Au moment où nous mettons sous presse, il se tient à l’hémicycle de Kigobe, un Forum national sur le développement du Burundi, deuxième édition sous le thème « Vision Burundi Pays émergent en 2040 et pays développé en 2060 ». Une opinion estime que c’est un forum très ambitieux, une autre trouve le thème trop vaste, voire trop vague.
Au-delà de ces avis, c’est une très bonne chose que des compétences des Burundais soient mobilisées pour contribuer aux réflexions et aux actions visant le développement de leur patrie. « Tout un long voyage commence par un petit pas », dit-on. Par ailleurs, le manque de vison pour le moyen et le long terme était considéré comme le talon d’Achille des autorités qui se sont succédé à la gestion de ce pays. Vu sous cet angle, c’est une bonne initiative. Un rendez-vous qui peut susciter l’espoir. Cependant, une question est sur toutes les lèvres : quel est le bilan du premier Forum national sur le développement tenu il y a dix-sept mois? Un rassemblement de plus ?
En effet, du 18 au 19 novembre 2021, des experts burundais confirmés se sont réunis en présence du Chef de l’Etat et d’autres dignitaires pour le Forum national sur le développement. Une rencontre pour « un développement du Burundi, pensé par les Burundais, mis en œuvre par les Burundais et pour les Burundais avec l’appui des partenaires techniques et financiers. » Les experts burundais panélistes ont mis le paquet en présentant des éléments très pertinents pour tirer le pays de cette pauvreté endémique, de l’économie exsangue. Le forum allait accoucher d’un grand document contenant les grandes recommandations devant guider la gestion de la République.
Hélas, le document n’a pas été mis à la portée du public. Ce n’est qu’à trois jours de la tenue de la deuxième édition que le secrétariat du Comité de pilotage a rendu publiques la synthèse et les recommandations de la Ière Edition. Certes, ceux qui les ont rédigées ont été fidèles aux propositions des experts. Mais lesquelles ont été mises en pratique ? Y a-t-il eu une commission de suivi et d’évaluation ? « Certains membres des comités qui avaient préparé ce forum ont été affectés dans d’autres fonctions, les réunions annuelles n’ont jamais été tenues », constatera le président de l’ONG Parcem.
Lors de l’évaluation du premier forum, une affirmation a suscité moult réactions : « Sur 107 recommandations fournies dans l’édition précédente, 30% ont été entièrement réalisées ou en voie de l’être, 40% sont en cours de réalisation et 30% n’ont pas d’avancée significative ». Pourtant, dans les colonnes d’Iwacu, le président de l’Observatoire de lutte contre les malversations économiques a regretté le fait qu’aucune recommandation n’ait été mise en œuvre concernant la troisième thématique sur la gouvernance. Par ailleurs, au programme, le temps imparti à l’évaluation du premier forum n’était pas assez, soit trente minutes. Pourtant l’un des objectifs spécifiques du forum 2023 était d’informer la population et les partenaires du Burundi de l’état de la mise en œuvre des recommandations du forum 2021.
En un mot comme en cent, l’organisation d’un Forum national sur le développement reste une bonne initiative pour faire décoller l’économie du Burundi. Toutefois, le développement ne doit pas être l’apanage d’une classe des privilégiés. La population, dans son ensemble, a un mot à dire, a une voix au chapitre. Les recommandations doivent lui être préalablement présentées, expliquées pour s’en approprier. Un dispositif de suivi-évaluation doit aussi être mis en place pour juger de la progression réalisée en direction des objectifs et des résultats. On aura ainsi évité un rassemblement de plus.
Tant wu’il y aura une corruption crasse à la zaïroise ou à la Haitienne, nous resterons maudit et derniers.
La corruption institutionalisée tue tout
Vu le folklore réservé à cet événement, les dépenses y relatives, on est en droit de se demander pourquoi il n’y a pas de suivi et la population semble délaissée. Le développement d’un pays doit être compris dans le sens global. Tout le monde doit être embarqué dans ce grand bateau.Si le citoyen lambda ne se sent pas concerné, c’est peine perdue.
Il semble que Gandhi et Nelson Mandela aimaient bien répéter ceci:
« Tout ce qui est fait pour moi, sans moi, est fait contre moi »