Ce 20 et 21 avril, se tient la deuxième édition du forum national du développement. Un rendez-vous jugé inopportun par plusieurs acteurs politiques et de la Société civile qui estiment qu’une évaluation et un suivi des recommandations de la première édition auraient d’abord dû être menés.
Par Alphonse Yikeze et Egide Harerimana
La deuxième édition du Forum national sur le développement a commencé ce 20 avril et s’étend sur deux jours. Il a comme thème « Vision Burundi pays émergent en 2040 et pays développé en 2060 ».
Le palais des congrès de Kigobe est plein de participants. Rehaussé par le président Evariste Ndayishimiye, les autres participants sont, entre autres, les hauts cadres de l’Etat, les membres du corps diplomatique, les représentants des organisations internationales, les représentants des confessions religieuses, les représentants des partis politiques, ceux des médias ainsi que de nombreux intellectuels.
Dans son discours d’ouverture de ce forum, le président Evariste Ndayishimiye a expliqué sa vision du Burundi pays émergent en 2040 et développé en 2060. Il a appelé toute la population à s’en approprier et à changer de mentalité pour atteindre les objectifs de ladite vision.
Il a rappelé que des défis sont à relever pour la réussite de cette vision. Le président Ndayishimiye dénonce, entre autres, l’oisiveté de certains cadres de l’Etat et le sabotage des efforts du gouvernement pour le développement.
Comme prévu dans le budget programme, le président de la République a souligné qu’il y aura, dans l’exercice budgétaire 2023-2024, une évaluation trimestrielle des réalisations accomplies par tous les ministères.
Après le discours du président Ndayishimiye, on a procédé avec l’évaluation de la première édition 2021 du Forum national sur le développement du Burundi.
Sur 107 recommandations fournies dans l’édition de 2021, « 30% ont été entièrement réalisés ou en voie de l’être, 40% sont en cours de réalisation et 30 % n’ont pas eu d’avancée significative ».
Parmi les recommandations de l’édition 2021 non réalisées figurent la lutte contre le blanchiment d’argent sale à travers les contributions dans des œuvres de développement de l’argent mal acquis, la mise en place d’un centre d’amélioration de la transparence démocratique, la mise en place d’une réglementation et un contrôle du financement des partis politiques ainsi que la limitation du nombre de partis politiques en modifiant la loi sur les partis politiques.
Les contraintes face à la mise en œuvre de ces recommandations sont surtout budgétaires, liés aux qualifications et aux compétences dans certains secteurs ainsi que la mise en œuvre de certaines recommandations qui exige plusieurs parties prenantes.
Le forum continue avec des exposés et présentations par des experts dans différentes matières ainsi que des échanges sur différentes thématiques abondant dans le sens de la vision susmentionnée.
Un bilan négatif
Ce lundi 17 avril, à quelques jours de la 2ème Edition du Forum national sur le développement du Burundi, la synthèse des recommandations de la première édition du forum est apparue sur le site Web du Forum.
Beaucoup se demandent pourquoi la synthèse des recommandations du premier forum est publiée plus d’une année après la tenue de la première édition du forum. « Ce rapport avait déjà été mis à la disposition de tous les acteurs impliqués », nous dit V.B, un des organisateurs du premier forum. Quand nous lui demandons pourquoi il a fallu tout ce temps pour qu’il soit mis à la disposition du public, V.B a parlé « d’une panne technique »
Gabriel Rufyiri, président de l’Olucome, a remercié la présidence de la République car, d’après lui, ceux qui ont rédigé les recommandations ont été fidèles à leurs suggestions. « Néanmoins, après presque 2 ans, aucune recommandation n’a été mise en œuvre concernant la troisième thématique sur la gouvernance. »
Précisons que les recommandations en rapport avec la bonne gouvernance portaient notamment sur la régulation et le contrôle du financement des partis politiques, la fin du système de cadeaux aux dépositaires des mandats publics, la déclaration du patrimoine par les mandataires publics, la lutter contre le favoritisme dans l’octroi des marchés publics, l’identification et la lutte contre les mauvaises pratiques : détournement des biens publics, enrichissement illicite, concussion, blanchiment, les ministres qui doivent répondre régulièrement directement aux questions des citoyens, et non réserver cela uniquement porte-paroles 22, faire de la séparation des pouvoirs une réalité, etc.
