du Forum des femmes ne se sont pas déroulées sans entrave. Outre que l’information n’a pas été suffisamment diffusée, le scrutin revêtait une forte connotation politique.

<doc7258|left>21 novembre 2012. Le président Pierre Nkurunziza décrète la loi portant création, missions, organisation et fonctionnement du forum national des femmes au Burundi. Pourtant, pour une large opinion, elle restera presque secrète jusqu’à la fin de la semaine dernière où le comité technique électoral commence à s’agiter. Des élections à la base sont prévues le lundi suivant, soit le 25 février 2013.

À la commune urbaine de Ngagara, le même jour. A 10 heures 38, des jeunes filles, des étudiantes, des fonctionnaires avec des uniformes, des femmes en pagnes viennent pour élire leurs représentantes au forum national des femmes. « Tôt le matin, elles venaient au compte goutte. Pour le moment, elles sont assez nombreuses », nous informe l’une des membres du comité électoral. Onze tables sont disposées le long du bâtiment qui abrite les bureaux de la commune, une table par quartier (la commune est constituée de 11 quartiers). Deux femmes sont présentes pour guider, expliquer la procédure de vote aux électrices. Les listes des 15 candidates en lice sont affichées tout près de chaque table. Chaque électrice se munit de sa carte d’identité. Sur la carte électorale, elle y inscrit au moins trois noms sinon cette voix est considérée comme nulle.

Certaines ont appris la tenue de ces élections le jour même !

Les élections semblent se dérouler sans encombre. Pourtant, les grognes ne manquent pas. « Il y a des femmes qui sont là pour influencer le choix des électrices. Elles t’intiment l’ordre de voter pour l’une ou l’autre candidate. C’est illégal ! », se plaint l’une des candidates « indépendantes », qui désespère par ailleurs d’être élue. Elle affirme qu’à cette commune, ces élections collinaires semblent être une compétition entre les Bakenyerarugamba (femmes membres du parti présidentiel) et celles du parti Uprona. « Elles sont ici depuis le matin. Elles sont venues pour observer le déroulement des élections. Les unes ont peur que les autres leur volent des voix », continue-t-elle.

D’autres femmes se plaignent de n’avoir appris la tenue de ces élections que le jour même. « Sincèrement, je suis venue par curiosité. D’ailleurs, c’est quoi ce forum ? Sur quels critères va-t-on élire celles qui seront nos représentantes ? », demande une sexagénaire visiblement interloquée. Pour elle, il fallait au moins donner du temps aux candidates pour qu’elles présentent leur programme, pour qu’elles expliquent pourquoi on devait voter pour elle et pas pour une autre, une sorte de campagne électorale. « Sinon, pour moi, ces élections n’ont aucun sens. Cela n’engagera que celles qui auront voté » lâche-t-elle.

<quote>Le forum agit comme un organe consultatif et un lieu institutionnel qui favorise l’écoute et l’expression des intérêts des filles et femmes de toutes les couches sociales au Burundi. Les membres du Forum National des Femmes siègent à titre personnel. Il sera constitué par 15 femmes par colline ou quartier élues au suffrage universel direct, 5 femmes par communes élues parmi les membres du forum collinaire, 5 femmes par province élues parmi les membres du forum communal et 85 femmes au niveau national provenant de celles élues dans les provinces.</quote>

A la commune Gihosha, l’information a été diffusée par les chefs de quartiers mais tardivement. « Hier soir à 20 heures, notre chef de quartier frappait de porte à porte pour nous informer d’une activité prévue aujourd’hui. J’ai cru comprendre qu’il s’agit là des élections », raconte B.B. du quartier Gihosha rural.

Des élections avec un cachet politique

D’autres l’ont su par d’autres biais. C’est le cas de Goreth Manimpa, résidant au quartier Muyaga : « J’attendais ce jour impatiemment parce que j’ai été informée depuis longtemps », déclare-t-elle, fièrement. Militante de la ligue des femmes du Cndd-Fdd, elle avoue que même les candidates sont connues : « Nous nous sommes concertées avant de les désigner. »

Elle confirme ce que cinq des huit chefs de quartiers de la commune de Ngagara avaient dénoncé dans une lettre adressée à l’administrateur de cette commune. « Ces élections revêtent une connotation politique depuis que le travail d’inscription des candidates a commencé. Par ailleurs, la plupart des membres du bureau électoral sont du parti Cndd-Fdd », dénonce Faustin Nyambere, un des signataires de la lettre.

C’est d’ailleurs ce qu’affirme P.K., une candidate aux collinaires. Elle reconnaît s’être inscrite car ses amies du Cndd-Fdd le lui ont demandé. Pourtant, elle ne sait pas quel rôle elle aura une fois élue. Elle précise également que jeudi dernier, le comité du parti au pouvoir en mairie de Bujumbura se serait réuni au quartier Gasenyi pour sensibiliser les administratifs de Gihosha de soutenir les Bagumwabanga.

Pourtant, interrogé, le chef de quartier du quartier Gikungu-Gihosha rural nie tout en bloc. Néanmoins, il dénonce le caractère marathon de ces élections. Même son de cloche pour Désiré Gahungu, administrateur de la commune Ngagara. Selon lui, ces élections se sont bien déroulées. Les procédures électorales ont été suivies scrupuleusement. Il s’étonne, par ailleurs, de la réaction de ces chefs de quartier. Il soutient que ce sont des affirmations gratuites : « Leur tâche était d’entrer dans les quartiers afin de sensibiliser la population sur ces élections. C’est un travail du pays mais pas d’un parti politique. »
Nous avons essayé de joindre la présidente de la commission électorale, faute d’un calendrier chargé, elle nous a promis de s’exprimer dans les prochains jours.
____________________________________

Les missions du Forum :
Comme le stipule l’article 3 du décret présidentiel du 21 novembre 2012, le Forum est un cadre qui permet de :
– Agir comme un organe consultatif et un lieu institutionnel légitime qui favorise l’écoute et l’expression des intérêts de toutes les filles et femmes de toutes les couches sociales du Burundi ;
– Harmoniser les stratégies de plaidoyer pour la prise en compte de la dimension genre dans tous les secteurs de la vie nationale ;
– Servir de cadre de rassemblement ouvert pour orienter et canaliser les actions des différents intervenants en faveur de la promotion et de la protection des droits de la femme ;
– Améliorer les relations de collaboration entre les organisations, les collectifs et réseaux des organisations féminines, les femmes leaders et les femmes anciennes dignitaires afin d’accroître l’impact des résultats par des approches mûries et concertées ;
– Capitaliser toutes les capacités et toutes les initiatives des femmes pour contribuer au développement des politiques, des programmes et des stratégies susceptibles de faire avancer la législation, la ratification des textes et lois en faveur de l’amélioration du statut de la fille et de la femme du Burundi.
– Représenter le Burundi au Forum Régional des Femmes et refléter l’image du Forum Régional des Femmes au niveau du Burundi.
– Renforcer l’engagement et le potentiel indéniable des femmes pour la stabilité et la consolidation de la paix, de la solidarité et la réconciliation ainsi que le relèvement communautaire.

A nos chers lecteurs

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, mais une information rigoureuse, vérifiée et de qualité n'est pas gratuite. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à vous proposer un journalisme ouvert, pluraliste et indépendant.

Chaque contribution, grande ou petite, permet de nous assurer notre avenir à long terme.

Soutenez Iwacu à partir de seulement 1 euro ou 1 dollar, cela ne prend qu'une minute. Vous pouvez aussi devenir membre du Club des amis d'Iwacu, ce qui vous ouvre un accès illimité à toutes nos archives ainsi qu'à notre magazine dès sa parution au Burundi.

Editorial de la semaine

Question à un million

Quelle est cette personne aux airs minables, mal habillée, toujours en tongs, les fameux ’’Kambambili-Umoja ’’ ou en crocs, les célèbres ’’Yebo-Yebo’’, mais respectée dans nos quartiers par tous les fonctionnaires ? Quand d’aventure, ces dignes serviteurs de l’Etat, d’un (…)

Online Users

Total 1 767 users online