Au niveau du secteur éducatif, Antoine Manuma, président de la Fédération nationale des Syndicats du secteur de l’enseignement et de l’Education du Burundi (FNSEEB), a estimé que rien n’a été fait « Les moyens engagés dans le domaine de l’éducation sont assez faibles contrairement aux besoins, ce qui ne permet pas d’opérer de grandes réformes. Certains aspects évoqués dans les recommandations comme le développement de la recherche sont quasiment au point mort ».
Dans ce domaine, les recommandations développées portaient notamment sur la création d’un système de formation continue pour tous les enseignants, doter de moyens financiers suffisants au secteur de l’éducation, soutenir les travaux de la recherche, initier les élèves à la recherche dès l’Ecole Fondamentale, etc.
Pour ce secteur minier, les recommandations qui avaient été émises parlent d’un meilleur choix des investisseurs (critères ESG (environnement, analyser les performances passées de l’investisseur, attention aux investisseurs des paradis fiscaux), la transparence dans la gestion des revenus, la mise en place d’un Fonds de développement local financé par une taxation sur les revenus miniers, l’adoption d’une taxation qui soit bénéfique au pays en s’inspirant des expériences d’autres pays, élargir l’exploration, avoir une base de données à jour et accessible et renforcer le contrôle ;
Investir dans les connaissances spécifiques au secteur: ingénieurs, juristes, économistes, fiscalistes, auditeurs, insister sur les considérations environnementales dans la réforme légale : remise en l’état des sites d’exploitation, renforcer et former les équipes qui négocient avec les sociétés minières, si nécessaire, recourir à une expertise externe, créer une école des Mines au Burundi, renforcer l’exploration et rendre accessible les données géologiques, mettre sur pied un mécanisme de suivi à chaque maillon de la chaîne, produire des données à chaque maillon et les rendre accessibles, instaurer une législation simple et qui s’applique à tout le secteur, éviter les négociations par investisseur et par mines, conclure des contrats facilement interprétables, privilégier la transparence par rapport à la confidentialité …
D’après F.S, un expert dans le domaine minier, aucune de ces réalisations n’a été faite ? En cause : la modification du code minier opérée en 2021 qui a freiné les contacts avec de potentiels investisseurs. « Nous venons de passer trois ans sans qu’il n’y ait aucune convention signée avec une quelconque compagnie minière. Toutes celles qui étaient en activité jusque-là ont plié bagage ! »
>>Réactions
André Nikwigize : « Je ne crois pas en ces conférences »
Cet expert confie ne pas voir du tout l’importance de la tenue de tels forums. « Je ne crois pas à ces conférences ». D’après lui, il y a eu des programmes de réduction de la pauvreté, qui n’ont jamais été mis en œuvre, malgré qu’ils fussent appuyés par la Banque Mondiale et le FMI, une Vision Burundi 2025, qui n’a jamais connu de début d’exécution, un Plan National de Développement 2018-2027 qui est resté dans les tiroirs. Ce sont des annonces politiques sans aucun objectif économique. Par conséquent, rien ne sert de perdre son temps pour débattre sur ces conférences, car sans objet.
Pour M. Nikwigize, il suffit de regarder l’évolution de la pauvreté du Burundi depuis 2005 « pendant qu’on nous promet, chaque jour, la prospérité ! ».
Faustin Ndikumana : « Les recommandations n’avaient pas été rassemblées dans un document unique avec un cadre formel et de suivi pour leur mise en application »
Le président de Parcem explique qu’à l’époque de la première édition du forum, les recommandations n’avaient pas été rassemblées dans un document unique avec un cadre formel et de suivi pour leur mise en application. « Même au niveau gouvernemental, il n’y a pas eu une séance au conseil des ministres pour s’approprier les résultats et les recommandations de ce forum. Peut-être que la mise en application s’est faite de manière informelle en consultant l’un ou l’autre recommandation dans tel ou tel autre secteur »
Mais, ajoute-t-il, la nouveauté est que le concept de pays émergent en 2040 avait été aussi annoncé, mais sans toutefois qu’il soit soutenu par un document qui montre cette vision du Burundi 2040 comme pays émergent. « J’imagine aussi que lors ce prochain forum, on va présenter ce document. On ose espérer que c’est à partir de ces recommandations recueillies que le gouvernement a décidé finalement de regrouper cela dans un document unique Burundi pays émergent en 2040. Comme ce document a été présenté auprès des membres du gouvernement, on imagine qu’il y a un soutien politique élevé et on attend de voir le contenu du document et on soutenir sa mise en application et faire le suivi. »
Agathon Rwasa : « Un forum qui a accouché d’une souris »
Pour le président du Cnl, l’organisation d’un nouveau forum est inopportune. « Ça sera un forum de plus. Pour organiser ce genre de forum, il faut d’abord analyser la situation réelle et ne pas rassembler des gens juste pour parler. Qu’a généré le premier forum ? Y a-t-il eu une seule réforme qui a suivi ? Si on n’a pas été conséquent avec le premier forum, pourquoi en organiser un autre ? »
Pour le leader du principal parti d’opposition, il faudrait plutôt replonger dans ce qui a été dit au cours de la première édition, voir ce qui est faisable. « Si ça a été un forum d’illusion, qu’on dise aux Burundais : ‘’Lors du premier forum, on a juste déballé nos illusions et maintenant nous voulons être réalistes’’. Essayons de transformer ces illusions en quelque chose de pratique, mais pas annoncer un deuxième forum lorsque le premier n’a rien produit comme résultat. »
Concernant les recommandations, son jugement est encore plus sévère. « Si des recommandations ont été formulées, pourquoi ne les a-t-on pas mises en applications ? Ou alors soit le forum était un passe-temps, soit il avait été organisé pour se payer la tête des Burundais ou alors il a été mené, conduit alors qu’il n’y avait pas de gens pour réceptionner les recommandations du forum. Parce que peut-être c’est contre les intérêts de ceux qui gèrent le pays, soit qu’il y a une incompréhension entre ceux qui ont formulé les recommandations et ceux vers qui les recommandations ont été dirigées. En tout cas, de toutes ces raisons, il doit y en avoir une qui a fait que ce forum a accouché d’une souris. »
Pierre-Claver Nahimana : « On ne peut pas évaluer les travaux d’une activité menée pendant une semaine durant trente minutes ! »
Le président du Frodebu dit regretter que le comité de suivi des recommandations du premier forum n’ait pas été mis en place. « Il est donc difficile de savoir ce qui a été fait et ce qui n’a pas été fait. On dirait qu’on a travaillé pour rien. Nous avons un sentiment de frustration par rapport à ça. J’espère que pour les prochaines éditions, cela sera corrigé. »
Sur le fait que la synthèse des recommandations de la première édition du forum a été publiée ce lundi, le président du Frodebu juge que cela n’est pas fait pour arranger la situation. « Comment ceux qui sont chargés de mettre en application ces recommandations trouveront-ils le temps de le faire endéans trois jours ? »
Pour lui, il faudrait au moins deux jours pour évaluer les recommandations faites. « On ne peut pas évaluer les travaux d’une activité menée pendant une semaine durant trente minutes ! Ce n’est pas possible ! D’ailleurs, ça ne vaut même pas la peine ».
D’après le dirigeant du parti de Ndadaye, il faudrait que les experts conviés pour le premier forum viennent faire l’évaluation de ce qui a été fait et ce qui ne l’a pas été. « Ça ne vaut pas la peine de faire appel à d’autres experts qui vont formuler d’autres recommandations alors que l’évaluation des précédentes n’a même pas été faite ! »
1. Le president Evariste Ndayishimiye parle souvent de faire valoir le savoir-faire de nos ancetres, par exemple en developpant l’industrie du fer.
Il est revenu la-dessus au Forum (a la marque 6:41:21 de la video):« None nk’ubu twogira ihinguriro rihingura icuma iryo ryonyene ryodutunga muBurundi… »
2. Honorable Olivier Nkurunziza (president du parti UPRONA et qui a une formation de geologue) a doute que le Burundi ait des quantites industrielles de fer.
3. Reywen Bigirimana (Regional Estimating Manager at DRA Americas M.Sc, PMP) qui avait fait une presentation sur le secteur minier au Burundi (par videoconference du Canada) a explique qu’effectivement le Burundi dispose de beaucoup de fer dans la concession de Mukanda dans la province de Gitega (144 squares kilometers, 2.600.000 tonnes de fer ainsi que de vastes quantites de vanadium et de nickel, mais que la mine serait tres couteuse car elle devrait etre souterraine.
Il a aussi indique que le nickel de Musongati est accompagne de beaucoup de fer.
Mais pour developper toutes ces mines et raffiner les metaux, il faudrait beaucoup d’electricite (environ 200 megawatts pour Musongati) et un chemin de fer).
https://www.youtube.com/watch?v=Rvs_Pid4Ggw&t=36341s
J’ai eu beaucoup de peine pour trouver cette carte du complexe de Mukanda-Buhoro-Musongati (Figure 2A).
Et le fait que nos gisements de fer, vanadium et nickel se trouvent dans Kabanga-Musongati (KM) mafic/ultra-mafic complexes est une preuve qu’une etroite collaboration est necessaire entre le Burundi et la Tanzanie.
https://biblio.ugent.be/publication/8529642
J’ai lu quelque part qu’il y a un pays de l’Afrique de l’ouest qui envoyait ses minerais pour etre raffines dans le pays voisin.
La Tanzanie est supposee avoir des infrastructures capables de raffiner l’or et fondre le nickel a Kahama.
1. Vous ecrivez:« la mise en place d’un Fonds de développement local financé par une taxation sur les revenus miniers… »
2. Mon commentaire
Le chapitre 2 du code minier (2014) de la Cote d’Ivoire en Afrique de l’Ouest est dedie au developpement communautaire.
« Article 124
Le titulaire du permis d’exploitation est tenu d’elaborer un plan de developpement communautaire en consultation avec les communautes riveraines et les autorites administratives territoriales et locales, avec des objectifs precis et un plan d’investissements.
Le titulaire du permis d’exploitation est tenu de constituer un fonds alimente annuellement. Ce fonds est destine a realiser les projets de developpement socio-economiques pour les communautes locales arretes dans le plan de developpement communautaire. Ces montants sont en franchise de l’impot sur les benefices industriels et commerciaux.
Les modalites d’alimentation et de gestion de ce fonds sont precisees par la reglementation miniere… »
Source: Le code minier (2014) https://loidici.biz
Cette histoire de généraux/Ibihangange qui dictent la politique qui détiennent le réel pouvoir est incompatible avec le développement.
Ce sont des méthodes s’apparentant à la mafia.
Rufyiri le dénonce tout le temps.
L’économie est aux mains de certains individus.
Je constate un manque d’humilitê, de réel sens critique.
Y a t il quelqu’un qui a osé expliquer à ces gens pourquoi réellement nous sommes le pays le plus pauvre et le plus corrompu au monde?
Banza mu menye igituma turi abanyuma.
Reka kwitwenga